Innocence Remains : Interview de la Scénariste et Actrice Principale Marie Roux

Innocence Remains : Interview de la Scénariste et Actrice Principale Marie Roux

Interview accordée à Isabelle B. Price le 16 Janvier 2012 pour le site Univers-L.com

Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre parcours professionnel ?

Par où commencer ? Alors, j’ai d’abord suivi des cours d’Art Dramatique au Conservatoire de Nice, puis  je suis « montée » à Paris pour travailler avec Dominique Leverd (un maître dans le monde du théâtre).  J’ai ensuite travaillé avec Jack Waltzer (un coach américain), et c’est de cette rencontre  qu’est née mon envie de travailler aux États-Unis. J’ai toujours eu envie de jouer en langue anglaise. À Los Angeles, j’ai joué dans pas mal de pièces de théâtre, de films à petits budgets et j’ai travaillé sur la production de films indépendants. Grâce à mon agent et à mon manager, j’ai aussi pu auditionner pour de gros studios américains. Mais passer tout près de grands rôles, cela finit par devenir vraiment frustrant. Alors, j’ai pris ma plume (ou plutôt mon ordinateur) et je me suis dit que j’allais m’écrire mes propres rôles et  que je pourrai aborder des thèmes qui me touchent et me tiennent à cœur. C’est donc tout naturellement que je me suis mis à écrire Remember The Eyes,  tout en économisant afin de pouvoir produire moi-même le film. J’ai écrit le script, appelé Nathalie et me suis entourée de professionnels qui m’ont conseillé et aidé pour la production. C’était un vrai challenge, mais le succès a été au rendez-vous et le film a été présenté dans tous les plus grands festivals, dont le Short Film Corner à Cannes. De là, m’est venue l’idée d’enchainer avec un deuxième court, et j’ai écrit Innocence Remains. Je me suis retrouvée à écrire, jouer et produire en même temps.  Ce qui est génial à Hollywood, c’est qu’on vous laisse tout faire : les acteurs peuvent écrire, produire, jouer, réaliser, et ce n’est pas du tout un problème, comme cela pourrait l’être en France, au contraire.  Mon parcours est donc très commun, et similaire à celui de nombreux acteurs qui travaille dans l’Entertainment à Los Angeles.

Mais maintenant j’aimerai franchir une nouvelle étape et produire I Leave Here, le long métrage que j’ai écrit et qui me tient beaucoup à cœur, puisqu’il est inspiré de mon histoire personnel et de mon « combat » avec les services d’immigration américains.

Vous êtes d’origine française et vous vivez actuellement aux États-Unis. Pourquoi ce choix ?

Le rêve hollywoodien !

Je pense que j’ai un peu répondu précédemment. Un parcours naturel. Après avoir étudié les classiques du théâtre français et de la tragédie grecque (que j’adore) j’ai eu envie d’une approche de jeu plus instinctive, plus corporelle, d’une méthode de jeu différente, tout simplement. Alors lorsque j’ai auditionné pour Jack (Waltzer) et que j’ai découvert la méthode enseignée à l’Actor’s Studio,  j’ai tout de suite eu envie de continuer à jouer en anglais. Et puis, être capable de jouer à la fois en français et en anglais ne peut être qu’un atout aujourd’hui. Et surtout, j’aime voyager, connaître et apprendre des autres cultures.
Mais pour vous donner un petit scoop (rien que pour vous) je viens de me réinstaller en France après 14 ans de vie aux States.  Mais j’espère pouvoir très bientôt vivre entre Paris et Los Angeles.

Vous vouliez être actrice ou scénariste quand vous étiez enfant ? Aujourd’hui, vous préférez quoi ? Écrire ou jouer la comédie ? Vous considérez que les deux sont indissociables ?

Mon premier amour est et restera toujours le jeu parce qu’il y a quelque chose de tellement fort dans l’interprétation. Se glisser dans la peau de personnages tous aussi différents les uns des autres est tout simplement incroyable. L’être humain, avec toutes les facettes qu’il peut avoir, est fascinant.

L’écriture est plutôt une passion. J’ai toujours beaucoup écrit, depuis mon plus jeune âge. Et puis, je crois que l’écriture me permet de combler mon côté un peu solitaire. Écrire, tout comme peindre, me procure une satisfaction immédiate. Alors qu’en tant que comédien, on est dépend d’un public.

Mais au final, je ne pense pas avoir ou devoir choisir entre jouer ou écrire, ou même produire. C’est assez français de faire des choix ou de se mettre des limites, des barrières, même si c’est un peu en train de changer. Aux États-Unis lorsqu’un artiste est polyvalent c’est une force. Ici j’ai plus l’impression qu’il faut soit se présenter en tant qu’actrice, soit en tant que scénariste, ou productrice, mais pas les trois en même temps.

Pour moi, tout est question de passion et d’éthique de travail. On n’est pas obligé d’être un acteur  célèbre pour enfin avoir le droit ou non de passer derrière la caméra… alors je vais essayer de continuer à faire les deux, trois…

Vous avez tourné, écrit et joué dans deux courts-métrages avec Nathalie Camidebach. Aujourd’hui vous prévoyez de faire un film ensemble. Comment est née votre collaboration ? Comment vous organisez-vous pour faire concorder vos deux visions ?

Ah… Nathalie me connaît depuis que je suis née, et c’est d’ailleurs une histoire qu’elle aime beaucoup raconter ! Mes parents et les siens étaient amis, donc pour moi Nathalie fait partie de ma famille. Mais ce n’est pas cela qui rend notre collaboration si unique, mais plutôt le fait que nous ayons toutes les deux la même vision artistique. Cinématographiquement parlant nous sommes toujours sur la même longueur d’onde, et nous nous comprenons très vite. Et ça c’est vraiment génial ! Et puis le fait que l’on se connaisse si bien fait que l’on peut s’engueuler sans problème (rires) et sans que cela ne remette notre collaboration en question. Notre véritable force c’est que nous sommes différentes mais tellement complémentaires.

Innocence Remains est basé sur une histoire vraie. Comment avez-vous découvert cette histoire ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de la raconter ?

Innocence Remains est une histoire vraie dont j’ai personnellement été témoin. Et malheureusement le viol est une réalité dont beaucoup de femmes sont ou ont été victimes. Ce qui m’intéressait dans cette histoire, c’était de montrer que même après une histoire aussi difficile que celle-là, l’innocence et la beauté de l’âme pouvaient encore exister grâce à l’Amour (avec un A) des gens qui nous entourent. Je voulais montrer que vouloir revenir en arrière, que vouloir se venger n’enlèverait pas tout le traumatisme vécu. Mais qu’en revanche se concentrer sur la beauté de la vie et la force de l’amour pouvait nous permettre d’avancer. Il n’est pas question d’oublier, mais plutôt de transformer les étapes que nous vivons en une espèce de force, et surtout de ne pas laisser une horrible personne décider de ce que sera notre vie.

Je ne voulais pas être maladroite en écrivant cette histoire et j’ai demandé l’autorisation à la personne concernée de l’écrire. Ce n’est vraiment qu’une fois le film terminé que Nathalie et moi avons réalisé que nous avions réussi quelque chose de bien. En effet, après chaque projection, le public venait nous remercier d’avoir abordé ce sujet.

Vous vous êtes énormément concentrée sur la psychologie des deux personnages principaux. C’était important pour vous d’aborder ce sujet de cette manière ?

Oui car on ne peut pas aborder une telle histoire sans montrer l’importance psychologique qu’un tel acte peut avoir sur la vie de la personne qui a vécu cet acte, mais aussi sur sa vie de couple. Mais  peut-être que lorsqu’un tel passé ressurgit c’est justement parce que certaines choses doivent se régler pour pouvoir mieux avancer. Et puis, en lisant des témoignages de personnes qui ont été violées, je me suis rendue compte que le sentiment qui revenait le plus fréquemment c’était le sentiment de honte mais aussi le sentiment d’avoir été salit. Du coup, j’ai voulu que mes personnages se « rebellent » et disent  non, la pureté de mon corps, la noblesse de mon cœur sont là, et personne ne pourra me prendre l’amour et l’espoir qu’il y a en moi.

Comment votre court-métrage a-t-il été accueilli par le public ?

Magnifiquement bien. Beaucoup de personnes ont été émues et ont malheureusement (ou heureusement, je ne sais pas)  pu s’identifier à cette histoire. Le film a été sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde entier et il sera programmé le dimanche 11 Mars 2012 lors de la 2eme Edition du Festival Ecrans Mixtes à Lyon, en ma présence. Je suis donc très contente et très fière qu’après avoir beaucoup voyagé, une projection ait lieu en France. Je ne sais pas encore comment le film sera perçu ici mais le fait qu’il soit projeté est déjà une grande satisfaction pour moi. Alors rendez-vous le dimanche 11 Mars à 14h, à Lyon.

Vous avez écrit deux courts-métrages avec des personnages lesbiens que vous interprétez. Cette visibilité vous tient-elle à cœur ?

Ce n’est pas tant la visibilité lesbienne qui me tient à cœur mais plutôt le fait de parler d’histoires qui arrivent aussi à des couples homosexuels. Le fait que mes personnages soient homosexuels n’est finalement qu’un arrière-plan. Beaucoup de films sont considérés comme gay dès lors que l’on y voit un baiser entre deux femmes ou deux hommes. Mais pour moi un film est bon parce qu’il a une histoire de fond. Le simple fait d’avoir deux personnes du même sexe n’est, pour moi, pas suffisant. Peut-être que c’était le cas avant mais ce qui a fait le succès de Brokeback Mountain c’est avant tout l’histoire et la qualité du film.  Enfin, j’ose l’espérer. Vous savez,  je suis une idéaliste…

Vous participez à la culture lesbienne. Vous faîtes de nombreux allers-retours entre la France et les États-Unis. Quelles différences notez-vous entre les deux pays de ce point de vue là ?

Je dirai tout d’abord qu’il y a une grande différence entre la ville où j’ai vécu Los Angeles et les États-Unis. Ce sont deux mondes différents tant d’un point de vue culturel, que d’un point de vue « visibilité ». Par exemple, à Los Angeles, les gens qui vous invitent vous demandent de venir avec votre « partner ». Ce qui sous-entend, ton ou ta partenaire, indifféremment de son sexe. Il y a un esprit beaucoup plus libre à Los Angeles et je spécifie bien Los Angeles car le reste de l’Amérique en est encore à délibérer sur le droit à l’avortement. Par contre il y a un côté très « ghetto », les gens restent en groupe et ont besoin de s’identifier à des clans, que ce soit sur le plan sexuel, ethnique, social, ou religieux.

Et pour être honnête, je connais très peu la « culture » lesbienne en France. Quand je rentrais en France, c’était pour voir ma famille, mes amis, je n’ai donc pas eu le temps de me faire une vraie opinion sur cette « visibilité ».

Mais depuis que je suis rentrée, j’ai tout de suite remarqué le melting pot qu’il y a entre les gens.  Même si ici l’homosexualité est peut-être plus un « tabou », et même si les mentalités doivent encore évoluer et changer, les gens se mélangent, et ce indépendamment de leur couleur, leur religion ou leur sexualité. En France, les relations se créent par affinité, pas par identification de mœurs ou convention.

L’idéal serait de prendre le meilleur des deux, l’ouverture d’esprit, la liberté qui règne sur Los Angeles et le melting pot à la Française qui s’ouvre sur les autres.

Vous avez tenté d’obtenir un financement via kickstarter pour votre nouveau film, I Leave Here. Ce système n’a pas fonctionné. Vous vous tournez vers d’autres moyens de financement aujourd’hui ? Vous avez un peu avancé de ce côté-là ?

Oui, puisque j’ai beaucoup retravaillé le scénario. Même si la version que je présentais au moment de kickstarter était une bonne version, celle que j’ai aujourd’hui est beaucoup plus aboutie.

Mais au fond, je crois que kickstarter était un pari fou auquel nous avons cru et investi beaucoup de temps et d’énergie. Et forcément quand on croit aux choses et qu’elles n’arrivent pas, cela fait un peu mal. Mais nous avons beaucoup appris grâce à cette expérience, et si nous n’avons pas trouvé le financement nécessaire à la production de ce film, nous avons rencontré des gens formidables tout au long de cette campagne et ça c’est une sacré forme de richesse …

Le principal c’est que cette expérience ne nous ait pas arrêté, bien au contraire. Nous continuons d’avancer, de travailler et aujourd’hui je vais à la rencontre de partenaires financiers et de personnes qui croient en ce script, et en nos valeurs. Et puis le succès de nos courts métrages me laisse croire que nous finirons par tourner ce film bientôt. Notre équipe de techniciens est prête, nous avons reçu le soutien de l’un des plus grand réseau politique et social des Etats Unis… il ne nous manque plus que 300 000€ (sourire).

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

Le bonheur tout simplement, d’avoir la santé nécessaire pour continuer à aimer et vivre mes rêves. Et puis, peut-être aussi la réussite professionnelle en France car j’aimerai vraiment jouer ici que ce soit dans mes propres films, ou dans ceux de talentueux réalisateurs.

Innocence Remains - Marie Roux

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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