On Ne Choisit Pas Sa Famille : Interview d’Helena Noguerra, l’interprète d’Alex

On Ne Choisit Pas Sa Famille : Interview d'Helena Noguerra, l'interprète d'Alex

Interview accordée à Elisabeth Sancey en Novembre 2011 pour le Site ParisMatch.com

Helena est nue, couchée sur le ventre dans des draps blancs. Ses jambes font des petits ciseaux dans l’air. Elle a 42 ans, elle en a 15 : corps de fantasme, attitude de gosse. Elle regarde quelque chose devant elle, ça la fait rire. Ce pourrait être la télé, un dimanche pluvieux. Non, c’est elle, sur l’ordinateur du photographe. Défilent ses seins, ses fesses, sa peau, crus et sexuels : « Merci papa, merci maman ! » chante-t-elle soudain. « Passe à la suivante, on veut voir mes petites pommes ! C’est beau, ils vont croire que tu m’as retouchée à mort ! » Ses courbes ont la chair de poule : il fait frais dans le studio. « Tant mieux, ça fait de beaux seins ! » balance-t-elle. Elle a fait rectifier son maquillage, il lui dessinait la bouche de Lio. « Ça m’amuse, j’adore ma sœur. Mais ce n’est pas moi. »

Son fils, Tanel, 20 ans, mannequin et guitariste, est passé récupérer un jeu de clés. Un canon aux yeux sombres, bon gars comme sa mère est bonne fille. Elle lui a demandé de prévenir quand il passerait, qu’elle enfile quelque chose. « Il déteste me voir nue. Quand j’ai fait la une de “Playboy”, il m’a dit : “Maman, pourquoi as-tu toujours besoin de te mettre à poil ? C’est la honte, avec les copains…” “Attends, lui ai-je répondu, ta mère a 40 ans et pose dans ‘Playboy’, c’est cool !” Je pense qu’il est un peu fier, au fond. »

« On ne choisit pas sa famille », comme l’affirme le titre du dernier film de Helena, par et avec Christian Clavier. Mais Hélène – son prénom au civil – assume son clan. Derrière elle, la souffrance de n’être que la « demi-sœur de ». Devant elle, des trouilles abyssales et une joie viscérale. Elle est sûre d’elle, Hélène. Elle en met plein la vue. Mais la môme n’est jamais loin, poings devant et sourire en étendard.

Qu’est-ce qui vous a plu, dans le scénario d’On ne choisit pas sa famille ?

J’aurais dit oui, de toute façon, à Christian Clavier. Mais c’était gonflé de faire un film ­populaire sur l’homo­parentalité.

Comprenez-vous ceux qui vont au bout du monde chercher un orphelin ?

Oui : j’ai fait une demande d’adoption, il n’y a pas très longtemps. Une ­démarche difficile pour une femme ­célibataire. C’est encore très normé : il vaut mieux avoir moins de 35 ans, être marié, et à une personne de l’autre sexe. J’ai choisi l’Afrique (Rwanda, Mali et Afrique du Sud), plus par instinct qu’autre chose : je m’y sens bien.

Je suis surprise d’apprendre que vous avez entamé une démarche d’adoption : je croyais que vous trouviez les enfants “chiants”…

Je n’ai pas changé d’avis ! C’est chiant et con. Je n’étais pas prévenue quand j’ai eu le mien. Et il y a vingt ans, je choquais quand j’osais ­exprimer mon ras-le-bol de jeune ­maman. Ça faisait du bien de dire que c’était dur, que je n’étais pas une sainte, même si ce garçon était désiré. J’avais 22 piges. Aujourd’hui, je vois mon fils devenu un chic type et je me dis qu’être mère est merveilleux.

C’est frappant de voir vos deux jeunesses côte à côte. Vous pourriez être frère et sœur.

Je serais une mère différente, ­aujourd’hui. J’ai élevé Tanel un peu comme si j’étais sa grande sœur, en ­effet. Je manquais sans doute de maturité. Quand je pense à sa petite enfance, j’ai l’impression que c’était aussi la mienne. On se chamaillait beaucoup plus que je n’étais autoritaire.

Vous avez dit un jour : “L’enfance est un pays que je m’autorise.” Vous ne l’avez jamais quittée ?

Je connais la petite Hélène en moi et je lui parle tout le temps. Vous voyez cette affiche ? [Celle du film, posée ­devant elle.] C’est la première où il y a ma gueule, où je suis au milieu d’eux, et où mon nom est aussi gros que les ­autres. Je prends même plus de place : Reno, c’est plus petit que Noguerra ! Voilà, j’ai 10 ans, et j’exulte.

Avez-vous peur de vieillir ?

J’ai peur de la mort. Je suis contre, ça me révolte ! [Elle éclate de rire.] J’y pense tous les jours, plusieurs fois par jour, à chaque moment… La vie est vaine, alors autant rechercher le plaisir. Je ne veux pas m’encombrer de douleur. Pourtant, celle-ci est très présente. On a tous peur de la mort.

Mais tout le monde n’y pense pas tous les jours…

C’est vrai. Je ne sais pas d’où me vient cette conscience aiguë de notre fragilité, elle est ancienne. Mais ­oublier qu’on est mortel, c’est cela qui n’est pas normal !

Etes-vous proche de votre mère ?

On est très liées. C’est une “reine mère”, pleine d’humour et de liberté.

Certains tuent le père, vous, c’est la mère, dans “Et je me suis mise à table”, votre roman sur une patiente psychiatrique qui a dévoré sa génitrice…

J’en ai fait une fiction littéraire, mais elle dit ma difficulté à être la fille d’une femme si forte. A un moment, il faut la manger, la digérer et l’évacuer. C’était le désordre en moi, et ça l’est ­encore un peu. D’ailleurs, j’aime les ­musiques douces, parce que c’est déjà punk à l’intérieur.

Votre père avait une habitude surprenante : vous emmener voir l’asile, en ­vacances. Il vous montrait les pensionnaires : “Regarde, disait-il, c’est peut-être eux qui ont raison…”

Il ne l’a pas fait souvent, mais c’est marquant. J’avais 6 ou 7 ans. “Qui veut aller se promener jusqu’à l’hôpital psy ?” nous lançait-il. Je répondais : “Moi, moi !” Je n’avais pas peur, il m’a transmis sa passion pour ces gens. Je parle peu de lui, il est plus pudique que nous toutes. Mais c’est à lui que je ressemble le plus. Au sein de cette famille de femmes, je suis la moins fofolle et la plus discrète.

Manquez-vous d’ambition, face à votre sœur devenue star ?

Oui, mais ce n’est pas grave, mon ego s’exprime autrement : je me trouve super ! Je n’ai pas l’ambition de marquer l’époque. J’aime ma place à la marge, être un espion dans tous ces mondes – la chanson, le cinéma, la télé, le théâtre…

Vous posez nue avec plaisir, vous avez réalisé un court-métrage porno pour Canal +, et un documentaire sur ­l’effeuillage burlesque… Quelle féministe êtes-vous ?

Une féministe d’aujourd’hui, qui adore les hommes et le sexe. Je me ­dénude par provocation, pour dire : “Je ferai l’amour si je veux. Ne venez pas me dire : ‘T’es bonne, j’te prends…’”

Vous soldez ainsi vos comptes avec tous ces hommes au regard poisseux, ceux de vos 15 ans, quand vous étiez mannequin, et ceux d’aujourd’hui ?

Oui, et j’ose espérer que si j’avais été foutue autrement, j’aurais eu la même liberté.

Vous êtes à l’aise avec les hommes. Que voyez-vous en eux ? Une bête que vous domptez ou un copain en puissance ?

Pour moi, chaque individu est un ami potentiel. Je désexualise beaucoup la relation.

Avez-vous envie de plaire, tout le temps ?

J’ai un peu ce problème. Mais je veux plaire aux enfants, aux filles… Je veux qu’on m’aime, et j’ai beaucoup d’amour à donner.

N’en avez-vous pas reçu assez ?

Si, mais je suis camée à l’amour. On peut l’appeler respect, entente, ­plaisir de rire ou de pleurer ensemble. Je n’en ai pas peur.

Sur cette séance photo, vous avez avoué : “Il m’est facile de poser nue, j’idéalise mon corps.”

Je me vois vieillir, devenir flasque, et je panique. Mais je ne veux pas ­souffrir, alors je me dis : “Je suis la reine de la piste.”

Rien ne vous fait douter ?

Si, bien sûr. Je peux me dégonfler.

Pas besoin de pilules pour chasser vos angoisses ?

Non, prendre des médicaments pour être heureuse me fait peur.

Pas besoin de bistouri, non plus ?

Qui sait, j’y viendrai peut-être. Mais quitte à me transformer, autant créer un personnage : une Pamela ­Anderson, avec gros seins et grosse bouche ! Et devenir une femme de 60 ans complètement hallucinante.

N’avez-vous vraiment “plus aucune ­pudeur”, comme vous le disiez sur le shooting ?

Si, dans l’intime. Paradoxalement, à mon homme, je ne montre pas facilement ma poitrine. Parce qu’alors je suis seule face à mes complexes. Plus de mise en scène.

Avez-vous passé le bac l’an dernier, comme vous l’aviez prévu ?

Non. Je suis bien restée un an sur les bancs de l’école, et j’ai eu 11,5 à mes partiels. Mais la veille du bac, je me suis dit : “Arrête ! Tout cela n’est qu’un ­fantasme. Tu ne deviendras pas la ­nouvelle Françoise Dolto, tu n’étudieras pas pendant dix ans la psychanalyse pour écrire une thèse magnifique !” Quand j’avais du temps libre, je n’avais pas envie de lire Freud, mais d’écrire une nouvelle chanson. En fait, j’étais exactement là où je voulais être.

Interview Originale sur le Site ParisMatch

Helena Noguerra

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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