Interview de la comédienne Muriel Robin

Muriel Robin

Interview accordée à Thomas Doustaly pour le Magazine Têtu.com

Hier, vous étiez à Orléans et demain à Bruxelles, est-ce que c’est difficile ?

Non, ce n’est pas difficile. C’est quelque chose que j’aime, je crois. Même si je me rends compte que ce qui me plaît le plus c’est créer. Même si on crée dans le jeu, c’est ce qui vient avant qui me plaît beaucoup. Je joue pour partager. J’ai demandé combien on était sur cette tournée. On est trente. C’est bien cela fait travailler des gens… Donc, c’est ce que j’ai choisi de faire. Ce n’est pas dur.

Est-ce que c’est parce que c’est la création qui vous plaît le plus que vous avez imaginé le personnage d’une metteuse en scène ?

Certainement. Elle crée et puis elle gère. En fait, j’ai inventé ce personnage parce que je ne veux pas jouer mon propre personnage. Ce n’est pas du tout intéressant en temps que comédienne. Mais il se trouve que ce personnage est moi. C’est petit le truc de ce spectacle. Je n’ai jamais été dans la composition. J’ai toujours fait des personnages à partir de qui je suis, mais là, cela me saute plus à la gueule. J’ai eu besoin durant les répétitions de l’appeler Lisa. Si elle s’était appelée Muriel, je n’aurais pas réussi à aborder le rôle et cela ne m’aurait pas intéressée. Et puis, on est plus dans le théâtral, dans la fiction. La fiction c’est la réalité.

Votre spectacle s’appelle « Au secours ». Est-ce que ce n’est pas une manière de dire : j’avais arrêté, mais là j’ai besoin de vous voir…

Non, les titres sont réducteurs. Le titre est sorti comme ça et j’ai bien aimé que cela soit «au secours ce qu’on veut…». Ce n’est pas le gros « au secours existentiel ». Car celui-là on ne le dit plus, on est scotché. Je sais de quoi je parle…Donc, c’est tous les petits « au secours » : « au secours ma vie privée », « au secours ma mère »…On peut le mettre au début d’une phrase.

Si on les prend individuellement (Les « au secours ») , c’est un peu des grosses catastrophes et à la fois ce sont plein de petites emmerdes, du genre Marinette qui n’est pas si efficace que ça. Tony Krantz s’est-elle reconnue dans ce spectacle ?

Non, il y a peu de chose. On sait juste qu’elle fume. Mais elle est très gentille avec maman donc tout va bien. Elle ne m’a pas engueulé.

Dans le dossier de presse, vous dites que c’est certainement un spectacle plus personnel que les autres et pour les spectateurs, c’est une façon de mieux vous connaître. Qu’est-ce qui leur manquait pour mieux vous connaître ?

Ils leur manquaient ce qui me manquait à moi. Si je l’ai pas mis dans le spectacle d’avant, c’est que je n’étais pas en place chez moi. Je savais que c’était derrière. Il y avait des choses au fond de moi qui, pour des raisons de la vie, étaient masquées par d’autres choses. Et quand tout ça s’en va, cela disparaît donc je ne suis pas surprise, mais cela me fait des éléments vivants. Je sais qu’aujourd’hui, je suis complète. Certains avaient le sentiment de me connaître et pressentaient d’autres choses derrière. Avant, c’était quand même plus caricatural. Là, c’est moi. C’est au-delà des mots. Même si à l’œil, on peut sentir des choses sans qu’on ouvre la bouche. Je ne crois pas qu’on soit plus personnel avec des mots. J’aime mieux écrire sur des choses qui me sont arrivées. Je ne sais pas trop inventer. Je raconte « Moi ».

Dans votre écriture d’avant et celle de Palmade, il y avait une idée maintenant brisée, que la drôlerie, le comique, cela ne marchait pas avec la sexualité. C’était deux choses différentes et c’est pour ça qu’il y avait toutes ces situations familiales où vous incarniez des personnages fictifs…Là, vous arrivez à faire rire avec le beau gosse qui ressemble à Alain Delon, la fiancée avec laquelle on essaie de se réconcilier à tout prix…

Avant, on se mouillait moins peut être. On traitait un truc et je le jouais. Quand j’incarnais un personnage et c’était beaucoup sur le monde masculin. Il n’y avait pas beaucoup de féminité. Et comme, j’ai un physique de femme, enfin à peu à près, c’est peut-être ce qui explique que les gens prenaient tout ça, on me connaissait, sans me connaître. C’était quelqu’un. Le temps passe, on se mouille plus, donc on est plus dans la vérité et voilà, il y a des choses qu’on ne peut plus zappé. A un moment, on ne peut pas juste faire que des claquettes avec un thème.

Dans le spectacle, Lisa est obligée de répéter à quelqu’un que sa copine est bien une fille…

Oui, c’est quand je suis avec le gars de l’affiche qui dit « ma fiancée » et je dis bien : « oui, vous avez bien entendu : ma fiancée ».

Ce qui m’a marqué durant le spectacle, c’est qu’à ce moment-là, les gens rient, mais ils ne sont pas surpris. Ce n’est pas le grand frisson et ce n’est pas un scoop…

Parce que ce n’est pas un scoop.

Pourquoi ce n’est pas un scoop ?

Ce n’est pas un scoop d’être ou de ne pas être homosexuel ou bisexuel. Ç’en est pas un pour moi et si les spectateurs ressentent ça, cela n’en est pas un pour eux.

Vous voulez dire que l’on est exactement la même si on est homosexuel ou bisexuel ?

On est quelqu’un. Qu’est-ce que les spectateurs se disent ? Ils se disent : elle est sympa. C’est un détail et on s’en tape. Par contre, il me semble qu’en famille, pour avoir entendu des exemples de gens qui vivaient mal leur homosexualité, c’était impossible à dire. Et s’ils choisissaient de le dire au moment où ce n’était pas complètement réglé pour eux, bizarrement, cela ne se passait pas bien quand ils en parlaient. Bizarrement, si ce n’est pas un scoop, un début de problème, l’autre en face dit… Là, il se trouve que la fille est drôle donc c’est mieux.

Je ne suis pas surprise. J’adore d’ailleurs ce passage (elle évoque le sketch de l’affiche) parce que je sais bien ce que je vais leur dire. Dans la salle, il y a de tout. Il y a des gens qui sont à des lieux de ça. Faire une annonce ? Je respecte, je veux bien qu’il y ait des gens qui en parlent pour faire avancer le schmilblick. Mais là, on parle d’avec qui on couche ou couche pas. On peut très être une fille avec une fille, ou un mec avec un mec et si cela se trouve, on ne couche même pas !

Vous savez aussi que tout ce qui compose une vedette, c’est ce que les gens veulent savoir et ce que la vedette veut cacher. Parfois, elle dévoile…Bien sûr ce n’est pas un critère. Mais par exemple, Schneider. On n’aurait pas su autant de choses de durs sur elle, il n’y aurait eu pas ce lien avec elle…

Mais est-ce que si Romy Schneider nous avait dit je vis avec une femme, les gens l’auraient-ils moins aimé ?

Moi à mon niveau…L’argent, je ne peux rien faire. Le monde c’est l’argent, l’économie. C’est parti comme ça et c’est une mauvaise nouvelle. Sur le reste, moi, à mon petit niveau, j’avance pour une société ou on peut rêvé sur quelqu’un autrement que sur une chose sexuelle. Je trouve ça trop petit. Je ne peux pas me réduire à la sexualité.

Dans le spectacle, on sait ce qui ne vous plait pas chez votre sœur, chez cette sœur du spectacle. C’est un point commun avec d’autres sketches, « L’addition »… sur des énervements constants chez vous. Mais en revanche, on ne sait pas ce qui vous plait chez votre fiancée ? On sait qu’elle vous plait car vous êtes pour la réconciliation…

Il y a une partie que j’ai écrite seule dans ce spectacle, notamment « La fiancée ». Et quand je l’ai écrit, j’ai dit à mon metteur en scène et ami Roger : « Ecoute, on la met avec une fille ou avec un mec ? Avec une fille, c’est plus théâtral. » Cela m’évoquait quelque chose. En plus, elle pouvait dire des mots qu’avec un homme, elle ne pouvait dire. Si je dois vous donner une réponse, je crois que c’est une présence qu’elle aime bien. Je ne pourrai plus vous dire que c’est la personne qu’elle aime. Le grand « Je t’aime », je n’y suis plus. J’aime. Tu es avec qui en ce moment ? En ce moment, je suis avec vous…J’aime beaucoup, infiniment, tendrement…

Elle a certainement dû bien se comporter avec la mère cette Nadine. Et tout d’un coup, elle a fait une boulette et le personnage que je joue le sait. Et Nadine le comprend. Ce qui était écrit à l’origine c’était : « c’est quand même pas de peau, tu es restée 42 ans sans voir un mec alors tu aurais pu attendre 42 ans de plus ». Ce qui veut dire qu’elle n’a jamais vu un mec alors que  moi, j’étais avant avec Eric. Evidemment, elle a envie de voir ce que c’est, puisque j’ai commencé avec un garçon.

Ce qu’on peut comprendre dans ce spectacle, c’est donc que quand on est Lisa-Muriel Robin, qu’on a beaucoup de boulot, c’est mieux d’être accompagné par quelqu’un que d’être tout seul ?

Ce n’est pas faux. Ce n’est pas une raison suffisante de désaimer parce qu’on est allé… Franchement, si on aime, ce n’est pas une raison suffisante. Je pense que cette Lisa, que j’interprète, ferait le même du spectacle si elle n’avait personne dans sa vie. C’est juste un respect de l’autre. Sinon, on dit à l’autre, je t’interdis de bouger, tu es à moi. L’autre n’a alors pas de vie. Je crois que la plus grande histoire qu’on a à vivre c’est avec soi. Lisa, elle, avance. Si Nadine lui dit « je me casse », elle avancera. Elle est dans la vérité.

Avant de voir le spectacle, on m’a dit qu’il y avait une grande évolution. Je me suis dit alors que comme vous aviez beaucoup travaillé avec Bedos et que vous irez vers un terrain plus politique. Finalement, vous vous en êtes toujours tenu assez éloigné. Est-ce que c’est uniquement un goût ou c’est parce que votre succès a débuté à un moment où la politique était très difficile, la fin de Mitterrand…

On est foutu comme ça. Pierre est comme moi. On n’arrive pas à bouffer là-dessus. Pas naturellement.

Vous en avez parlé avec Bedos ?

Dans le spectacle que j’avais fait avec lui, il y avait une partie qui me convenait et puis venait ensuite sa revue de presse et je n’étais pas sur le plateau. C’était son truc.

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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