Interview de Greg Rucka, scénariste et dessinateur de comics

Greg Rucka - Wonder Woman

Interview accordée à Matt Santori Griffith le 28 septembre 2016 pour le site Comicosity.com

Oui, donc au niveau de Themyscira, peut-être que le terme « queer » n’a pas lieu d’être dans cet environnement. Mais, quels genres de tensions cela crée-t-il lorsque Diana part pour le monde extérieur ?

Attendez. C’est important pour moi aussi. D’après nos critères de 2016, Themyscira est une culture queer. Je ne botte pas en touche. Et tous ceux qui veulent tergiverser là-dessus sont idiots.

J’ai dit autre part que j’avais l’impression que cette question avait déjà été posée et qu’on y avait répondu. Quand Grant Morrison écrit un livre Earth One où Diana dit que Mala est son amante, je ne vois pas comment on pourrait être plus clair que ça. Maintenant, ceux d’entre-nous qui s’y connaissent en comics disent « Oui, enfin, Earth One, ce n’est pas New 52 ou Rebirth ». Mais, tous les livres Earth One se développent à partir d’un condensé des vérités fondamentales qui composent ces personnages.

Pour les Amazones, c’est juste un mot qu’elles n’emploient pas dans leur vocabulaire. C’est la même chose que lorsque Diana doit chercher le mot « frère » pour décrire la relation unissant Steve à ses matelots et qu’Hippolyta dit « Le mot c’est “frère”. On ne l’utilise pas beaucoup. C’est sûrement pour ça que tu ne t’en souviens pas ».

Ça n’arrivera pas dans Year One, mais on sait que genre dix minutes après la fin de l’histoire, Loïs Lane arrête l’interview avec Wonder Woman et lui demande d’où elle vient. Diana va répondre qu’elle vient de Themyscira, une île exclusivement féminine. Après, je ne sais pas si Loïs lui demanderait « Est-ce que ça veut dire que vous couchez toutes les unes avec les autres ? » parce que ça ne me semble pas correspondre à son personnage.

Mais si quelqu’un lui pose ouvertement la question, Diana va répondre « Bien sûr qu’on s’aime les unes les autres. Certaines Amazones sont ensemble depuis des milliers d’années. Certaines depuis bien moins longtemps. Et parfois, elles ont plusieurs compagnes à la fois. Parfois elles rompent. Mais, il faut que nous fassions en sorte de vivre ensemble et que cela fonctionne »

D’accord. Je ne voulais pas sous-entendre que vous esquiviez la question. C’est juste que vous avez créé cette culture où l’hétéronormativité est absente de la narration.

Exactement. Matt, ce sont les questions que je me pose.

Et je n’aime pas du tout l’idée qu’il y ait des gens qui puissent penser que DC ne s’exprime pas franchement là-dessus. Ce n’est pas le cas. Personne ne veut être cité hors contexte par des ignorants, mais personne chez DC a dit « Elle doit être hétéro ». Personne. Jamais. Ils n’ont jamais sourcillé sur ce sujet.

Et quand ils avaient des questions sur la façon dont on représentait cela, les questions ont toujours porté sur la représentation dont l’histoire avait besoin. Je pense que n’importe quel éditeur peut être parfois montré du doigt pour un moment de négligence ou pour une erreur, mais ça m’importe beaucoup qu’on dise la vérité sur DC.

Je crois que, comme toutes les entreprises, ils préfèreraient que ce ne soit un problème pour personne. Mais la plupart des être humains préfèreraient également que ce ne soit un problème pour personne de nos jours. C’est comme ça. C’est comme ça que les Amazones vivent.

J’ai passé beaucoup de temps à penser à ça et à en parler à des gens. Je me demande ce qu’il se passerait si vous étiez une femme trans en cours de transition et que vous alliez à Themyscira ? Puisqu’elles n’ont pas une culture hétéronormative, je me demande si elles se sont même déjà posé des questions relatives aux transgenres ou au changement de genre. Voilà les choses auxquelles je pense. Je n’ai pas de réponse. Pas encore.

Mais je sais une chose : leur société se doit d’être le meilleur paradis possible.

En considérant l’histoire de Wonder Woman, l’étendue de ses représentations, et votre rôle dans ces deux procédés, avez-vous autre chose à dire sur cette vision d’ensemble ?

Notre travail — à moi, Nicola et Liam — est de rendre service au personnage. De raconter les meilleures histoires possibles en faisant notre maximum. C’est toujours notre objectif. Si, en cours de route, on arrive à établir des bases qui permettront une meilleure compréhension de l’importance culturelle de Diana et que cela répond aux questions que se posent les gens, alors génial ! Et je sais que cela va frustrer des personnes, mais ce n’est pas mon mot d’ordre.

Cela ne peut pas l’être. Parce que sinon j’écrirai quelque chose de polémique, pas une histoire. Et la polémique est mauvaise pour un scénario.

Ceci dit, une partie de moi a été déconcertée lorsque Wonder Woman #2 est sorti et que j’ai vu des gens qui trouvaient encore que ce n’était pas assez clair. Je ne sais pas comment je peux être plus clair ! [rires]

Donc, je crois très fermement au fait que la réponse devrait être dans le texte. En réalité, ce que je vous dis devrait très peu importer. La seule chose qui importe est ce que vous lisez dans le livre final. Ce qui est écrit dans le texte.

Mes convictions politiques influenceront toujours la manière dont j’écris ce que j’écris. Mais, au final, ce que je pense n’a pas d’importance. Ce qui importe c’est ce qu’on écrit dans le livre.

Peu importe que je dise « oui, elle est bi » ou « non, elle n’est pas bi ». Ce qui est important c’est ce que vous retenez du livre. Est-ce que vous le voyez dans le livre ? Ça y est ? Est-ce que sa sexualité est clairement représentée dans le comics ? Là, vous avez votre réponse.

Interview Originale sur le site Comicosity.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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