Susan Brownell Anthony (1820-1906)

Voici une Américaine dont le nom ne vous dit peut-être rien, mais qui fut l’une des femmes les plus importantes de l’histoire américaine, au moins de l’histoire des femmes américaines. Susan Brownell Anthony est en effet celle qui a rédigé et défendu le projet du 19e amendement de la Constitution américaine concernant le vote des femmes. Elle fut une féministe convaincue et eut une vie personnelle mal connue mais assez peu conformiste.

Susan Brownell Anthony

Susan Brownell Anthony

Plantons le décor. Susan est née le 15 février 1820 dans une petite ville du Massachusetts, aux États-Unis. Les États-Unis sont alors un pays neuf encore faiblement peuplé (la population totale est estimée à près de 10 millions d’individus en 1820) et majoritairement rural, malgré la croissance très rapide des villes (seuls 6% des habitants vivent en ville). L’essentiel des colons habite la Nouvelle-Angleterre. La plupart sont des descendants des Pères Pèlerins arrivés au XVIIe siècle sur la Côte Est pour fuir les persécutions religieuses britanniques. Le Nord-Est est la seule région où la terre est libre et où il n’y a plus d’esclavage. Partout ailleurs, c’est une institution.

Susan Brownell Anthony

 Le père de Susan, Daniel Brownell Anthony est un abolitionniste. Il est aussi un Quaker libéral. Les Quakers sont les membres de la « Société religieuse des Ami(e)s », une secte dissidente du christianisme aussi bien dans sa version anglicane que puritaine. Ils sont assez nombreux en Nouvelle-Angleterre, particulièrement dans les années 1820 qui sont celles, aux États-Unis, du « Second Revival » : un moment de Renaissance religieuse, de foisonnement de sectes, d’expériences mystiques de toute sorte. Ils prônent la liberté de conviction, rejettent toute hiérarchie religieuse et appuient leur foi sur l’expérience personnelle de Dieu. Beaucoup de Quakers américains sont des abolitionnistes. Daniel B. Anthony est donc un Quaker, de mouvance libérale, qui milite pour l’abolition de l’esclavage et l’égalité. Sa femme, la mère de Susan, est elle aussi éprise de liberté. C’est une Baptiste, c’est-à-dire une protestante très engagée dans l’éthique au quotidien. Le grand-père maternel de Susan était un insurgé de la Révolution américaine. Ensemble, ce couple eut six enfants qui ont survécu : quatre filles et deux garçons. Ils leur communiquèrent le goût pour le combat politique et l’égalité.

Susan est la deuxième enfant du couple et l’aînée des filles. Elle a vécu son enfance à Battenville, une petite ville de la vallée de l’Hudson, dans l’État de New-York. Son père, qui a plusieurs fois changé de métiers pour faire vivre sa famille (boutiquier, propriétaire et dirigeant d’une filature de coton, fermier, agent d’assurances), est assez prospère et c’est un membre suffisamment important de la communauté pour pouvoir créer une école mixte, ouverte aux filles et aux garçons du voisinage. Susan y reçoit une éducation qui lui permet à son tour de pouvoir dispenser des cours avant ses seize printemps. Pour parfaire son éducation, son père l’inscrit en 1837 dans un séminaire quaker pour femmes qui se trouve à Philadelphie : le séminaire Deborah Moulson. Mais, elle est contrainte d’abandonner ses études dès 1838 : sa famille est en effet touchée de plein fouet par le chômage. Dès 1839, la famille déménage et Susan, âgée de 19 ans, quitte le foyer parental pour travailler à Hardscrabble, puis à New Rochelle où elle reste près de 10 ans. En 1849, Susan, qui n’est toujours pas mariée (à 29 ans), retrouve le domicile de ses parents en 1849 à Rochester, une ville dynamique de l’État de New-York.

Ce retour ne doit pas être compris comme une perte d’autonomie. Au contraire, Susan commence à cette époque à devenir militante. Son engagement public pour une cause commence en 1848 : elle lutte d’abord contre le fléau de l’alcoolisme (ce qu’on appelle la tempérance aux États-Unis) et crée peu après la Woman New-York State Temperance Society. Son intérêt pour les droits des femmes et la question féminine n’apparaît que dans un deuxième temps, après sa sœur Mary. Ses combats furent soutenus par toutes ses sœurs et particulièrement Mary.

Susan Brownell Anthony

Jusqu’à cette date, on ne sait presque rien de sa vie, de ses pensées, de sa vie personnelle. Tout change quand, au début des années 1850, elle rencontre à Seneca Falls, dans une réunion féministe, son double, son alter-ego : Elizabeth Cady Stanton. Susan Brownell Anthony déclara plusieurs années plus tard qu’elle avait ressenti au moment de cette rencontre une « intense attraction ». Il serait très facile alors de broder et d’imaginer une relation romantique, amoureuse, voire davantage entre les deux féministes. La réalité est beaucoup plus complexe à décrypter. Elizabeth Cady Stanton est âgée de 5 ans de plus que Susan. C’est une femme mariée à un abolitionniste qui connaît une carrière pleine de réussite : depuis 1843, il est attorney (procureur) à Boston. Leurs engagements les avaient réunis, mais Henry Stanton est hostile au vote des femmes. Pourtant, malgré des divergences importantes, le couple resta marié 47 ans (rappelons qu’aux États-Unis, les divorces sont possibles, contrairement à la France à la même époque). Elizabeth prit soin de la santé fragile d’Henry jusqu’à la mort de ce dernier en 1887.

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