The New Black : Interview de la directrice Yoruba Richen

Yoruba Richen - The New Black

Interview accordée à Shontel Horne pour le site Loop21.com

Yoruba Richen n’a pas peur de pousser le bouchon. Le dernier documentaire The New Black de cette talentueuse réalisatrice, qui a été diffusé pour la première fois au Festival de film de Los Angeles, est, pour le moins qu’on puisse dire, une œuvre audacieuse, explorant les relations explosives entre la communauté LGBTQ et les afro-américains avec calme, patience et éloquence.

Filmé sur une période de trois ans, le film, originaire de New-York, est quasiment raconté au présent. Il suit à la fois les défenseurs et les opposants au mariage gay lors de la bataille du Maryland. Loop21 a rencontré Yoruba pour en apprendre davantage sur ce film provocateur et pour avoir son point de vue sur ce sujet qui divise.

Comment avez-vous su que The New Black était le film que vous vouliez réaliser ?

C’était le soir de l’élection de 2008, lorsque Barack Obama a gagné et que la Proposition 8 a été acceptée. Quasiment le jour d’après, on jugeait les afro-américains coupables, ou on les remerciait selon le camp dans lequel vous vous situez, de l’acceptation de la Proposition. Je me suis intéressée au fait que les personnes noires étaient ainsi positionnées et opposées à la communauté gay. J’avais aussi le sentiment, à l’époque, que ce serait un problème qui reviendrait sur le devant de la scène politique.

Quel a été votre plus gros problème lors de la production et comment avez-vous réussi à le surpasser ?

L’argent est toujours un problème parce qu’on n’en a jamais assez et on ne l’a jamais à temps. Nous avons été suffisamment chanceux pour avoir le soutien de fondations telles que Sundance, Tribeca, All Access, Ford Foundation, Chicken and Egg Pictures et PBS. Je suis très reconnaissante de ce soutien.

Avez-vous rencontré des problèmes au regard du sujet du film ?

Un des plus gros défis structuraux a été de savoir comment raconter l’histoire. Quand bien même je suivais l’histoire du Maryland, je savais depuis le début qu’il ne s’agissait pas seulement du mariage. Il s’agit de l’Histoire. Cela concernait l’église noire, la façon dont les droits chrétiens ont joué un rôle là-dedans. Je voulais que tout cela fasse partie de l’histoire. Toutes ces dynamiques étaient importantes pour comprendre la façon dont cette question était interprétée par la communauté noire.

Bien que le sujet du film soit sérieux, le film est naturellement drôle. Comment avez-vous réussi à trouver l’équilibre entre la comédie et le drame ?

Nos personnages sont très dynamiques et en tant que communauté nous pouvons être très marrants. Même avec des questions aussi sérieuses, l’humour nous a aidés de nombreuses fois en période de lutte. Je pense que cela s’est instauré naturellement dans le film. Une partie de l’humour vient du fait que nous nous identifions aux personnes dans le film, nous identifions les membres de notre famille, nous identifions les conversations que nous avons dans nos communautés.

Pensez-vous qu’il soit possible de faire un lien entre les personnes ayant combattu pour les droits civiques et celles se battant encore pour les droits LGBT ?

Je pense que c’est déjà le cas. Je l’ai vu dans le Maryland, sur le terrain. Le plus beau c’est de les voir montrer le chemin. Ce sont de jeunes gens qui travaillent là-dessus et qui pensent que l’égalité face au mariage et les droits LGBT sont un chemin que devrait emprunter l’Amérique : se battre pour que les groupes ayant moins de droits que les autres en aient plus. C’est pourquoi je pense que cette histoire concerne toute l’Amérique et pas seulement les homosexuels et les noirs.

Quelles sont vos inspirations en matière de livres, films et musiques ?

Un livre que j’ai lu récemment et que j’ai trouvé très inspirant est La chaleur d’autres soleils. L’histoire épique de la Grande Migration américaine. J’adore découvrir des histoires qui n’ont pas été racontées, ou qui sont racontées d’une façon nouvelle et avec un sens plus profond. J’essaye de faire cela dans mes films.

Quels sont les nouveaux réalisateurs émergents qui vous intéressent ?

Ryan Coogler qui a réalisé Fruitvale Station est tellement excitant. Tout comme Ava DuVernay. Il y a quelques films de Christine Turner également, Homegoings est un film magnifique que je trouve cinématographiquement inspirant. American Revolutionary de Grace Lee est un bel hommage à l’activiste et philosophe de Détroit, Grace Lee Boggs. Je suis excitée de voir ce que nous faisons en tant que communauté et la façon dont nous nous soutenons mutuellement.

Quels autres problèmes voulez-vous traiter à travers les films ?

Je suis intéressée par les histoires provenant de notre tradition musicale. Je trouve qu’il y a tellement de richesses là-dedans qui n’ont pas encore été exploitées dans les films. Notre système carcéral est l’un des plus gros défis qui se présente à nous. L’embourgeoisement qui affecte notre communauté est un autre sujet actuel. On parle de cet embourgeoisement mais on ne le montre pas systématiquement. Il serait intéressant de faire un bon film là-dessus, ou peut-être qu’il faudrait une série de courts films pour traiter de ce problème. Je pense qu’il y a la place pour beaucoup d’humour ici aussi. Je vis à Brooklyn et j’ai grandi à Harlem, donc je suis très au courant de cette embourgeoisement. Il y a beaucoup d’histoires qui peuvent être racontées à partir de l’embourgeoisement.

Qu’est-ce que les jeunes gens, tout particulièrement les afro-américains, devraient savoir avant de se lancer dans l’industrie du cinéma ?

Toujours savoir comment vous allez pouvoir subvenir à vos besoins. Réaliser n’est pas le moyen le plus facile pour gagner de l’argent. Je dirais aussi qu’il ne faut pas avoir peur de prendre des risques, c’est un terrain dangereux mais c’est vraiment la seule et unique façon de voir votre passion et vos envies se réaliser. Apprenez votre métier et sachez vraiment ce que vous voulez raconter et parlez-en aux gens, parce qu’à la fin, vous montrez votre travail aux gens et vous voulez que cela leur parle, donc n’ayez pas peur. Plus vous serez ouvert, plus les idées et le soutien viendront à vous.

Interview Originale sur le site Loop21.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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