On Ne Choisit Pas Sa Famille : Interview d’Helena Noguerra, l’interprète d’Alex

On Ne Choisit Pas Sa Famille : Interview d'Helena Noguerra, l'interprète d'Alex

Interview accordée en Novembre 2011 pour Comme au Cinéma

L’attrait pour le projet

Christian a pensé à moi après m’avoir vue dans « L’arnacoeur ». Ma fantaisie lui a plu. J’étais aux anges quand il m’a donné son scénario. Il est vraiment un de mes comiques préférés avec Peter Sellers, Jacques Tati, Louis De Funès et Jacqueline Maillan. J’étais ravie et en même temps curieuse de l’approcher professionnellement, de voir sa méthode de travail. Je voulais être clown quand j’étais petite ! Je n’ai pas un rôle comique ici mais j’ai beaucoup aimé l’idée que l’homoparentalité soit traitée dans un film à vocation populaire. C’est osé. De plus, j’étais contente de jouer l’amoureuse de Muriel Robin, d’incarner une homosexuelle, ce que je n’avais jamais fait. Christian me demandait une partition différente, plus sérieuse. C’était la promesse d’un très beau cadeau.

Point de vue sur le scénario

Le sujet me plaît car il est très contemporain. Il soulève des interrogations sur notre époque, sur le ton de l’humour. C’est un thème de société comme Christian les aime. Il semble beaucoup s’intéresser à l’histoire, à la politique, aux faits de société, aux relations entre les gens. Les Bronzés ou Le Père Noël Est Une Ordure qu’il a coécrits étaient des satires sur le « charity business » et les clubs de vacances. Cette fois encore il y a un fond de critique de notre société. Du coup, ça ne m’a pas étonnée que Christian écrive sur l’homoparentalité. Dans La Cage Aux Folles qu’il a interprété au théâtre ou dans Le Père Noël Est Une Ordure il campe un gay. On sent qu’il a de la tendresse pour ces personnages. De toute façon il en faut pour s’en amuser quand on écrit et qu’on joue des comédies.

L’homoparentalité

L’homoparentalité est abordée sous un jour comique mais sans moquerie. Le traitement n’est en aucun cas politique. On est dans un vaudeville : il y a des catastrophes, on est toujours sur le fil, il y a beaucoup de ressorts de comédie autour de ce couple de femmes désireux d’adopter. Le thème est fort et le ton léger. C’est important car, tout en riant, le grand public va pouvoir se positionner par rapport à la question et sans doute l’accepter parce que les interrogations soulevées sont simples. En tout cas pour moi elles le sont ! Je suis favorable à l’homoparentalité. Ces enfants ont surtout besoin d’amour. A partir du moment où ils n’ont pas de géniteurs homme-femme qui s’occupent d’eux à l’orphelinat mais qu’ils ont beaucoup de religieuses pour « parents » comme dans le film, je préfère qu’ils aient deux femmes désireuses de fonder une famille. Dans ce cas, l’attention qui leur est accordée est spécifique, concentrée, constructive et ils vivent dans un foyer aimant, pas avec quinze autres enfants qui attendent aussi d’être adoptés.

Sa conception du personnage

Alex vit avec la femme qu’elle aime depuis un certain temps et rêve d’adopter. Son couple est complètement assumé. Elle est en phase avec la vie d’aujourd’hui. Elle est avocate, sérieuse, efficace, assez sûre d’elle, plutôt directive et conquérante. C’est une dure-tendre. Elle est à l’opposé de César, son frère, qui lui est assez brouillon et un peu foufou. Lorsque j’ai rencontré Christian pour le projet il a tout de suite évoqué le côté féminin d’Alex. Il aimait l’idée que je ne rentre pas dans le cliché de la lesbienne.

L’approche du personnage

Outre la préparation physique du look et de l’apparence j’aime bien dessiner les contours du personnage que je vais interpréter.
J’ai beaucoup pensé à l’actrice Américaine Gina Gershon qu’on voit peu au cinéma. Elle a joué un couple de lesbiennes dans Bound des frères Wachowski. Je me suis inspirée de son énergie dans ce film. Elle a quelque chose d’extrêmement sexy pour les deux sexes dans son T-shirt marcel car elle est plombier à l’écran. Même les hétérosexuelles comme moi et mes copines on en était dingues. Et nos copains aussi. J’ai essayé d’amener ce côté très fédérateur chez mon personnage. Les charmes d’Alex ne laissent pas indifférent le Dr Luix. Comme je rêvais de jouer ce genre de lesbienne depuis longtemps j’ai sauté sur l’occasion quand Christian m’a proposé le rôle.

Christian Clavier réalisateur

Christian est très précis. Il sait exactement ce qu’il veut. C’est un réalisateur exigeant et un énorme bosseur. C’est plutôt facile de travailler avec lui-même si pour moi c’était plus compliqué parce que j’étais très impressionnée compte tenu de mon admiration pour lui et son jeu. Il observe beaucoup, il attend énormément de nous mais sans trop nous brusquer. Il est à la fois tendre et autoritaire. Il demande qu’on connaisse notre texte par cœur et qu’on colle bien les répliques, qu’il n’y ait pas de temps de réflexion dans les dialogues. Il tient à ce rythme de comédie. Il était tout le temps en train de nous réveiller, de nous dire : « Allez, on y va, il ne faut pas s’endormir » ! Si Christian était une mélodie ce serait peut-être une chanson africaine avec beaucoup de rythme et un tempo toujours identique. Il veut que ça envoie tout le temps !

Les partenaires

Christian et Muriel font vraiment partie de notre culture. Ils ont inventé un langage et des expressions grâce à des rôles ou des sketches devenus cultes. On dit « Quel binz » ou « Okaaay ! » et on fait des mimiques comme Muriel. C’est en nous ! En ça ils sont impressionnants. En plateau j’ai été déstabilisée par moments mais Muriel m’a mise à l’aise. Elle est « enrobante ». Quand j’avais des doutes elle m’aidait. C’est une tendre. Elle est dans l’affect.
Malgré son expérience je pense qu’elle est tout aussi fragile que moi quand il s’agit de jouer et d’être à la hauteur. Elle se met elle- même une pression dans laquelle je me retrouve. C’était vraiment très agréable de l’avoir comme partenaire. Parfois, j’oubliais qu’elle jouait tant son ton était juste. On a eu beaucoup de fou- rires. Quant à Jean Reno, il est très paternaliste.

Ses attentes par rapport au film

Je reste assez enfantine face au métier d’actrice. Comme je suis une matière malléable, je suis toujours curieuse de me retrouver dans des personnages différents. Je n’ai pas d’autre attente que la surprise. Parfois, j’ai l’impression que je n’y arriverai pas et que le rôle n’est pas pour moi mais je fonce quand même. Ce qui m’intéresse c’est l’expérience : apprendre, essayer des choses nouvelles, avoir l’impression que je débute encore et toujours. Je veux pouvoir vivre mille vies avant mes funérailles. Grâce au film je pense que la prochaine fois que je tournerai avec des grandes figures du cinéma français je serai moins impressionnée. Ça devrait être un peu plus souple. J’ai encore appris à dépasser mes limites et une certaine forme de timidité. Je me suis endurcie. J’ai pris de la bouteille. Mes partenaires m’ont fait grandir.

Interview Originale sur le Site Comme au Cinema

Helena Noguerra

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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