Le numérique : le diable en binaire ou le paradis en Mégabytes ?

Cable de connexion

Le numérique a envahi de nombreux domaines, et l’on entend éloges et critiques à son propos. La photo numérique, par exemple, aurait démocratisé ce hobby. Plus besoin de s’inquiéter du coût de la pellicule, de compter chaque cliché. On mitraille et on trie au retour. En ce qui me concerne, ça m’a surtout permis d’avoir une chance de trouver le sujet de ma photo dans le cadre. Pour certains pourtant, rien ne remplacera le grain et le charme de l’argentique. De plus, le numérique a ouvert la boîte de Pandore de la retouche facile, la photo aurait-elle vendu son âme en permettant à Madonna de perdre 15 ans sur Photoshop ? Difficile à dire…

Mais le numérique, ce sont aussi les millions d’ebooks vendus chaque année. Un marché, à priori en expansion, mais qui déclenche, lui aussi, bien des discussions. Numérique versus papier, la guerre a été déclarée dès les premiers pas du célèbre Kindle. Il y a ceux qui disent que le numérique va « tuer » le livre et donc le monde de l’imprimerie. Et il y a ceux qui répondent que c’est l’avenir, que quand on refuse d’évoluer, on meurt de toute façon… Comme les dinosaures. Je sais c’est triste…

Mais qu’en est-il au final ? Qu’entend-on dans la rue, sur les forums ou au Salon du livre ?

Déjà première constatation, plutôt aisée, le livre papier n’est toujours pas mort. Les pessimistes l’auront peut-être enterré un peu vite. L’attachement des lecteurs au papier est probablement beaucoup plus fort qu’on aurait pu le penser. Posséder le livre aimé dans sa bibliothèque, effleurer des yeux sa couverture jour après jour… C’est visiblement autre chose que d’avoir quelques KB de mémoire remisés dans les archives de son Kindle. Il n’y a qu’à voir la demande récurrente pour une version papier des ouvrages tout numérique pour s’en rendre compte.

De l’autre côté du miroir, c’est le même constat. L’amour des auteurs pour le papier est aussi frappant. Une discussion récente m’a prouvé à quel point beaucoup d’auteurs qui publient en numérique, rêvent du papier comme du Saint Graal. Tenir son livre entre ses mains est également une émotion qu’une liseuse ne pourra apparemment jamais égaler. Et certains considèrent donc la publication uniquement numérique comme une demi-victoire et la publication « brochée » comme la consécration.

Mais alors, comment le numérique survit-il à cette opposition qui touche aussi bien les lecteurs que les auteurs ? À mon avis, la réponse se trouve dans l’ennemi naturel du sentimentalisme, le pragmatisme. Je l’avoue, je suis moi-même une grande fan du numérique depuis plusieurs années, et ce n’est pas par désaveu de l’objet livre que j’adore. Simplement, j’y ai vu une réponse pratique à un problème tout aussi pratique. Je déménage tous les trois ans, et avoir 500 bouquins dans une liseuse pas plus épaisse qu’une pièce de Molière, ça a un avantage non négligeable. L’espace gagné, que ce soit dans un camion de déménagement ou un studio parisien, ne peut être pris à la légère, surtout quand on sait que ce genre de calcul a fait la fortune d’IKEA.

Autre argument de vente, sans compter le nombre de livres stockés, le poids pur et simple de l’appareil. Ça peut paraître bête, j’en conviens. Mais parce que je me débats avec des soucis articulaires chroniques, je peux vous dire que la version brochée du tome 5 « in english » du Trône de Fer a bien failli avoir ma peau. À ne pas négliger non plus donc, le confort de lecture. Tourner la page d’une main peut s’avérer d’une aide précieuse par exemple. Et n’oublions pas, l’âge venant, que quand la vue baisse, avoir la possibilité d’augmenter la taille des caractères, c’est quand même plus confortable qu’une loupe pour les concernés.

Du côté « production » maintenant, il y a un argument économique indéniable. Si les ebooks ne sont pas toujours moins chers à l’achat, c’est en effet un choix de l’éditeur avant tout, c’est tout de même souvent le cas. Et en tout cas, ils sont à priori toujours moins chers à la publication. D’où un risque économique un peu moindre, et une liberté d’action sans doute plus grande. Cela a, je pense, permis de donner sa chance à…. Qui a dit « tout et n’importe quoi » ? Je vous vois venir… Oui, dans le numérique il y a aussi des choses dont on aurait pu se passer, c’est vrai. C’est inévitable. Mais, je préfère voir le positif et me dire que ça a permis à certains d’accéder à la publication, là où une maison d’édition classique n’aurait pas pris le risque. En ce qui me concerne, une romance et un thriller 100 % lesbien hors des maisons d’édition LGBT, et bien ce n’est vraiment pas si courant. Et je reste persuadée que sans le numérique, ce serait encore plus difficile à trouver.

Alors finalement, pour trouver le bon équilibre numérique, au final, les célèbres bons conseils de la Grande Yaka Faukon :

  • Y a qu’à gagner au loto, acheter un manoir et avoir ses livres en double pour profiter du confort et de la belle bibliothèque… Et éventuellement survivre en les brûlant, au cas où « le jour d’après » ce soit en fait pour le mois prochain (vu la température actuelle à Amsterdam, ça ne m’étonnerait qu’à moitié).
  • Faut qu’on persuade Tata Marie-Agnès que publier en numérique, c’est comme publier sur papier, mais en sauvegardant l’Amazonie… Oui, je sais, c’est petit comme argument de vente, mais à la guerre comme à la guerre ! ^_^

A propos de Sylvie Geroux

Née à Amiens en 1975 et géologue de formation, Sylvie Géroux travaille actuellement à Amsterdam après un séjour londonien de quelques années. Passionnée de lecture, elle commence à écrire à l'adolescence des nouvelles de tous genres, de la romance à la science fiction. C'est finalement chez HQN qu'elle publie son premier roman, Nadya & Elena, la première romance lesbienne de la collection.

Répondre