Renée Vivien (1877-1909)

Née Pauline Tarn, celle qui est connue et reconnue sous le pseudonyme de Renée Vivien est sans doute l’une des lesbiennes du passé les plus célébrée et admirée encore de nos jours. Vivant ce que vivent les roses, elle meurt à 32 ans dans toute la grâce de sa beauté fragile. Surnommée la « Sapho 1900 », égérie de Paris fin de siècle, elle a rêvé une poésie à l’énonciation féminine et saphique et souhaité une communauté poétique de femmes.

Renee Vivien

Tout comme beaucoup de femmes qui marquèrent l’imaginaire de Paris en 1900 et qui contribuèrent au rayonnement intellectuel et culturel de Paris au tournant du siècle, celle que nous connaissons sous le pseudonyme de Renée Vivien est née à l’étranger, de parents étrangers. Pauline Mary Tarn est en effet l’aînée de deux filles d’un rentier anglais enrichi par le commerce et d’une jeune Américaine née dans l’État du Michigan aux États-Unis, qui se sont rencontrés à Honolulu et se sont mariés en 1876. Issue d’une famille aisée, elle passe la première année de son existence à Londres, puis ses parents emménagent en France, à Paris, dans un appartement situé 23, avenue du Bois de Boulogne (actuelle avenue Foch) dans les beaux quartiers de l’Ouest parisien. En 1881, alors que Pauline a 4 ans, naît une petite sœur. Pauline Tarn reçoit une éducation française et bourgeoise, dans des institutions privées. En 1886, alors que Pauline a neuf ans, un premier drame la frappe : son père meurt, lui laissant un héritage confortable mais une grande solitude. Se sentant délaissée, mal aimée par sa mère qui la fait souffrir de petites humiliations et de tyrannies mesquines, elle se réfugie sans doute dans la lecture, la rêverie, la musique et les études. Sa mère, ne souffre de la même façon de la disparition de son mari : c’est une femme adultère qui se sent libre de vivre enfin sa liaison avec un Anglais marié. Elle détourne une partie de l’argent laissé en héritage à ses filles et, quatre ans plus tard, quitte Paris pour retrouver son amant à Londres en 1890. Pauline doit la suivre, mais fait de fréquents allers-retours entre Londres et Paris.

En 1892, dans l’immeuble où elle vit parfois, s’installe une jeune fille de son âge, née à Cincinnati aux États-Unis, une ancienne voisine de Natalie Clifford Barney. Elle s’appelle Violet Shillito et poursuit ses études dans le même pensionnat que Pauline à Fontainebleau. Elles n’ont toutes les deux que 13 ans. Voici ce que Renée Vivien, devenue écrivain, a dit de celle qui fut son premier amour.

“Vers l’âge de treize ans, je me pris d’une passion très pure pour une compagne dont j’aimais les beaux sourcils mélancoliques… L’ignorance éloignait l’une de l’autre nos deux bouches trop ingénues.”

Violet Shillito est une enfant prodige : née Américaine, elle apprend très rapidement le français. Elle apprend également seule à lire le grec ancien et l’italien pour pouvoir décrypter Platon et Dante dans le texte à 16 ans. Pauline Tarn admire sa jeune amie et partage d’exceptionnelles dispositions pour les langues. Elle s’éprend sans doute de Violet mais leur relation en reste à une très ambiguë « communion sororale ». Pauline voyage aussi beaucoup, à New-York, à Londres, en Norvège, en Italie, en Grèce (à Lesbos) et jusqu’au Japon. Les relations avec sa mère se détériorent au point que Pauline fugue en 1895, l’année de ses 18 ans. Le différend entre la mère et la fille est finalement réglé par une décision de justice qui émancipe Pauline.

En 1899, totalement affranchie de sa mère, elle s’installe définitivement à Paris et prend un nom de plume : René Vivien, prénom qu’elle féminise ensuite en Renée.

En 1900, elle lit Quelques portraits sonnets de femmes, la première œuvre de Natalie Clifford Barney et brûle de rencontrer celle qui écrit si bien ce qu’elle vit. Elle demande à Violet Shillito de provoquer une rencontre et de déclarer son amour à sa place à Natalie, l’amie d’enfance et l’ancienne voisine de Violet. La rencontre entre Natalie et Renée fait voler en éclat la relation entre Violet et Renée.

Lettre de Renée à Natalie : Ouvrir au format pdf.

Renée flirte avec Natalie, tandis que Violet se convertit au catholicisme et sombre dans le mysticisme. Sa sexualité, aux contours encore imprécis, se révèle avec force. Son désir d’androgynie s’affirme, comme le révèle cette photographie où elle pose avec Natalie.

Renee Vivien

En 1901, âgée de 24 ans, Violet décède à Cannes. Pour Renée, ce nouveau décès inattendu est un traumatisme. Ses pensées deviennent macabres et tournent à l’obsession. Elle devient la « muse aux violettes ». La voici posant avec un bouquet de ces fleurs auxquelles elle voue une sorte de fétichisme désormais morbide, car les violettes lui rappellent sans cesse Violet.

Renee Vivien

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