I Leave Here : Interview de la scénariste Marie Roux et de la réalisatrice Nathalie Camidebach

Interview de la scénariste Marie Roux et de la réalisatrice Nathalie Camidebach

Interview accordée à l’équipe Univers-L pour le site Univers-L.com le 28 Mars 2011

Vous n’êtes pas nouvelles dans le monde du cinéma. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre parcours ?

MARIE ROUX : J’ai étudié au Conservatoire Régional de St Raphaël ensuite au Conservatoire National de Région à Nice. Puis PARIS bien évidemment où j’ai rencontré un grand maître de théâtre Dominique Leverd. ­Apres quelques années, j’ai auditionné pour Jack Waltzer un acting coach américain d’où ma décision de partir pour LA et de joindre Stella Adler Academy of Acting.

Pas mal d’auditions, de théâtre et puis ensuite petit a petit j’ai commence à vouloir faire mes propres projets car l’attente se fait un peu longue parfois. Alors comme on dit ici « je suis devenue pro-active » c’est à dire prendre en charge un peu ma carrière au lieu d’attendre.

J’ai commencé à écrire et puis avec l’aide de Nathalie on a fait 2 courts Remember The Eyes et Innocence Remains qui ont très bien marché et maintenant le long en perspective. Un parcours qui fut assez naturel même si pas facile tous les jours de toujours se battre. Mais bon quand c’est une passion, on n’a pas trop le choix ! Et je suis heureuse d’être où je suis aujourd’hui.

NATHALIE CAMIDEBACH : J’ai commencé par faire une école de théâtre cours Florent et ensuite au grenier Sarrazin et puis  je me suis tournée vers l’écriture de scénarios et naturellement je suis arrivée derrière la caméra. J’ai découvert que j’adorais raconter des histoires, ainsi que travailler avec les comédiens et comédiennes.  En fait il m’est difficile de ne pas m’exprimer au travers de mes films.

Vous avez déjà réalisé plusieurs courts-métrages lesbiens. Pourquoi ce sujet vous tient-il tant à cœur ?

MARIE ROUX : Parce qu’il est important grâce à l’art de véhiculer toutes les facettes humaines qui rendent la richesse de nos relations.

En fait je dirais que même si les protagonistes de l’histoire sont homos, le sujet et l’histoire sont basés sur d’autres critères que la simple rencontre.  Parce que si l’on traite la différence sans la montrer alors elle disparaît.

Pour moi je veux écrire des histoires dans lesquelles le thème diffère du sujet. Oui, ces femmes sont lesbiennes, mais je crois que pour apporter une totale acceptation et compréhension dans nos sociétés, il faut aborder les « histoires taboues » en les traitant comme « naturelles» ! J’espère que vous comprenez.

NATHALIE CAMIDEBACH : Je pense qu’il y a peu de films qui parlent d’homosexualité, et qui en parlent de façon tout à fait banale… Vous savez quoi, moi quand je vais voir par exemple un film comme « Sur la route de Madison », je m’identifie à l’histoire d’amour et que ce soit un homme ou une femme eh bien quand je sors de la salle je n’ai qu’une envie c’est de vivre une belle histoire d’amour… J’aimerais qu’un jour les gens après avoir vu mes films s’identifient à l’histoire d’amour ou à l’histoire et non pas à une orientation sexuelle.

Dans Remember The Eyes vous abordez la question du handicap physique et l’homosexualité apparaît finalement comme très banale. Pourquoi avoir choisi de traiter ces deux sujets de la sorte ?

MARIE ROUX : Je n’avais pas lu votre question suivante. En fait je crois y  avoir répondu. Pour moi un film, un scénario, une histoire doit avoir plus. Et puis personnellement j’aime les films où tout être peut s’identifier.

Regarder un film comme Mother and child,  ou Billy Elliot que je regardais récemment, tout le monde peut s’identifier à chaque personnage, c’est si riche que l’on n’a pas besoin d’être Black, Asiatique ou un jeune Anglais danseur. On trouve l’humanité dans chaque personnage et c’est ce qui fait la force de ces films.

Il y a des tonnes de film sur le « coming out », je pense que c’était très important et toujours dans différents endroits au monde mais qu’aujourd’hui j’ai envie de voir autre chose et si on peut créer ça alors j’en suis ravie.

D’ailleurs, Remember The Eyes avait le potentiel d’être un long-métrage. Est-ce par choix ou par manque de moyens que vous  l’avez réalisé au format court-métrage ?

MARIE ROUX : Merci, c’est un beau compliment. J’ai écrit le long par la suite.

Je pense que comme pour moi ou Nathalie c’est bien de commencer avec des courts, de reconnaître ce qui marche, ce qu’on aurait pu mieux faire et bien évidemment il faut beaucoup plus d’argent pour faire un long. Argent que je n’ai pas aujourd’hui.

NATHALIE CAMIDEBACH : Merci, on aurait dû être plus culottées et commencer par un long-métrage. (Rires) Mais je ne regrette pas, ça veut dire que Remember The Eyes est pas trop mal. (Rires)

Aujourd’hui vous souhaitez réaliser un long-métrage. Est-ce que vous pouvez nous résumer l’histoire de « I Leave Here » ?

MARIE ROUX : Pour éviter de réécrire le synopsis du film, je dirais que c’est une histoire d’amour avec un grand A. L’amour qu’on a pour soi, pour nos rêves, pour un pays différent de celui où l’on naît, l’amour pour notre famille, pour des valeurs qui nous sont chères et bien sûr avant tout l’amour entre deux êtres Chloé et Emma.

Un amour qui n’est pas reconnu. C’est une histoire qui se déroule aux États-Unis. C’est le challenge d’être immigrant et d’être amoureuse. Et que la loi aujourd’hui ne reconnaisse pas le mariage entre deux êtres de même sexe.

Et puis il y a de forts éléments d’honneur et de choix. C’est sur l’injustice de certains choix qui sont demandés à des êtres.

Je vous invite à lire le synopsis sur www.ileavehere.com

Comment est né le scénario ? Combien de temps vous a-t-il fallu pour l’écrire ?

MARIE ROUX : Le scénario est venu de ma propre expérience et de la complexité d’être étranger ici. D’aimer un pays et en même temps de constamment avoir à prouver que l’on vaille le coup. To be worth it !

Beaucoup de films lorsqu’ils parlent d’immigration sont souvent associés à la notion d’illégalité. Je voulais parler de ce que je vis et à quel point bon nombre de gens se battent pour vivre leurs rêves.

Et puis quand on rêve et aime et que l’on est homosexuelle, il y a un choix cruel qui nous est demandé de faire.

Alors Jennifer et moi, ma co-scénariste, voulions parler de tout ce que cela comporte d’être étranger, passionné, amoureux et d’avoir à faire un choix.

Dans la bande-annonce, vous dites que cette phrase vous est venue pour illustrer le film : « tant est attendu de nous et si peu nous est accordé ». Cette phrase ne pourrait-elle pas également refléter la pression du public sur les créateurs de films LGBT et le peu de financement qui leur est souvent accordé ?

MARIE ROUX : Je pense que c’est très difficile de monter un film, de trouver le financement d’un film. Quel qu’il soit. Encore plus difficile lorsqu’il s’agit de LGBT.

Je pense que tout est une question de rentabilité malheureusement et en même temps je comprends que les producteurs aient peur de s’investir. C’est toujours un risque d’investir son argent, de faire confiance.

Il faut beaucoup de foi en ce que l’on fait. Je suis persuadée qu’il y a des producteurs à la recherche de bons scripts et vice versa !

Je sais aussi que notre histoire et projet par exemple, ne peut qu’être un succès car c’est actuel et lorsqu’on voit le succès de Brokeback Mountain, Milk et maintenant The Kids are all right, moi ça me donne confiance.

Mais ce sont des scénarios top avec « bien sûr » des têtes d’affiche énormes, mais je crois que les choses changent et des financiers merveilleux feront confiance à une histoire unique plutôt qu’à des noms et des millions. Un petit clin d’œil !

I Leave Here

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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