Le Silence de Marie : Interview de la romancière Nina Vivien

Le Silence de Marie : Interview de la romancière Nina Vivien

Interview accordée à Isabelle B. Price le 04 Février 2013

Est-ce que vous pouvez vous présenter à nos lectrices et nous expliquer votre parcours ?

Je suis née à Paris, et j’ai passé mon  enfance et une grande partie de ma vie en banlieue parisienne avant de tout quitter pour m’installer en Bretagne, région que j’affectionne depuis toujours. Je porte depuis toujours un regard particulier sur les autres, notamment comme animatrice bénévole durant de nombreuses années auprès d’enfants de la “cité”. Ensuite, plus politiquement, dans le cadre de travaux sur la rénovation urbaine des quartiers sensibles ainsi que dans l’insertion professionnelle et sociale pour les plus démunis. Je travaille depuis presque trois ans au sein de la Ville de Rennes, seule ville qui m’a accordé cette mutation après des années de recherche. J’aime les livres, la musique, la peinture, la nature… tout ce qui touche à l’art et à la simplicité de la vie. J’ai été publiée une première fois sous le titre Nudité au sein d’une association pour l’autobiographie (APA) en 2000. Cette association m’a proposé que mes écrits soient consultables au sein de bibliothèques notamment pour des étudiants en psychologie en rapport avec la maltraitance, l’inceste et l’homosexualité. J’ai ensuite retravaillé Nudité pour donner vie à Alcôve. Ce premier livre fut édité chez Edilivre en 2009. Mon deuxième livre, Le Silence de Marie a vu le jour en 2010. Et mon troisième, L’Essence des Choses, en 2012. J’arrive à la fin (même s’il n’y a jamais vraiment de fin) de mon quatrième ; Le cœur Battant. C’est un recueil de poésies saphiques. J’ai l’espoir qu’il soit publié très bientôt.

Le Silence de Marie est votre second roman. Comment êtes-vous devenue romancière ? Qu’aimez-vous dans l’écriture ?

Je ne me considère pas comme une écrivaine. Je n’ai pas fait d’études et encore moins littéraires. J’ai découvert les livres à l’âge de dix-huit ans, l’âge où j’ai abordé ma propre vie en dehors de ma cellule familiale. Je n’aime pas que l’écriture, j’aime aussi les livres. J’aime les regarder, les caresser, les sentir… C’est presque comme une histoire d’amour (rires). Un livre c’est une histoire.  Une histoire brodée par des mots. En découvrant les livres, j’ai commencé à écrire. J’écrivais à cette époque des pensées, des mots, des ressentis, des envies… sur de multiples carnets. Alcôve, le premier, fut écrit d’une traite, nuits et jours, dans une certaine urgence. Sa publication m’a donné envie de continuer, d’y croire. De toutes les façons, même sans publication, pour moi écrire c’est comme l’air que je respire. Presque vital. Je ne retravaille jamais mes écrits. Ils se posent comme ils viennent. Je suis vraie, entière dans mes mots comme dans ma vie. Je suis incapable d’écrire un roman. Un jour peut-être….

En quatrième de couverture du Silence de Marie, on découvre que vous avez toujours vécu en banlieue parisienne avant de partir pour la Bretagne et d’y rester. Comme votre personnage principal, qu’est-ce qui vous a plu en Bretagne ?

J’ai toujours aimé la Bretagne. J’en suis tombée « amoureuse » il y a très longtemps, et je me suis toujours fait cette promesse d’y vivre un jour. J’aime sa beauté, sa nature, sa culture, ses musiques, ses âmes. La Bretagne porte en elle quelque chose de mystérieux, de chaud (même sous la pluie). Et puis, quand je suis face à cette nature, à ces côtes sauvages, j’ai cette impression d’être forte, presque invincible. Je suis seule au monde devant cette immensité.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez choisi l’autoédition pour vous faire publier ?

J’ai frappé à la porte de nombreuses boîtes d’édition. En vain. Soit, elles me demandaient une participation financière, chose à laquelle je ne peux répondre, soit elles me disaient que l’autobiographie ne se « vend » plus et que les sujets que j’aborde peuvent « déranger » certaines personnes. Notamment mon homosexualité. Je ne connais rien à l’édition, c’est pour cette raison que je ne pouvais faire autrement que de demander recours à un éditeur.

Le Silence de Marie est-il une fiction ou un livre autobiographique ? On sent que la limite est mince entre les deux quand on le lit.
Vous avez raison de me poser cette question. Le Silence de Marie est autobiographique. J’ai véritablement vécu cette rencontre. Ce qui vous amène certainement à vous poser cette question c’est que ma rencontre avec Marie s’est passée bien avant mon arrivée en Bretagne. J’avais ce besoin et ce désir de rendre vivante Marie depuis des années et cette évidence s’est imposée à moi quand j’ai tout quitté sur Paris suite à une rupture douloureuse avec mon ancienne compagne.

Diriez-vous que Le Silence de Marie est le livre d’une renaissance après une rupture difficile ?

Je pense que oui. Même si l’amour peut faire mal, on aime encore…heureusement d’ailleurs ! Écrire Le Silence de Marie fut pour moi comme un baume et m’apporta ce désir d’aimer encore. Je ne peux concevoir ma vie sans amour.  Aimer c’est la source de toute vie…

Votre second roman est l’histoire d’une correspondance par mail, sur Internet. Marie et Nina rêvent l’une de l’autre sans jamais s’être vues. Que pensez-vous de ce type de rencontres ?

Je vais répondre que pour moi, parce que je l’ai vécu. J’ai aimé cette « rencontre » même si elle ne fut que mailistique. J’aime les mots. Je les trouve magnifiques, profonds, leurs silences aussi en disent beaucoup. À l’époque où j’ai correspondu avec Marie, je n’étais pas prête à rencontrer une femme dans une vie plus « réelle ». Je venais de me séparer avec un homme. Il m’a aimée et je l’ai aimé aussi profondément, mais malheureusement pas du même amour que le sien. Je savais qu’au fond de moi je n’étais pas pleinement heureuse et épanouie avec lui. Je lui ai donc avoué mon attirance pour les femmes et ma volonté de vivre pleinement mon homosexualité. C’est là que j’ai conversé avec Marie (et d’autres filles aussi). Marie m’a aidée à prendre cet envol. Oui, je sais, ce type de relation est beaucoup basé sur le fantasme de l’autre et de soi aussi. Mais chaque rencontre, quelle qu’elle soit n’est pas le fruit du hasard. Elle a ses raisons. J’aurais aimé rencontrer Marie. J’ai beaucoup souffert de son « silence ».

Pouvez-vous nous parler de vos autres romans, L’Essence des Choses et Alcôve ?

Alcôve est un récit autobiographique plus basé sur mon enfance et en lien avec ma psychologue. Il est un cri pour briser ce silence qui tue encore chaque jour. La maltraitance et le viol d’enfants sont des actes graves, punissables, et malheureusement, ils ne sont pas encore une priorité nationale et mondiale. Il est souvent trop tard pour des milliers d’enfants. J’ai connu tout cela. J’ai connu ce silence des autres. Parce que les autres le savent mais ils ne disent rien. J’ai cette chance d’être encore là aujourd’hui, vivante et pas trop « déglinguée ». Je ne pouvais rester silencieuse à mon tour et parcourir ma vie dans un certain petit confort personnel. C’est un combat pour moi. L’Essence des choses est ce moment où je me suis posée quelque part, et où j’ai regardé autour de moi et à l’intérieur de moi. L’Essence parle de l’amour, mais aussi de l’exclusion quelle qu’elle soit. Une envie d’affirmer ce qui me touche, me bouscule de l’intérieur, ce que j’aime, ce que je déteste. Les essences mêmes de la vie.

Parce que toutes les lesbiennes qui nous lisent s’interrogent, nous sommes obligées de vous la poser. Est-ce que votre nom a un lien quelconque avec celui de Renée Vivien ?

Elles ont bien raison de se poser cette question, et vous avez raison de me la poser. Le seul lien que j’ai avec René Vivien (qui est aussi un pseudonyme), c’est le lien du cœur. J’aime cette poétesse, cette femme, sa vie, ses souffrances et aussi ses amours. On commence malheureusement tout juste à la connaitre. C’est aussi une manière de lui rendre hommage, sans aucune prétention. Nina, vient aussi de Nina Bouraoui, que vous connaissez. Une autre écrivaine que j’aime beaucoup. J’aime sa manière d’écrire, de dire, sans presque aucune ponctuation. Dans une certaine urgence. Et puis, quelle beauté cette femme ! (rires)

Un autre livre en préparation peut-être ?

Oui, mon prochain livre sera un recueil de poésies saphiques Le cœur battant. Aussi autobiographique. C’est mon cœur qui parle, qui chante et qui crie aussi dans ces lignes. Il est en particulier une femme. Mon « coup de foudre ». Celle qui m’a accomplie lesbienne en tant que telle. Avec elle je me suis enfin acceptée et prononcée comme une femme qui aime les femmes. On dit souvent qu’on n’oublie jamais son premier amour. Me concernant, je peux dire que oui. Notre amour s’est terminé brutalement, sans véritables explications. Je suis (depuis plus de dix ans maintenant), restée dans cette attente d’elle et aussi dans l’attente de ses mots pour soigner mes maux. Le cœur battant c’est pour dire tout cela ; ce qui bouge à l’intérieur. Il est aussi dans l’espoir de m’alléger, de faire un certain deuil de cette histoire. Parce que je sais que nous ne nous retrouverons jamais. C’est certainement mieux ainsi. Il faut vraiment se le dire, l’accepter, pour enfin prendre son nouvel envol. J’attends cela de mon livre. Je sais qu’il trouvera écho dans de nombreux autres cœurs…

En ce début d’année 2013, que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

Que Le cœur  battant prenne vie. Que je puisse continuer à écrire encore et encore. Et aussi, et quelle cerise sur le gâteau ! Que je rencontre l’Amour !

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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