Héroïnes de Claude Cahun

Héroïnes de Claude Cahun

Titre Français : Héroïnes

Titre Original : Héroïnes

Auteur : Claude Cahun

Date de Sortie : 2006

Nationalité : Française

Genre : Nouvelles

Nombre de Pages : 123 pages

Éditeur : Mille et une nuits

ISBN : 978-2-84205-927-9

Héroïnes : Quatrième de Couverture

Nièce de Marcel Schwob, Claude Cahun (1894-1954) aura été une artiste inclassable, adepte de la subversion poétique. Dans son œuvre tant littéraire que photographique, elle fait valoir avec audace son « androgynie » et sa volonté de cultiver sa singularité. Dans ces seize nouvelles écrites entre 1920 et 1924, toutes réunies pour la première fois en volume, elle s’empare des légendes de quelques grandes figures féminines pour en donner une version étonnante et décapante où s’inversent les genres : Dalila, Judith , Sapho, Cendrillon, Salomé, Ève, etc., sont ses héroïnes qui lui prêtent un peu de leur visage. Ainsi, Claude Cahun compose-t-elle son autoportrait en kaléidoscope, celui d’une femme insolite, à rebours des conventions.

Héroïnes : Avis Personnel

Héroïnes est un recueil de nouvelles, traitant chacune d’une héroïne « classique », issue de la mythologie, des textes religieux, ou encore des contes pour enfants.

Claude Cahun réécrit l’histoire de chacune de ces femmes, et elle le fait génialement.
En respectant et reprenant la trame d’une aventure déjà connue et inscrite dans la mémoire collective, elle crée des récits absolument neufs, transformant les portraits traditionnels de ces femmes, réinventant leurs psychologies, défaisant avec malice tous les clichés dont elles sont entachées et proposant une vision tout à fait subversive de lieux communs littéraires.
Mêlant ironie acerbe et onirisme poétique, l’auteur navigue avec une grâce extraordinaire entre philosophie, conte et parabole, essai et mise en scène théâtrale.

Chaque nouvelle est une petite perle, et l’étonnement du lecteur est chaque fois renouvelé : la subtilité du propos se joint à un humour décapant et souvent déconcertant.
Vous croiserez ainsi une Eve naïve et ingénue, arnaquée par la réclame abusive qui lui vante un fruit merveilleux ; une Pénélope très déçue du retour d’Ulysse, elle qui s’amusait si bien au milieu de ses prétendants ; une Hélène follement amoureuse de son mari Ménélas, aspirant à une vie domestique et rangée, forcée au jeu de la séduction par son époux ; une Cendrillon masochiste, fascinée par l’humiliation, réalisant les fantasmes d’un Prince charmant fétichiste des chaussures (comblé donc par le petit soulier de vair…).
Mais certaines de ces nouvelles prennent une tonalité plus politique et interrogent la société, passée et présente, sur les codes qu’elle impose, les attentes qu’elle imprime sur les individus. C’est ce que mettent en relief les aventures de Judith, dont la foule s’empare de la vie privée pour en faire un exemple d’héroïsme – bien loin des desseins de la protagoniste ; celles aussi de Salomé, qui dénonce un art voulant copier la « vraie vie », elle qui ne s’épanouit que dans le fantasme.
D’autres nouvelles encore s’attachent aux caractéristiques qui ont en grande partie fait connaître Claude Cahun : un travail sur le genre, l’inversion et la subversion de celui-ci. Plusieurs de ces récits traitent de la question, parfois de manière anecdotique ou détournée, parfois de front. Ainsi, l’histoire de Salmacis cherche – avec bien sûr l’ironie propre à l’auteur – une origine mythologique à l’homosexualité, au travers du mythe d’Hermaprodite.
Tous ces textes ont en tout cas un point commun : ils prennent le contre-pied des stéréotypes qui collent à ces héroïnes. Entre une Belle qui n’aime que les vrais monstres, une Dalila séductrice qui tombe amoureuse de son pire ennemi et une Sapho désireuse de maternité, le dépaysement est total…

Des récits d’une intelligence et d’une intensité remarquables donc, qui vous feront sourire à coup sûr, réfléchir sans doute, et rêver, très certainement…
Sans compter que le livre contient également, pour les plus curieux/ses, une postface de François Leperlier – « découvreur » de Claude Cahun et de son œuvre – et une biographie de l’auteur.

Un vrai coup de cœur pour moi !
Et une véritable petite pépite de la littérature française pour 2,50 euros… Qui dit mieux ?

Héroïnes : Extraits

« OCCASION UNIQUE. Voulez-vous devenir plus forts, réussir dans toutes vos entreprises ? N’hésitez pas : aussitôt que vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et vous serez TELS QUE DES DIEUX en connaissant le bien et le mal. Demandez le fruit savoureux. Il n’en reste plus qu’UN SEUL. Demandez-le sans retard ! Que risquez-vous ? Vous serez satisfaits, ou votre chèque vous sera remboursé. » […]
Or, sitôt que Dieu eut avalé la pomme indigeste – habilement dissimulée dans un de ces petits plats savants que la Femme lui préparait – fut-il saisi d’une violente colère. (Évidemment il avait des maux d’estomac.) Il chassa le Couple du Paradis, le rappela, le renvoya – ne sut que décider.

Eve la trop crédule

Je sais bien que je suis laide, mais je m’efforce de l’oublier. Je fais la belle. En tout, et surtout en présence de l’ennemi, je me comporte absolument comme si j’étais la plus belle. C’est le secret de mon charme. Mensonge ! – et je finirai moi-même par m’y laisser prendre.

Hélène la rebelle

Mon père se remaria et j’en fus bien joyeuse. J’avais toujours rêvé d’une marâtre. Le ciel me combla : me donnant deux sœurs par alliance. Elles étaient délicieusement cruelles. J’aimais surtout l’aînée qui me méprisait à ravir : me voyant toujours assise dans les cendres du foyer, dont la tiédeur me pénétrait de délectation (parfois jusqu’aux brûlures même), de sa chère voix familière ne m’appelait-elle pas Cucendron ? Jamais mot ne me fut si doux à l’oreille.

Cendrillon, l’enfant humble et hautaine »

A propos de Julia Clieuterpe

Chroniqueuse occasionnelle

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