Amores Urbanos : Interview de la réalisatrice et scénariste, Vera Egito

Vera Egito Restless Love Amores Urbanos

Interview accordée à Daniela Costa le 3 mai 2016 pour le site Afterellen.com

À votre avis, pourquoi Mica, qui est out depuis un moment et qui gère sa vie plutôt bien, trouve quand même des excuses à sa petite-amie qui n’est toujours pas sortie du placard après un an en couple ? En dehors du fait qu’elle soit gentille, qu’est-ce qui la pousse à accepter ces excuses ?

Mes amies homo m’ont dit que, comme elle était hétéro avant de rencontrer Mica, les filles sont plus patientes dans ce cas. Parce que, bien entendu, tout est nouveau pour elle.

Dans le premier brouillon, Mica avait du mal avec la présentation à la famille. Et mes amies, mes amies lesbiennes, m’ont dit « Waouh. C’est chaud la famille. Jamais on ne pousserait une fille à connaître la famille parce que si elle était hétéro il y a un an, peut-être que c’est difficile pour elle de parler aux parents. Donc tu devrais peut-être parler des amis et de la vie sociale plutôt. C’est plus approprié ». Alors, j’ai changé le brouillon.

On dirait qu’en tant que scénariste, vous éprouvez de la compassion pour Duda, c’est juste ? Moi aussi. Par exemple, quand elle n’arrive pas à être ouvertement affectueuse avec sa petite-amie face à d’autres personnes homos et de bons amis, ça me fait de la peine pour elle.

Oui. Lorsque j’écris, il faut que je me mette à la place de chacun des personnages. Il faut que je les comprenne pour comprendre leurs raisons et leurs motivations. Parce que personne ne pense mal faire, même quand on fait de mauvaises choses, on essaie toujours de se justifier. Donc, quand vous écrivez, vous ne devez pas juger les personnages. Parce que si vous le faites, vous écrirez un personnage cliché : un bad guy ou une bad girl.

Dans le premier jet, Duda était une fille très fragile. Elle avait peur de tout. Elle avait peur de dire qui elle était. J’avais écrit le rôle pour une autre actrice qui est très sensible et fragile, mais elle n’a pas pu venir puisqu’elle a été prise pour une série. Et puis, j’ai appelé Ana qui est une chanteuse assez connue au Brésil. C’est une fille forte. Elle est guitariste et compositrice, c’est une warrior. Quand je l’ai appelée, j’ai compris qu’il faudrait que je change mon personnage. Parce qu’Ana n’est pas fragile. Elle n’est pas sensible. Si son personnage n’assumait pas sa sexualité, ça devait être pour une autre raison que cela. J’ai donc créé cette fille avec une forte personnalité, très sexy, mais sans qu’elle ne veuille vraiment parler de sa sexualité. Elle ne veut pas. C’est aussi simple que ça. Elle ne veut pas en parler. C’est très difficile à comprendre, mais c’est comme ça. C’est son caractère, et c’est comme ça qu’elle pense.

Comment ont réagi les gens en voyant le film pour l’instant ?

Ici, les gens sont contents de pouvoir se voir au cinéma. Parce qu’en réalité, les gens qui vont au cinéma, les cinéphiles, vivent dans les grandes villes, et il y a toujours des films états-uniens indépendants, mais, curieusement, pas de films brésiliens indépendants. Je crois donc que les gens réagiront de manière positive au film. Et je crois que toute la communauté homo, toute la communauté LGBT sera très contente aussi parce que ce n’est pas un film homo, dans le sens où ce n’est pas juste pour la communauté gay, il me semble. C’est un film pour tout le monde.

Avez-vous eu des retours de gens non brésiliens qui ont regardé le film ?

J’ai été vraiment surprise parce que le film a été sous-titré pour Miami et Paris et sa force réside beaucoup dans ses dialogues. Il y a beaucoup d’expressions et il y a aussi la manière bizarre dont les personnages parlent. Je me demandais vraiment si le public comprendrait tout ça avec les sous-titres. À Miami, j’étais à une diffusion, et les gens riaient sincèrement lors des quelques moments comiques. Ils riaient vraiment et étaient très silencieux aux moments les plus dramatiques. Les gens ont vraiment pris du plaisir avec ce film et ils ont vraiment compris le film. J’en étais très heureuse parce qu’avec les sous-titres ce n’est pas si facile que ça parfois. À Paris, ça a été la même chose.

J’ai quand même une question sur les critiques et les journalistes brésiliens. Je sais que si un film de ce genre était fait aux États-Unis, la presse dirait probablement que l’histoire avec Duda prend position, que vous essayez de déranger et de pointer du doigt les acteurs dans le placard. Avez-vous entendu des choses comme ça au Brésil ?

Non, et je ne crois pas que j’en entendrai.

Ce qui nous amène au respect de la vie privée. Aujourd’hui, des acteurs américains ont été outés. Par contre, dans les années 1950 par exemple, il y avait quelques acteurs gays mais les gens ne le savaient pas parce que la presse s’était mise d’accord avec les studios pour protéger leur réputation. C’est bizarre que les critiques au Brésil ne relèvent pas ce dont vous parlez clairement dans votre film.

Ils ne forcent pas les acteurs ou les chanteurs. Tout est très très caché de ce point de vue. La presse ici est peut-être comme celle des États-Unis dans les années 1950. Ils vous respectent.

Ça se discute. Ne pas outer quelqu’un, c’est le respecter. Mais s’interroger sur le fait de savoir pourquoi il n’y a pas plus d’acteurs out, c’est autre chose.

Exactement. Cela contribue [à] cette fausse image de l’industrie. Les gens qui ont des préjugés conserveront ces préjugés parce qu’ils pensent que les gens bien, les gens de la télévision sont hétéros et que les gays sont les folles dans les boîtes. C’est ce qu’ils pensent. S’ils gardent cette image en tête, ils gardent leurs préjugés. Le jour où la ménagère comprendra que l’acteur qu’elle aime est homo et que ce n’est pas grave, que ça reste le même acteur, alors peut-être que les choses commenceront à changer. Je le crois. Mais je ne pense pas que la presse s’intéresse à ça.

Je n’y avais jamais réfléchi, mais peut-être, j’espère, que certaines actrices verront le film, se reconnaîtront en Duda et reconsidèreront leur comportement parce que c’est vraiment idiot.

Pour finir, maintenant que vous allez travailler sur d’autres projets, est-ce que vous prévoyez de continuer à aborder des sujets LGBT et à inclure des personnages LGBT dans vos projets ?

Je crois que oui parce que, comme je vous l’ai dit, c’est mon monde. Et vraiment, quand on parle d’amour… Je ne me voyais pas parler de cet amour traditionnel parce que, honnêtement, ce n’est pas intéressant. Dans un film, il faut que vos personnages risquent quelque chose en amour. Risquer dans tous les sens du terme. Il s’agit d’aimer qui vous voulez aimer et c’est tout. Et aimer de la façon qui vous semble la meilleure. Donc je vais probablement de nouveau tourner autour de ce sujet.

Interview Originale sur le site Afterellen.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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