Summer : Interview de la scénariste et réalisatrice, Alanté Kavaïté

Alanté Kavaïté - Summer

Interview accordée à Becca Rose le 19 janvier 2015 pour le site Indiewire.com

Née en Lituanie, Alanté Kavaïté a étudié aux Beaux Arts d’Avignon et de Paris où elle s’est spécialisée dans la photographie et la vidéo. Son premier long-métrage Écoute le Temps (Fissures) est sorti en 2007 (support de presse).

Son dernier film, Summer, fera sa première au festival de films de Sundance le 22 janvier 2015.

S’il vous plait, décrivez-nous votre film.

Sangaile, 17 ans, est fascinée par la voltige aérienne. Elle rencontre une fille de son âge lors d’un spectacle aéronautique, un été, près de la villa en bord de lac de ses parents. Sangaile autorise Auste à découvrir son secret le plus intime et trouve en la personne de son amour d’ado la seule personne qui l’encourage réellement à voler.

Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire cette histoire ?

Il y a quelques années, j’ai organisé plusieurs ateliers pour adolescents. J’ai beaucoup aimé travailler avec eux et par-dessus tout, j’ai aimé filmer avec eux. À 17 ans, au passage à l’âge adulte, tout semble possible. J’ai été grandement inspirée par l’ouverture d’esprit et la façon dont les adolescents profitent à fond des choses et s’expriment. J’ai été captivée par leur spontanéité, liberté et ingéniosité.

Cette expérience m’a ramenée aux souvenirs de mon adolescence. Lorsque j’avais 17 ans, comme la plupart des adolescents, j’étais pressée de faire des choix tout en étant à la fois remplie de doutes et de peur. J’ai écrit Summer avec comme fil directeur l’idée qu’il suffit parfois d’une rencontre fortuite avec quelqu’un qui vous aide à vous voir sous un autre jour et à surmonter certaines difficultés. Je voulais que ce quelqu’un gentil et attentionné soit une fille du même âge que Sangaile, mais avec une personnalité diamétralement opposée à la sienne pour faire ressortir ses défauts et contradictions.

Concernant l’écriture, j’avais envisagé un film gai et léger même s’il s’adressait aux adolescents perturbés et autodestructeurs. En parlant d’adolescence, je voulais faire un film très musical et avec une histoire d’amour qui aurait une dimension sensorielle, sensuelle et un fort impact émotionnel. Mettre de côté la question du genre tout en mettant en avant la symétrie des corps semblait indispensable pour réussir à se concentrer sur les êtres humains qui sont au cœur de l’histoire.

J’ai passé mon adolescence en Lituanie, un pays qui a une relation particulière, presque obsessionnelle, avec l’aviation. Tous les étés, comme tout le monde, j’allais à beaucoup de spectacles aéronautiques. J’ai eu l’impression que ce passe-temps populaire en Lituanie serait la métaphore parfaite pour Sangaile. La voltige en tant que sport extrême requiert une vraie maitrise de soi et c’est justement ce dont Sangaile semble manquer le plus. Elle doit se battre pour réussir à se libérer et atteindre son rêve.

Enfin, le film montre – d’une manière visuelle et allusive pour rester dans une vision des choses adolescente – le fossé qui existe entre la jeunesse lituanienne née dans un pays démocratique, et les parents élevés sous un régime totalitaire. Sans aucun vrai point de référence, cette [nouvelle génération] doit trouver ses propres réponses aux questions que pose le monde d’aujourd’hui. Mais je suis optimiste pour cette génération.

Quel a été la plus grosse difficulté à surmonter pour réaliser ce film ?

Ma plus grande inquiétude était de trouver les actrices parfaites, mais nous avons eu de la chance et avons trouvé Julija [Steponaityte] et Aisté [Dirziute] très rapidement. Cependant, ma plus grosse difficulté a été de filmer les avions de voltige avec un emploi du temps serré et un budget restreint.

Que voulez-vous que les gens retiennent en sortant du cinéma ?

Je veux que mon public quitte le cinéma avec des émotions positives suite à ce voyage sensoriel dans le monde précieux et fragile de la beauté adolescente. Et aussi avec l’idée que les difficultés que nous devons surpasser nous révèlent.

Quel conseil donneriez-vous à d’autres femmes réalisatrices ?

Je ne me considère pas vraiment comme « femme réalisatrice » et je ne veux pas non plus le faire pour d’autres femmes. Les réalisatrices sont juste des réalisateurs comme les autres.

Quelle est la fausse idée la plus répandue que l’on se fait à votre sujet et au sujet de votre travail ?

La fausse idée la plus répandue concerne sûrement celle de mon pays de naissance, la Lituanie, à cause du manque de connaissance sur ce pays, mais aussi sûrement à cause du lobbying contre la construction européenne. Il y a une grande différence entre ce que j’entends dans les médias français, par exemple, et ce que je connais vraiment de ce pays et de ces habitants.

Concernant mon travail, mon premier film Écoute le Temps (Fissures), a été vendu par les distributeurs comme un thriller parce qu’ils pensaient que ça se vendrait plus facilement. Mais c’était sans nul doute une erreur puisque ces spectateurs-là n’ont pas mordu à l’hameçon et que l’on a ainsi désintéressé le public potentiellement visé, celui que je rencontre dans les festivals et dans diverses conférences de presse et qui semble apprécier ce genre de film d’art et d’essai mélangeant les genres.

Comment avez-vous réussi à financer votre film ? Partagez-nous votre vision des choses sur la façon dont vous avez réussi à réaliser ce film.

C’est sûr que nous n’avions pas notre propre studio et le cinéma européen ne compte pas encore beaucoup sur le crowdfunding. On l’a donc principalement financé grâce aux systèmes de soutien nationaux et européens, puisque le film se présente comme une production lituanienne, française et hollandaise.

Plus spécifiquement, Summer a été développé en France, où je vis, avec le soutien du programme MEDIA de l’Union Européenne. Concernant la Lituanie, les fonds sont en grande partie venus du Centre lituanien de la cinématographie. Et nous avons alors pu postuler au financement Eurimages. Nous avons aussi reçu de l’argent de la Sofica Cofinova (une sorte de niche fiscale française) grâce à la maison de production Films Distribution. Nous avons également obtenu des financements de la Netherlands Film Fund. Et puis, le reste vient surtout des fonds propres de mon producteur français et de quelques reports de paies, y compris la mienne.

Interview Originale sur le site Indiewire.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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