Il me semble que la "monogamie" appartient à un système politique archaïque permettant à la domination masculine de tracer l'origine du sperme dans l'utérus de chaque femme… Peur de la confusion dans la descendance et/ou dans la "pureté de la race".
Une injonction normative millénaire adressée exclusivement aux femmes, puisque de tous temps les hommes se sont arrogés le "droit" d'avoir d'autres partenaires sexuelles (polygamie, prostitution, maîtresses, viols, enfants adultérins, etc.). Sur ce carcan millénaire se greffent les constructions imaginaires de l'Eternel Féminin doux, serviable, maternel, etc. conditionnant la "morale sexuelle" féminine. Cf la Une du magazine
Elle titrant : "La pipe : ciment du couple". Bref, la monogamie est une coercition au service des hommes et une femme qui pense à son plaisir est une salope. Entre la maman et la putain, point de salut !
Ces enfants qui deviendront + tard des adultes lesbiennes ont été conditionnées, elles aussi, dans la soumission à ces normes. La sécession que constitue le lesbianisme assumé n'efface pas tous les effets du conditionnement. Le modèle monogame sécuritaire ainsi que les préjugés de l'Eternel Féminin imprègnent encore la vie des lesbiennes à leur insu.
Je rallie donc une hypothèse énoncée ci-avant en y ajoutant cette nuance : la monogamie est le modèle le plus facile à mettre en oeuvre parce qu'il fait l'économie de la pensée et donne l'illusion d'un ordre "naturel" juste.
On pourrait faire évoluer le débat en changeant les termes monogamie/polygamie par les termes relations exclusives/relations non-exclusives, relations hiérarchisées/relations non-hiérarchisées.
Comme dit l'initiatrice du sujet (merci d'ailleurs pour sa courageuse initiative), la fiction peine à inventer en dehors des sentiers battus. Peut-être cette difficulté est-elle simplement à l'image des lesbiennes qui peinent, elles aussi, à inventer en dehors des normes dominantes ? La majorité continue d' aimer et sexer dans un cadre duel exclusif avec, parfois, l'entaille au contrat (l'hypocrisie sexuelle qui révèle le malaise).
Alors, oui, il existe une minorité de personnes revendiquant le droit à une sexualité non-exclusive non-hiérarchisée. Elles témoignent de la possibilité d'un mode relationnel libre qui ne soit pas éphémère comme des plans Q successifs. Cependant, pour que ce mode alternatif soit vivable, durable, non-oppressif, il faut que les désirs et les attentes de chaque partenaire liées soient symétriques. Or la vraie vie prend de court les fantasmes théoriques. Des désirs libertaires symétriques ne suffisent pas à créer une attirance morale et physique entre les êtres, loin s'en faut ! Le choix des partenaires sur la planète libertinage étant très restreint et personne n'ayant réellement envie de sexer par défaut avec quelqu'une qui lui répugne, la probabilité de se faire plaisir serait quasi nulle si les libertines ne cédaient pas un peu sur leur désir de liberté et les conventionnelles sur leur désir de sécurité. Et c'est dans ce cadre de négociation que l'invention de la liberté a des chances de cheminer…