Les Dames de Llangollen

Les Dames de Llangollen

Les Dames de Llangollen ont souvent été décrites par leurs contemporains comme deux Irlandaises excentriques qui ont vécu ensemble pendant des années dans un petit village perdu du Pays de Galles et qui, non seulement, n’ont pas été traitées comme des parias mais ont provoqué la curiosité, la fascination et l’admiration de leurs voisins, de leurs compatriotes mais aussi des étrangers. Comment ces deux femmes vivant en couple ont-elles pu devenir des icônes internationalement connues ?

La première chose qu’il est important de souligner est que les deux femmes ne sont pas de simples Irlandaises. Toutes les deux sont de naissance et d’extraction aristocratique. La plus âgée et la mieux née est Lady Eleanor Butler (1739-1829). Elle est la sœur de John Butler, le 10e comte d’Ormond, une grande famille catholique d’origine anglo-normande dont le fief se trouve au château de Kilkenny, l’un des châteaux les uns anciens et les plus importants d’Irlande, construit à la fin du XIIe siècle. Le premier duc d’Ormond fut le vice-roi d’Irlande. La devise de la famille est « Comme je trouve ». Eleanor Butler était un très riche parti pour les familles aristocratiques. Elle fut envoyée dans un couvent en France avant de revenir au château de Kilkenny pour parfaire son éducation. Elle était orpheline depuis sa naissance.

Les Dames de Llangollen

Sarah Ponsonby était, quant à elle, la fille du chevalier Chambre Brabazon Ponsonby, petit-fils du premier Lord Bessborough, une famille protestante très puissante qui avait obtenu le privilège de siéger à la Chambre des Lords britannique. Née en 1755, elle devint orpheline à 7 ans. Sa belle-mère, Lady Staples, l’éleva jusqu’à ce qu’elle meurt à son tour quand Sarah avait 13 ans. Elle fut alors placée sous la responsabilité de la famille Fownes (un cousinage du côté paternel) et vécut à Woodstock, chez eux. Fut-elle violée par son tuteur, William Fownes ? On sait qu’il l’a poursuivi de ses assiduités. Jusqu’à ses 18 ans cependant, sa vie ne se passait pas seulement entre les murs de Woodstock : elle allait à l’école du château de Kilkenny où elle fut confiée à la garde qu’on imagine bienveillante d’Eleanor Butler en 1768. Woodstock et Kilkenny étaient distants de 3 kilomètres seulement.

Coup de foudre ? Difficile encore de répondre car les deux jeunes femmes font comme si de rien n’était.

Alors que Sarah a 17 ans et Eleanor 33, elles se promettent l’une l’autre de préserver leur liberté et de ne pas se séparer. Elles décident donc ainsi de refuser leur avenir tout tracé : le mariage ou le couvent. Ensemble, elles élaborent un plan de fuite : elles rêvent de partir en retraite dans le sauvage Pays de Galles. En avril 1778, elles s’enfuient une première fois ensemble et trouvent refuge dans un cottage au sud du Pays de Galles, mais elles sont dénoncées par leurs hôtes et sont poursuivies par leurs familles qui tentent de les faire renoncer à leur projet.

Cet échec ne les fait pas renoncer au projet de vivre le reste de leurs vies ensemble. Malgré les menaces, elles fuient à nouveau en 1780 et s’installent dans un cottage appelé Plas Newydd (Nouveau Manoir) situé sur un terrain près de la localité de Llangollen. D’après le journal intime d’Anne Lister qui leur rendit visite en 1822, elles louèrent d’abord le cottage pour 31 ans, mais le bail se révéla faux ou invalide et elles décidèrent d’acheter le manoir en 1819. Elles y vécurent ensemble jusqu’à leur mort respective en 1829 et 1831 et ne passèrent jamais plus d’une nuit hors de ce refuge.

Les Dames de Llangollen

Elles firent de Plas Newydd leur nid gothique mais douillet.

Furent-elles des recluses ? En un sens, oui, puisqu’elles ne quittèrent jamais cet endroit. Pour autant, elles ne vécurent pas cachées ou isolées. Retirées du monde, elles attirèrent à elles la curiosité de leurs voisins, puis des élites de Grande-Bretagne et enfin les touristes étrangers. Elles disposaient de 4 petits appartements (un appartement étant constitué d’une suite de pièces en enfilade). Les visiteurs décrivirent beaucoup la cuisine, la salle à manger et la bibliothèque remplie d’ouvrages en anglais, en français et en italien. Ils insistèrent aussi sur les vitraux, les bougies et une sorte de lanterne magique qui donnaient une ambiance particulière à la maison.

Les Dames de Llangollen

Les deux femmes avaient également de quoi surprendre. Elles s’habillaient en homme, mais elles étaient bien distinguées : Eleanor, plus âgée, était décrite comme la plus masculine, de taille moyenne avec un peu d’embonpoint. Son caractère semblait plus ouvert ou plus extraverti. En revanche, Sarah était souvent décrite comme plus grande, plus gracieuse (sans être plus fine) et plus pensive, introvertie et féminine. À l’évidence, le couple est pensé comme un couple hétérosexuel. Quand Walter Scott se rend chez elles, il a l’impression que le décalage d’âge entre les deux femmes n’est que de 5 ans. Elles avaient les cheveux blancs sous des chapeaux d’homme, portaient de grosses chaussures, une tenue d’équitation et étaient couvertes de broches, de décorations et d’anneaux.

Les femmes reçoivent chez elles. Sarah peint, tandis qu’Eleanor est musicienne. Toutes les deux font de la broderie. Pour vivre, elles disposent d’une petite rente de 280 £ annuelle que leur fournissent leurs familles. Mais, elles ont le sens des affaires et elles possèdent une prairie pour faire paître les troupeaux, une ferme et un jardin potager. Elles ont également un jardinier, un valet de pied et deux servantes dont Mary Carryll qui a aidé leur fuite et a vécu avec elles jusqu’à sa mort.

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