The Shondes : Interview de la chanteuse Louisa Solomon

The Shondes : Louisa Solomon

Interview accordée à McDonaln le 14 Novembre 2013 pour le site Afterellen.com

Les femmes sont en majorité dans The Shondes, un groupe de quatre personnes né à Brooklyn qui utilise des combinaisons d’instruments assez originales pour créer leur musique. Ce groupe a été décrit comme une rencontre entre les riot grrrl et klezmer. Avec un nouvel album studio (le quatrième), et un groupe de fans qui leur est très dédié, The Garden pourrait être le projet qui met The Shondes sur le devant de la scène grâce à des paroles qui en jettent, des voix poignantes et des mélodies surprenantes.

Dans la lignée de ce qu’ils font de mieux, le premier titre de ce nouvel album est un peu un hymne au féminisme avec ses refrains entraînants chantés par Louisa Solomon : « Who told you to give up ? Who said you’re never good enough ? Who told you to give up on the garden ? ». The Shondes interprète un ensemble de chansons emplies de colère envers l’oppression patriarcale, politique et religieuse (rappelez vous leur protestation contre la Convention Nationale Républicaine en 2004), et ils n’ont pas du tout perdu leur vigueur. Mais ce dernier album a l’air beaucoup plus raffiné musicalement (c’était prévisible à ce stade de leur carrière) sans pour autant abandonner le son et l’idéologie que leurs fans attendaient et ont apprécié durant toutes ces années. Les artistes ont évolué, tout comme leurs fans.

En plus des paroles envoûtantes et poétiques, l’album contient du violon joué par Elijah Oberman et des riffs de guitare joués par Fureigh. Le groupe est même romantique sur le titre transcendant Nights Like These ; c’est le titre de l’album ressemblant le plus à ballade avec des paroles rappelant (de façon surprenante) un groupe comme les 10 000 Maniacs : « On nights like these you get a taste of freedom. You can say the word and I will take you with me. If we are brave and if we break, we’ve got to try to believe on nights like these. ».

Juste après avoir obtenu une super critique de la revue Rolling Stone, Solomon nous a parlé de ce nouvel album dans une interview lors d’une tournée, juste après avoir fini de jouer à Philly (et avec un concert à New-York ce week-end). Elle nous a parlé de la vraie histoire qui se cache derrière la musique et de la façon dont, elle et le groupe, ont trouvé une façon de concilier la politique avec leur évolution en tant qu’artistes.

Quelle a été votre inspiration pour The Garden ?

Nous étions vraiment concentrés sur le fait d’écrire une musique honnête et vivante. Nous voulions que cet album soit un peu comme un nouveau départ sans renier l’endroit dont nous venons. Il y a peu, nous avons tous traversé de grands changements dans notre vie, nous avons subi des pertes et « grandir » est le thème le plus cohérent avec l’album. Il y a beaucoup de façons différentes de grandir et nous en abordons une partie dans The Garden.

Le thème prévaut dans beaucoup de chansons. En quoi ce quatrième album est-il différent des précédents ?

Il me semble moins lourd, comme s’il avait une sincère légèreté, et une certaine ouverture d’esprit là-dessus. C’était la première fois que l’on avait vraiment un contrôle total sur la création et que l’on était partenaires avec exactement qui l’on voulait. J’adore cet album.

Votre musique est connue pour tout combiner, depuis les influences punk, pop et juive. En quoi ces influences/sons sont-ils importants pour vous en tant que groupe ?

Toute la musique qui nous a touchés à travers nos vies nous revient d’une façon ou d’une autre. Nous n’essayons pas d’imiter qui que ce soit ou de nous confiner à un genre particulier, mais tout ce que vous avez mentionné (et plus encore) nous a inspiré et peut être entendu à différents niveaux dans nos chansons. Je nous considère comme un groupe de rock et, personnellement, le punk m’a beaucoup transformée donc je sais que cela joue un grand rôle dans mon écriture et mon interprétation.

Quels artistes vous influencent actuellement ?

Il y a des influences qui marquent à vie : Otis Redding, Bruce Springsteen, les punks féministes des années 90 qui m’ont vraiment retournée, en particulier Heavens to Betsyet Bikini Kill et Bratmobile. Dernièrement, je me penche vraiment sur les auteurs que je respecte et j’apprends ce que je peux de leurs œuvres. Elliott Smith est l’un des meilleurs exemples que je connaisse ! Être un bon auteur requiert tellement de discipline. J’aime vraiment Chris McFarland (c’est un musicien, chanteur, auteur brillant qui vit à Brooklyn), Matthew Sweet (j’ai eu de supers flashbacks des années 90 dans le camion) et Big Star (un autre classique que j’ai négligé pendant un temps). Il vous faut avoir des chansons entières et une volonté de vous mettre à nu, il ne s’agit pas seulement d’avoir de grandes idées ou un bon titre. Je travaille toujours à m’améliorer.

Qu’est-ce qu’Allison Miller – la nouvelle recrue – a apporté à cet album ?

Et bien, en gros, Allison est une déesse de la batterie et l’on devrait tous se mettre à genoux devant elle ! Sérieusement, c’est un plus incroyable pour l’album et nous avons été très chanceux de l’avoir. Nous avons fait cette tournée avec un autre batteur incroyable, Fen Ikner, qui s’est donné à fond avec nous chaque nuit. J’adore la façon dont, de manière intuitive, il donne une énergie unique à chaque chanson et ajoute des détails chaque soir.

Comment vivez-vous le fait d’être en relation avec la communauté LGBT, en quoi cela est-il important pour vous ?

Beaucoup de nos chansons parlent du sentiment d’être différent, d’une façon ou d’une autre. Lorsque les gens répondent à l’affirmation et l’espoir que l’on essaye de leur offrir cela représente beaucoup pour nous et il y a beaucoup d’échos avec la communauté homosexuelle. Nous ferons toujours ce que nous pourrons pour que nos spectacles accueillent les homosexuels et pour soutenir l’organisation de la communauté homosexuelle. Cela fait partie de nos racines et je ne m’imagine pas perdre cette connexion, malgré l’évolution et les changements de nos fans.

Est-ce qu’avoir des membres du groupe out et/ou trans procure un autre contexte à la musique que vous créez et l’activisme que vous poursuivez ?

Vous savez, je crois que si vous arrivez à écrire honnêtement, alors les choses sur qui vous êtes et ce qui vous importe se révèlent d’elles-mêmes, bien que ce ne soit pas forcément de façon très explicite ou évidente. Je serais engagée dans l’égalité avec les trans qu’il y ait ou non des personnes trans dans le groupe, et je voudrais trouver des façons honnêtes de communiquer cela. Donc ça ne me semble pas être un « autre contexte », mais plutôt une partie intégrante du groupe, ce que nous sommes en tant qu’individus et ce en quoi nous croyons.

À votre avis quel genre d’impact ont les musiciens trans actuellement sur scène ? Est-ce plus facile d’être out et franc maintenant ? Ou y a-t-il beaucoup d’obstacles en terme d’identité de genre ?

Il y a vraiment plus de musiciens trans qui parlent publiquement du fait d’être un musicien trans qu’il y a dix ans. Cela aide sans aucun doute à changer la vision des musiciens et des fans sur le genre et ses pièges. Mais on est sans aucun doute très profondément ancré dans une conception binaire du genre, avec des idées de races très nettes et classées sur le genre et malheureusement je pense que ça va prendre longtemps avant que les enfants ne se sentent vraiment libres et ne fassent pas l’expérience de cette coercition massive sur le genre. Peu importe l’étendue qu’elle a, la représentation aide à voir davantage de personnes trans vivre leur vie, avec une diversité d’expériences et d’expressions des genres. Je suis contente que The Shondes en parle un peu et en représente une petite partie. Il me semble qu’il y a juste quelques années nous répondions à beaucoup plus de questions concentrées sur le genre des membres du groupe et cela fait partie du changement. Ce n’est pas si choquant que cela que quelqu’un soit transgenre. Malheureusement, tout ce changement a peu d’impact sur les personnes les plus touchées par la transphobie, qui est profondément ancrée dans les esprits et croisée avec le racisme et l’oppression économique.

Vous ne semblez jamais renier vos racines politiques et féministes non plus. Quelles sont vos préoccupations les plus importantes pour vous en ce moment ? Et de quelle manière cela impacte votre musique ?

Je ne peux même pas résumer ce qui m’importe le plus avec une liste de préoccupations, mais je peux dire que j’essaye de vivre ma vie avec une certaine dynamique, un ensemble de principes adaptables. Je crois que tout le monde devrait avoir le droit de se déterminer soi-même, de vivre une vie libre de toute oppression, de faire l’expérience de la beauté et de l’émerveillement. Et c’est comme ça que j’essaye de fonctionner. Je veux aider à créer un monde plus juste. Je veux vivre dans un monde plus juste.

J’ai beaucoup d’opinions politiques qui émergent de ça, comme par exemple, je ne pense pas qu’Israël a le droit de statuer sur les Juifs d’une façon qui prive systématiquement les Palestiniens de droits, qui les empêche de retourner chez eux, de voir la mer, d’avoir un système de santé (sans mentionner le fait de vivre simplement en paix et en sécurité).

Et je pense que notre pays, avec toutes ses richesses, devrait pouvoir fournir de la nourriture, un système de santé et l’éducation à tous ses habitants. Et tant que nous y sommes, nous devrions abolir le système de prisons industrielles, s’attaquer aux conséquences psychologiques et culturelles provoquées par des siècles de racisme (et vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que je rêve d’un modèle de justice transformé, post-capitaliste, quand je prends le métro).

C’est une sacrée surprise (dans le mauvais sens du terme) lorsque ceux qui ont le pouvoir et les ressources les refusent aux personnes dans le besoin, et exercent leur pouvoir pour élargir le fossé. Je ne pense pas que le capitalisme puisse jamais combler ce fossé, et je ne pense pas qu’un pouvoir capitaliste global comme les U.S.A. puisse jamais prendre le risque d’arrêter l’apartheid en Israël. Mais il y a de l’espoir, et les gens ont toujours trouvé des manières, plus ou mois efficaces, d’améliorer le monde. Il nous faut toujours essayer de repérer et de soutenir ces efforts, si ce n’est d’en faire partie ! Il y avait des communautés inspirantes dans chaque ville et village où j’ai été.

Ce sont des sujets qui se retrouvent évidemment dans les titres ; avec le système qui évolue, avec les changements politiques qui surviennent. Avec toutes ces idées qui vous motivent en tant qu’auteure et en tant que personne, à quoi The Garden se réfère exactement ?

The Garden est un paysage accessible métaphoriquement pour penser aux pertes que l’on subit et au fait de grandir. C’est quelque chose de bien développé avec différentes connotations selon les personnes ; elles sont toutes acceptées ! Me concernant, mon jardin secret a été très formateur et cela me fait penser à tous les choix que l’on fait pour se protéger au fur et à mesure où l’on perd nos illusions et où l’on s’endurcit. Cela me fait penser qu’il faut préserver et retrouver des parties de nous-mêmes fragiles et précieuses.

Il y a sur l’album des accords intéressants et qui ne délaissent pas votre passé de riot grrrl. Comment arrivez-vous à trouver un équilibre musical ?

Ce qui était génial pour moi avec la musique riot grrrl, à cette époque, c’était le fait de créer de nouveaux chemins et modes d’expression qui n’existaient pas. Et c’est incroyablement intéressant. Et c’est également ce que nous essayons de faire à notre façon : apporter un ensemble d’influences variées mais surtout permettre à la musique d’être guidée par la profondeur ; l’honnêteté doit exprimer des sentiments. Parfois il est nécessaire d’avoir des accords doux, parfois, il faut crier. Il nous faut dépasser ces vieilles idées sur le genre et l’art qui codifient constamment l’esthétisme et classent tout avec une échelle de supériorité. J’aime la musique qui me fait sentir et me garde connectée.

Quel message espérez-vous envoyer avec votre musique et cet album en particulier ?

Je veux juste partager la peur et le désir des connexions et collaborations respectueuses et significatives. J’aimerais transmettre de l’espoir et le fait d’être capable, encourager la vulnérabilité et le courage. Je veux détruire cette peur que se préoccuper des choses, des autres personnes et de vous est « pas cool ». C’est carrément cool de se préoccuper des autres et d’essayer et de faire des erreurs et d’aimer. Je suis trop vieille pour me sentir gênée par tout ça ; au diable l’ironie des mecs branchés !

Interview originale sur le site Afterellen.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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