Oh! Wonderful Korea!

Quand deux femmes choisissent de vivre en marge de la société

Affiche : Oh! Wonderful Korea!

Année de Production : 2010

Réalisation : Unzery

Scénario : Unzery

Avec : Pil Ri, Shim Hwi, Lim Hyeong-guk

Nationalité : Coréenne du Sud

Genre : Court-Métrage, Documentaire

Durée : 18 : 00 minutes

Titre Original : Oh! Wonderful Korea!

Oh! Wonderful Korea! : Résumé

Dans une usine de métallurgie située en périphérie d’une grande ville coréenne, deux femmes – l’une travailleuse immigrée, l’autre vendeuse itinérante de thé – s’aiment sous l’œil des ouvriers qui les entourent.

Dans une usine de métallurgie située en périphérie d’une grande ville coréenne, deux femmes – l’une travailleuse immigrée, l’autre vendeuse itinérante de thé – s’aiment sous l’œil des ouvriers qui les entourent.

L'avis d'Univers-L

Scénario/Réalisation
Casting
Lez/Bi Quantité
Lez/Bi Qualité

Résumé : Pas mal. A découvrir.

Note des lectrices : Soyez la première !
64

Oh! Wonderful Korea! est un court-métrage atypique et singulier qui nous relate l’histoire d’amour entre deux femmes dans un univers presque exclusivement masculin et en marge de la société. Tout commence par un plan embrumé sur un pôle industriel un peu à l’écart de la ville. Sur le toit d’une usine, deux femmes font l’amour sur un canapé sans avoir l’air de se soucier le moins du monde du fait qu’on puisse les regarder. Tandis qu’elles se rencontrent jour après jour, les hommes qui les côtoient ne peuvent s’empêcher de les observer, avec un regard mêlé de fascination et de réprobation.

La force de ce court-métrage, c’est incontestablement la qualité de son écriture, qui donne à voir au spectateur plusieurs niveaux de lecture. Armée d’un scénario béton, construit à la manière des matriochkas – ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres – la réalisatrice, Unzery, parvient à créer une certaine ambiance, caractéristique de la société coréenne.

Tout d’abord, la relation entre ces deux femmes nous est contée de manière à la fois pudique et très crue. Si elles ne semblent pas gênées qu’on puisse les voir faire l’amour, quand elles sont nues sur le toit, lorsqu’elles sont dans la rue ensemble, pourtant, elles sont à l’inverse presque distantes. Cette tendresse et cette passion palpables qui les unissent à certains moments tranchent avec cette attitude froide et pleine de retenue le reste du temps. On peut notamment citer cette scène de dispute assez surréaliste, sans un cri ni violence, où tout passe par les regards et les attitudes ; l’ouvrière tente d’enlacer son amie pour se faire pardonner, mais cette dernière refuse, gênée, avant de s’éloigner. Une contradiction qui illustre à merveille la société coréenne : ce que l’on peut se permettre en privé, on se l’interdit en public, où il faut « sauver les apparences » en permanence.

Autre thème abordé avec brio, la manière dont sont perçus les marginaux, les gens qui ne se conforment pas à cette « normalité » à laquelle aspire la plus grande partie de la société coréenne. Encore une fois, de par ce scénario en poupée gigogne, plusieurs éléments illustrent cette idée.
Dans un premier temps, en vertu de leur histoire d’amour, les deux femmes sont de fait en dehors de la société. Elles se rencontrent uniquement dans cette sorte de no man’s land et doivent affronter et subir les regards réprobateurs et bon nombre de remarques sexistes. Peut-on voir ici un parallèle avec les tabous de la société coréenne vis-à-vis de l’homosexualité féminine ? Très certainement : elles semblent tolérées, mais le regard que l’on pose sur elles est sans équivoque et plein de reproches.
Mais bien au-delà de cela, c’est également la place des femmes qui est dénoncée ici. Elles sont victimes de réflexions pas toujours de bon goût, comme cette longue scène où la vendeuse de thé se voit obligée de boire un verre avec des collègues de son amie, qui ne se privent pas pour enchaîner les remarques des plus douteuses… Il leur est aussi très difficile de s’insérer dans le marché du travail. L’ouvrière est en effet en permanence mise de côté par ses collègues qui agissent à plusieurs reprises, soit comme si elle était invisible (quand ils se racontent leurs rencards), soit comme si elle était le larbin de service (c’est à elle que l’on confie les tâches les plus ingrates).
Peut-être que s’ils agissent ainsi à son égard, c’est aussi de par son statut  de travailleuse immigrée ? Ce qui nous amène à la peinture que dresse Oh! Wonderful Korea! du monde du travail : les immigrés y sont considérés comme le plus bas niveau de l’échelle sociale et les dirigeants semblent quasi déconnectés de leurs employés, qu’ils considèrent presque comme des biens matériels. La scène d’ouverture illustre à la perfection cette idée : le patron, du haut de son immeuble, observe ses hommes travailler en contrebas ; après avoir tué des fourmis qu’il avait emprisonnées dans un bol, il s’imagine écraser avec ses doigts plusieurs de ses ouvriers ; une façon de montrer, au sens littéral du terme, qu’il tient le sort de ses employés entre ses mains. Cette scène où il marche au milieu des ouvriers est aussi très forte, car on a l’impression qu’il évolue en terrain inconnu.
En bref, on est comme en présence de différents mondes parallèles qui vivent les uns à côtés des autres, sans jamais se mélanger. Chacun regarde l’autre comme s’il était une bête curieuse.

Tout dans la sobriété de la mise en scène et le choix des lieux est fait pour rendre le plus réaliste possible. Les décors utilisés sont poisseux et misérables : on est sur un chantier et les choses y sont sales et en désordre. Par ailleurs il y a très peu de dialogues et la musique est quasi absente, seule reste cette manière de filmer « à l’épaule », pour être au plus près des personnages. Si cela sert à merveille le discours de la réalisatrice, cet ancrage dans le réel représente en même temps l’un des points faibles de ce court-métrage. Après plusieurs minutes, on commence à regarder sa montre avec insistance et à se demander où veut nous amener la réalisatrice, tant les scènes se suivent et se ressemblent.

Heureusement, Unzery a disséminé çà et là différents éléments qui allègent le poids du discours. On peut noter ce clin d’œil à Flashdance, quand l’ouvrière est en train de souder, ou encore cette scène où elle juxtapose avec malice des plans sur l’usine et les machines avec les respirations haletantes et les gémissements des deux femmes en train de faire l’amour. En outre, pour ne rien gâcher, les actrices sont excellentes et il existe une alchimie indéniable entre elles.

Oh! Wonderful Korea! parle donc, selon les propres mots de la réalisatrice, « du regard que porte la Corée du Sud sur les marginaux, et en particulier celui, plein de réprobation et de condescendance, des hommes. Malgré tout, nous sommes les témoins des vies de ceux qui sont assez courageux pour garder leur ligne de conduite. »

En bref, un court-métrage plutôt inégal, mais au scénario tellement travaillé qu’il mérite amplement que vous y jetiez un œil.

Oh! Wonderful Korea! : Extraits

LA VENDEUSE DE THÉ : Viens, allons-y ensemble.
LA TRAVAILLEUSE IMMIGRÉE : Quoi ?
(Puis elles partent main dans la main, le long de la voie ferrée.)

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