Il était une fois des lesbiennes du passé...

Les femmes et hommes qui vous ont marqué...
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Bee
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Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Bee »

Si la visibilité compte tant et est un enjeu aujourd'hui, il n'en était peut-être pas de même avant... Je ne savais pas où mettre ce sujet qui j'espère n'intéressera pas que ma pomme : les femmes lesbiennes (même si c'est anachronique) dans l'histoire ou plus modestement dans le passé...
J'ai découvert il y a peu, alors que c'est déjà bien connu en Angleterre, le personnage assez singulier qu'est Anne Lister.

Voici ce qu'en dit Wikipedia :

Anne Lister est née le 3 avril 1791 à Halifax (Yorkshire), morte dans le Caucase le 8 août 1840. Elle est la fille de Rebecca Battle et de Jeremy Lister (1752-1836), qui servit en 1775 dans le 10e Régiment d'Infanterie britannique dans la bataille de Lexington et Concord, pendant la Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique. Il écrivit le récit de ces événements dans un manuscrit qui est conservé à Shibden Hall, la propriété rurale, bâtie en 1420, dont Anne Lister hérita de son oncle. Elle avait quatre frères et deux sœurs. Ses frères meurent en bas âge, et le dernier se noie dans un accident de bateau en Écosse, en 1813. Anne est placée à quatorze ans à la Manor Boarding School, une école pour filles. L'année suivante, en 1806, elle y rencontre son premier amour, Eliza Raine. Le mariage de ses parents se révélant un échec, Anne préfère visiter son oncle James et sa tante Anne (frère et sœur, tous deux célibataires), dans leur propriété de Shibden Hall. À la mort de James, en 1826, elle hérite de la propriété. Possédant une fortune confortable et gérant ses biens avec une grande rigueur, Anne Lister peut mener sa vie comme elle l'entend.

À partir de 1806, elle écrit un journal qui remplira vingt-quatre volumes, dont certaines parties (environ un sixième) sont écrites dans un code chiffré : car Anne Lister est, encore aujourd'hui, considérée comme la première lesbienne moderne. Pour autant que l'y autorisent les règles de la société de l'époque, elle assume pleinement son homosexualité, malgré le harcèlement et les vexations dont elle est victime. Elle avoue ouvertement son admiration pour les Ladies of Llangollen, deux femmes de la bonne société anglo-irlandaise qui avaient à la fin du XVIIIe siècle, défrayé la chronique par leur amitié littéraire, romantique et saphique. À Halifax, on la surnomme « Gentleman Jack ». Elle multiplie les aventures, qu'elle ne se fait pas faute de relater dans son journal, dans son écriture codée. Du reste ce journal n'a jamais été destiné à la publication. Mais Anne Lister s'impose aussi un programme d'études rigoureux, s'intéresse à tout, et ne recule devant aucune des activités réservées habituellement aux hommes.

Passionnée par les voyages, elle va en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Scandinavie, dans les Alpes, et dans les Pyrénées françaises et espagnoles. Elle n'hésite pas à s'écarter des routes touristiques pour aller visiter des orphelinats, des prisons, des usines ou des mines, s'intéressant à la politique, à l'industrie, aussi bien qu'à la botanique.

Elle vient à Paris pour la première fois avec sa tante, en 1819. Elle y revient en 1824 pour perfectionner son français, mais aussi pour soigner une maladie vénérienne.

Elle fait un premier voyage dans les Pyrénées en août 1830.

En 1832, elle rencontre et vivra désormais avec Ann Walker, une riche héritière avec qui elle va restaurer Shibden Hall, et avec qui elle a célébré un mariage non officiel, échangeant des alliances.

En 1839, après sa première au Vignemale, Anne Lister et Ann Walker s'embarquent pour la Russie. Elles visitent Saint-Petersbourg, trop occidentale au goût d'Anne, puis Moscou. En 1840, à Kutaisi, au pied du Caucase, en Géorgie, Anne est prise d'une forte fièvre et meurt, le 8 août. Elle projetait de continuer son périple vers le Moyen Orient et de gravir le mont Ararat. Ann Walker mettra sept mois à ramener son corps embaumé, d'abord à Moscou, puis en Angleterre, et le faire inhumer dans l'église paroissiale Sainte-Anne de Southowram, près d'Halifax. Ann Walker reste à Shibden Hall, jusqu'à ce que sa sœur et son beau-frère, le capitaine Sutherland, la fassent interner dans un asile d'aliénés, où elle meurt en 1854.

La notoriété d'Anne Lister est à double face : personnalité du monde homosexuel — et littéraire — en Grande-Bretagne, figure essentielle du pyrénéisme en France, ces deux aspects étant rarement évoqués ensemble.

Il existe un documentaire anglais disponible (sans sous-titres malheureusement) sur youtube : http://fr.youtube.com/watch?v=1Cvs6Qy7rqA

Je trouve cette histoire absolument bluffante et en même temps très triste. Une fille gênante se trouve très vite à l'asile à cette époque. Anne Lister a eu plus de chance que Ann Walker. Forcément, ça m'a fait pensé à Sarah Waters et Maud Lily à l'asile, à la suite de sa mère.

Et vous ? Y a t-il des femmes que vous admirez dans le passé plus ou moins lointain, voire dans l'histoire ?

Michelle Paris
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Michelle Paris »

Haaaaaa nous voila archivistes et historiennes, ça manquait :twisted: ...
Je suis une deuxième pomme intéressée !!

On avait parlé déja de Radclyffe Hall et de Natalie Barney, brièvement, dans le fil de lecture :
http://www.univers-l.com/forum2/viewtop ... 292#p18292

Pour celles qui s'intéressent à l'histoire lesbienne, un premier livre indispensable sera celui de Marie-Jo Bonnet "Les relations amoureuses entre les femmes 16ème-20ème siècle"
http://livre.fnac.com/a1195580/Marie-Jo ... es-femmes?

Il n'est pas cher, édition tres soignée, et on y apprend tellement de choses que franchement, il ne faut pas se priver !

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Bee
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Bee »

Michelle Paris a écrit :Haaaaaa nous voila archivistes et historiennes, ça manquait :twisted: ...
Je suis une deuxième pomme intéressée !!
Arfff... démasquée :D
Tant mieux : plus il y a de pommes, meilleure est la compote ! Proverbe d'origine encore indéterminée, mais l'enquête suit son cours

Nathalie Barney était vraiment très jolie je trouve...

Puisque tu évoques des lectures, j'ai dévoré les deux derniers livres de Laure Murat :
- Passage de l'Odéon, 2003, qui parle de la relation de Sylvia Beach et d'Adrienne Monnier, au cœur du Paris littéraire des années 1920-1930.
- La loi du genre. Une histoire culturelle du troisième sexe, 2006 qui aborde, entre autres, une histoire qui devrait être portée à l'écran avec Nicole Kidman et Charlize Theron sous le titre The Danish Girl. Le site AfterEllen en parle ici : http://www.afterellen.com/blog/dorothys ... love-story.
En gros, le film devrait porter à l'écran le premier cas connu de l'histoire de transsexuel opéré : un homme Einar, marié à une artiste, Gerda, devient Lili. Le mariage est annulé. La relation de Gerda et Lili continue.
Le livre de Laure Murat parle de ces premières opérations et des conséquences sur les redéfinitions du genre.
Il y est aussi question de Nathalie Barney...

Qu'est-ce que je suis bavarde... :P
Bonne soirée

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elleon
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par elleon »

Michelle Paris a écrit :Haaaaaa nous voila archivistes et historiennes, ça manquait :twisted: ...
Je suis une deuxième pomme intéressée !!

On avait parlé déja de Radclyffe Hall et de Natalie Barney, brièvement, dans le fil de lecture :
http://www.univers-l.com/forum2/viewtop ... 292#p18292

Pour celles qui s'intéressent à l'histoire lesbienne, un premier livre indispensable sera celui de Marie-Jo Bonnet "Les relations amoureuses entre les femmes 16ème-20ème siècle"
http://livre.fnac.com/a1195580/Marie-Jo ... es-femmes?

Il n'est pas cher, édition tres soignée, et on y apprend tellement de choses que franchement, il ne faut pas se priver !
Merci Michelle, sur ton conseil je viens de le commander à la Fnac !
il y a tellement peu de livres sur l'histoire lesbienne.
vive le zsa zsa zsu

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Bee
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Bee »

Bon, je continue mes petites incursions dans le passé. Le problème principal pour les périodes anciennes, c'est-à-dire en fait avant la fin du XIXe siècle, c'est qu'il n'y a pas encore d'hétérosexualité, d'homosexualité et de bisexualité : ce sont des catégories inventées par les savants, souvent des médecins, vers 1880-1890. Du coup, les individus ne se définissent pas ainsi et ne se voient sans doute pas dans des cases.

Donc, tous les exemples sont discutables. Ce qui n'empêche pas les présomptions.
Commençons par un cas à peu près convaincant : la sœur de l'écrivain Henry James et du philosophe William James. Alice James est née en 1848 aux Etats-Unis. C'est une femme solitaire qui a vécu ses 34 premières années de sa vie auprès de ses parents, en enseignant l'histoire par correspondance à de jeunes femmes. Jamais mariée, elle fit très jeune de graves malaises et deux dépressions nerveuses graves, traitées avec toutes les techniques modernes de la jeune psychiatrie : cure de sommeil et électrochocs ! Elle est considérée comme une hystérique.
Après la mort de ses parents, elle quitte l'Amérique et s'installe en Angleterre avec son infirmière et sans doute compagne : Katherine Peabody Loring. Elle écrit un journal, publiée longtemps après sa mort car Henry James ne voulait pas qu'il paraisse et puisse compromettre la réputation de la famille. L'homosexualité est présumée. Les commentaires français parlent tous de Katherine comme d'une amie fidèle. Les commentaires anglais sont plus explicites.
Les voici toutes les deux. Je trouve cela très émouvant :
Image

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Bee
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Bee »

Je continue mon petit parcours... avec un point qui commence à être un peu mieux connu, en tout cas en Angleterre. Il s'agit de femmes qui au XVIIIe siècle se sont faits passer pour des hommes et ont pu se marier et vivre une longue relation découverte seulement parfois à leur mort.
En France, le livre de Christine Bard sur le travestissement féminin tendait plutôt à distinguer logique de travestissement et transsexualisme : ce travail était nécessaire, mais du coup, il minimise cette entrée pour comprendre des femmes qui utilisent le vêtement masculin pour vivre non pas leur envie d'être un homme mais pour pouvoir socialement vivre leur sexualité.
Les historiens et historiennes anglo-saxons ont en revanche travaillé ce point : il s'agit des cas nombreux de female husband, c'est-à-dire de mari féminin.
Voici un article complet sur un cas célèbre paru dans l'excellente revue Clio, spécialisée dans l'histoire des femmes :
http://clio.revues.org/index254.html

Il y a d'autres exemples en Europe, comme celui de Catherine Vizzani. Cette jeune femme, née à Rome en 1718/19, a toujours exprimé sa préférence pour les femmes sans pour autant être un garçon manqué. Dès l'âge de 13 ans, elle se met à courtiser ostensiblement pendant deux ans une jeune Margaret jusqu'au jour où le père de Margaret découvre les deux jeunes femmes dans une situation compromettante et menace de livrer Catherine aux autorités. Résultat : elle s'enfuit de chez elle et se déguise en garçon pour être libre de se déplacer et pour trouver un travail. Sa mère l'accepte et la jeune femme devient "Giovanni Bordoni". Son père finit par la reconnaître comme son fils.
La jeune femme, devenue un garçon comme les autres, devient célèbre pour ses nombreuses conquêtes féminines. Elle se fabrique même un gode-ceinture en cuir dont on ne sait pas s'il devait faire illusion socialement ou s'il eut un autre usage.
Elle meurt finalement âgée d'environ 25 ans, en 1744, mais deux hypothèses existent : soit elle meurt naturellement de gangrène, soit elle est tuée à la suite d'un duel pour une jeune femme.
Le cas devient historique et donc suscite de l'écrit à partir du moment où au moment de l'autopsie, les médecins découvrent que Giovanni Bordoni est un homme. Et surtout, quand commence la quête médicale des signes physiques et physiologiques de la "lesbianitude". Le gène n'existe pas encore. C'est donc l'anatomie qui doit parler. L'enquête porte surtout sur la taille du clitoris, conçu médicalement depuis très longtemps comme un petit pénis en miniature. L'idée directrice ? Les lesbiennes auraient toutes un clitoris surdimensionné qui expliquerait leur orientation.

Son cas a rendu célèbre le docteur Bianchi en 1751, puis son traducteur anglais John Cleland en 1755. Il reste discuté au 19e siècle.

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Brynhild
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Brynhild »

Bee a écrit :Et surtout, quand commence la quête médicale des signes physiques et physiologiques de la "lesbianitude". Le gène n'existe pas encore. C'est donc l'anatomie qui doit parler. L'enquête porte surtout sur la taille du clitoris, conçu médicalement depuis très longtemps comme un petit pénis en miniature. L'idée directrice ? Les lesbiennes auraient toutes un clitoris surdimensionné qui expliquerait leur orientation.
Expldr ! x)
Mais d'un coté... c'est vrai que c'est intriguant tout ça, d'où ça vient l'homosexualité ? Vous sauriez pas si 'y a eu des recherches là dessus par hasard ?

Et sinon... je ne sais pas si je peux me qualifier de pomme pouvant se joindre à votre compote, mais en tout cas je lis tout ça et ça m'intéresse beaucoup. :mrgreen: Je me suis toujours demandée comment se passaient les relations saphiques dans le passé justement. Sur l'homosexualité masculine, on trouve davantage de choses mais pour ce qui est du lesbianisme... cela relevait plus du mystère pour moi.
Donc pas grand chose à dire, à compléter... Mais seulement merci Bee pour ces leçons. ;)

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Aurèl
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Aurèl »

j'ai lu vos messages, j'ai adoré connaitre, se qu'était l'homosexualité à l'époque. Je suis vraiment contente de pouvoir vivre de nos jours, même si c'est pas encore vraiment ca. Je suis sur que dans quelques années on n'y fera même plus attention ! Du moin j'espère =)

Michelle Paris
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Michelle Paris »

Brynhild a écrit :Mais d'un coté... c'est vrai que c'est intriguant tout ça, d'où ça vient l'homosexualité ? Vous sauriez pas si 'y a eu des recherches là dessus par hasard ?
Il y en a depuis plus d' un siècle, sans résultats probants...
Avec toujours le débat inné/acquis qui fait rage, et les recherches ne sont pas bien crédibles, souvent tout critère scientifique est abandonné dès qu' on aborde le sujet et la perspective de parution d' une théorie ou d' un livre bien lucratifs

L' énergie et l' argent consacré à ces recherches pourrait être mieux utilisé, à mon avis

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Bee
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Re: Il était une fois des lesbiennes du passé...

Message par Bee »

Brynhild a écrit : Mais d'un coté... c'est vrai que c'est intriguant tout ça, d'où ça vient l'homosexualité ? Vous sauriez pas si 'y a eu des recherches là dessus par hasard ?

Mais seulement merci Bee pour ces leçons. ;)
Comme l'explique très bien Michelle, on n'en sait rien. Apparemment, JLD n'a pas non plus de réponse toute prête. En revanche, ce qui est fascinant, c'est que en fonction des découvertes et des avancées scientifiques, les questionnements se sont déplacés. Il y a d'abord eu les albums entiers de photographies de clitoris (la recherche anatomique qui t'a bien fait rire...), puis en découvrant les hormones, ça s'est déplacé vers ce facteur (testostérone et masculinité), puis avec la découverte des gènes, même topo.
Le chantier est sans cesse réouvert...
Modifié en dernier par Bee le jeu. 18 déc. 2008 20:49, modifié 1 fois.

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