Anna Freud, psychanalyste et lesbienne ?

Sigmund Freud a eu avec sa femme, Martha, six enfants. Son dernier né était une petite fille, alors qu’il souhaitait un garçon. Elle s’appelait Anna. Née en 1895, au tournant du siècle, à Vienne, la capitale de l’Autriche-Hongrie, trois ans avant l’assassinat de Sissi l’impératrice, Anna est pourtant devenue l’enfant préféré de papa Sigmund et son disciple le plus fidèle. Sigmund est resté le seul homme de sa vie, car Anna ne s’est jamais mariée. La question s’est alors posée aux historiens de la psychanalyse et à ses détracteurs : Anna était-elle lesbienne ?

Le but de ce petit détour du côté d’Anna Freud n’est bien évidemment pas de réfléchir aux conditions de la naissance de la psychanalyse et aux effets de l’homosexualité latente ou refoulée chez le père (dont les amitiés masculines étaient intenses) ou chez la fille, mais de voir comment Anna a pu construire ou non sa vie sentimentale dans l’ombre d’un père aussi écrasant et penseur de nouvelles catégories pour se comprendre.

Anna, nous l’avons déjà dit, naît en 1895 au 19, Berggasse. Elle est la petite dernière, pas forcément voulue et attendue.

Anna Freud

Sa mère, Martha, avait alors 34 ans et son père, 39. Ce dernier souffrait de troubles sexuels depuis un an. La grossesse est tardive et inattendue. Voici le couple dix ans plus tôt, un an avant leur mariage.

Anna Freud

Quand Anna naît, le père est déçu de ne pas avoir de garçon et la mère décide cette fois de ne pas allaiter le bébé, contrairement à tous ses autres enfants. Elle décide aussi de quitter un temps sa famille et de partir en vacances sans l’enfant peu après sa naissance. C’est donc la nourrice Josephine Cihlarz qui s’occupe des premiers pas de la petite Anna. Voici la photo familiale en 1898 quand Anna a trois ans.

Anna Freud

On y observe qu’à côté de sa mère se trouve la tante d’Anna, Minna. Freud est à l’écart, en haut et à droite de la photographie.

Si Anna est assez distante de sa mère, elle est en revanche très proche de son père. Anna est très disciplinée et très à l’écoute de son père. Elle suit une scolarité satisfaisante mais décevante par rapport aux autres femmes de la famille : elle entre à l’école élémentaire à l’âge de 6 ans, fait son collège dès 10 ans et sort bachelière à 17 ans, mais elle n’entre pas à l’université. Elle apprend beaucoup moins à l’école qu’à la maison au contact de son père dont elle lit les écrits théoriques dès l’âge de 15 ans. Elle s’investit beaucoup dans les recherches de son père et collabore dès qu’elle le peut, et d’abord en lui racontant ses rêves que son père utilise dans De l’interprétation des rêves.

Anna a du mal à trouver sa place dans la famille. Elle est en rivalité avec sa sœur Sophie, plus jolie, plus féminine, plus brillante à l’école et qui se marie en 1912, quand Anna quitte le lycée. Voici Sophie en photographie avec son père en 1919.

Anna Freud

Anna n’a pas été invitée au mariage de sa sœur et elle est jalouse de son futur beau-frère, Max Halberstadt, qui a su si vite se faire aimer de sa sœur, elle qui ne s’est jamais fait accepter par elle. Anna a aussi des problèmes avec sa cousine Sonja Trierweiler qui exerce sur elle une mauvaise influence et la met dans des états dépressifs. Voici Anna en 1913 en compagnie de son père bien aimé.

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Anna souffre de désordres alimentaires et perd beaucoup de poids à l’adolescence. Elle reste seule avec son père, Anna et sa tante Minna après le mariage de Sophie. Tous les autres enfants Freud ont quitté le foyer paternel. En 1914, Anna passe un examen pour devenir institutrice dans une petite école. Elle le réussit haut la main. Elle commence à travailler comme institutrice jusqu’à ce qu’elle ne développe la tuberculose en 1917. Cette maladie l’oblige à arrêter sa carrière. En 1918, Anna commence une psychanalyse avec son père et suit ses cours à l’université en auditrice libre. L’analyse entre un père et sa fille, surtout quand ils ont une relation si proche, n’est pas évidente. En 1921, Freud fait appel à Lou Andréas-Salomé pour qu’elle serve de conseillère auprès d’Anna.

Anna Freud

L’intervention de Lou permet un changement dans les relations père-fille et il semble qu’Anna s’épanouisse et s’affirme. À 26 ans, Anna est toujours célibataire et elle est peu attirée par les hommes. Elle souffre aussi d’un grand manque de confiance en elle et fait des crises d’angoisse. Lou la rassure. Elle a 61 ans. Toutes les deux vivent une intense relation d’analyse et d’amitié un peu exclusive (dans une relation triangulaire avec Sigmund Freud qui autorise et chaperonne leurs liens). L’amour n’est pas loin. Entre 1920 et 1924, Anna a bien sûr un soupirant attitré, Lampl, au charme duquel elle est peu sensible, mais il ne se passe rien et Anna s’ennuie quand elle ne traverse pas des moments de cafard.

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