L’adaptation du roman de Sarah Waters

Article lié à la série Tipping The Velvet

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Cette minisérie initiée par la chaîne anglaise BBC se compose de trois épisodes. Il s’agit de l’adaptation brillante du célèbre roman de Sarah Waters, Tipping The Velvet (Caresser le Velours en français). Plébiscitée par le public et les critiques, cette série est l’un des records d’audience de la BBC pour l’année 2002, avec plus de 5 millions de téléspectateurs.

À la base, Tipping The Velvet est un roman de Sarah Waters qui retrace le parcours initiatique, difficile et semé d’embûches de Nancy Astley, une jeune vendeuse d’huître dans le port du Kent, qui découvre l’amour auprès d’une femme et abandonne tout pour vivre avec elle. L’histoire se déroule dans l’Angleterre victorienne du XIXe siècle et débute en 1890. Le livre s’attache à présenter un tourbillon d’émotions, une débauche de parfums, de mélodies, de costumes dans le monde du spectacle. Cette histoire érotique lesbienne a fait de Sarah Waters une égérie lesbienne au même titre qu’Armistead Maupin, l’auteur des Chroniques de San Francisco. La série respecte avec fidélité le livre même si quelques aménagements ont été nécessaires pour en faire trois épisodes télévisés. Une adaptation réussie en somme.

Durant l’épisode 1, Nancy Astley (Rachael Stirling) se présente. Cette jeune femme, vendeuse d’huîtres travaillant dans le restaurant familial, vit dans le Kent, à Whistable, avec ses parents, sa sœur et son frère.

NAN  : Connaissez-vous Whistable et ses échoppes à huîtres ? Mon père en tenait une. C’est là que je suis née. Voici ma sœur, Alice. Une brave fille. C’était ma meilleure amie autant que ma grande sœur. Voici mon père. Mais il ne s’agit pas de lui. Ni d’Alice, ni de mon frère Davy, ni de ma mère. Il s’agit de moi, Nan Astley. Je n’étais rien à l’époque. J’avais à peine 18 ans et ma vie ne faisait que commencer. Mais en ouvrant une huître on découvre tout un monde secret, et ce fut la même chose pour moi.

 Alors qu’elle était destinée à un avenir simple et sans histoire, Nan rencontre Kitty Butler (Keeley Hawes), une actrice de cabaret qui se travestit en homme. La jeune femme se rend alors au Music Hall tous les soirs pour voir Kitty faire son show. Nan réalise bientôt qu’elle est amoureuse de cette dernière. Alors, lorsque que celle-ci lui propose de devenir son habilleuse et de la suivre à Londres, Nan accepte. Bientôt, Nan se joint à Kitty sur scène et participe à son spectacle. Leur duo est un véritable triomphe.

Un jour, après une soirée bien arrosée, Kitty et Nan s’embrassent et font l’amour. Au petit matin, Nan est la plus heureuse des femmes mais Kitty a une toute autre attitude. Elle ne regrette rien mais ne tient pas à en parler et demande à Nan de garder cela secret. Elle refuse que quiconque sache.

KITTY  : J’ai trop bu hier soir.
NAN  : Comme moi. Mais ne reviens pas sur ce qu’on a dit ou fait, ça me tuerait !
KITTY  : Non. Mais ça doit rester un secret. Notre secret.

 Tout va pour le mieux. Nan est devenue une artiste de cabaret qui commence à être connue et elle est amoureuse d’une femme qui l’aime aussi. Heureuse, elle décide de rentrer à Whistable mais ce retour à la maison ne se déroule pas comme elle l’aurait souhaité. Nan s’y rend seule car Kitty a des rendez-vous à Londres qu’elle ne peut reporter. Elle se sent exclue et rejetée parce qu’elle a réussi. Nan rentre donc plus tôt que prévu à Londres et découvre Kitty dans les bras de Walter (John Bowe), leur producteur. Elle est bouleversée de découvrir que Walter et Kitty ont fait l’amour.

KITTY  : On ne pouvait pas continuer.
NAN  : C’est comme si vous m’aviez tuée, tous les deux.
WALTER  : Allons, ressaisis-toi. C’est certes un choc mais ta réaction est démesurée !
NAN  : Démesurée ? Tu n’étais pas au courant ? Elle ne t’a rien dit ?
WALTER  : Vous étiez assez intimes.
NAN  : Assez pour quoi ? Pour se tenir la main ? Elle ne t’a pas dit qu’on baisait ?
WALTER  : Je n’apprécie pas ce langage. Et je n’utiliserais pas ce mot pour deux filles. Il faut un homme pour faire ça, tu sais. Non, Kitty ?
NAN  : Adieu.

 Durant l’épisode 2, Nan qui a pris la fuite, erre seule dans les rues de Londres, désespérée et en pleurs. Anéantie, elle sait qu’elle ne peut rentrer chez ses parents qui ignorent tout de sa liaison avec Kitty. Nan, pour survivre, en vient alors à se prostituer. Elle se déguise en jeune garçon grâce à ses costumes qu’elle a gardés et fait le trottoir.

NAN  : Au lieu d’avoir honte, j’étais seulement surprise et ravie d’avoir gagné en deux minutes de quoi vivre pendant deux semaines. C’est ainsi que débuta ma carrière de prostituée que je ne trouvais pas si éloignée de la comédie. Ce n’était pas Nan Astley qui recevait ce foutre dans la bouche, ou dans la main, mais Tommy Atkins ou Eaton Bertie, Able Seaman Simms ou Bobby Brown, de Bermondsey.

 Sa carrière de prostituée dure et se prolonge. Mais bientôt, Diana (Anna Chancellor), une femme riche, possessive et perverse la sort de la rue et lui propose une vie de débauche et de luxure. Nan devient l’amante et l’esclave de Diana. Elle découvre le plaisir et la dépendance.

Mais durant l’épisode 3, Nan finit par se rebeller et s’oppose à Diana, qui maltraite l’une de ses domestiques. Diana jette Nan dehors. Après avoir tout perdu, Nan ne sait vers qui se tourner et se rappelle de Florence Banner (Jodhi May), une jeune femme qu’elle avait rencontrée à l’époque où elle se prostituait et qui lui avait semblé très généreuse. Nan se rend donc au domicile de celle-ci.

Florence l’accueille et accepte de l’héberger provisoirement. Mais Nan se rendant indispensable, ce qui au départ n’était que provisoire s’avère finalement définitif. Nan finit par avouer la vérité à Florence concernant leur rendez-vous au cours duquel elle avait disparu sans raison et son état lorsqu’elle est arrivée chez elle. Florence et Nan deviennent finalement amantes.

NAN  : Je voulais te dire… Je suis désolée de t’avoir quittée comme ça.
FLORENCE  : Ça m’a blessée à l’époque.
NAN  : Tu voulais absolument que je te dise ce que je faisais mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas mentir non plus, alors j’ai renoncé à toi.
FLORENCE  : Mentir sur quoi ?
NAN  : Je ne vivais pas avec un homme mais avec une femme. Elle m’a trouvée dans la rue et m’a emmenée chez elle. Que faisais-je dans la rue ? Je me vendais aux hommes, déguisée en garçon.
FLORENCE  : Quand tu dis que tu vivais avec cette femme, tu étais.
NAN  : Son amante ? Son esclave, plutôt. Elle me gâtait mais je n’étais qu’une putain captive.
FLORENCE  : Tu n’as jamais été heureuse ?
NAN  : Oh, si. Quand j’étais amoureuse. Elle s’appelait Kitty. C’était mon premier amour et elle m’a brisé le cœur. Et je suis heureuse depuis que je suis ici. Très heureuse sauf que je n’ai pas pu te dire la vérité. Maintenant, c’est fait. Tu vas me demander de partir.
FLORENCE  : Non. Je voudrais te dire quelque chose. Le soir où tu m’as quittée, j’ai rencontré une fille à la conférence. Elle s’appelait Lilian. Je voulais absolument faire sa connaissance. À la fin, je suis allée la voir et nous avons discuté. Tout est parti de là. C’était comme si elle comprenait toutes mes pensées. Je n’avais jamais ressenti ça pour personne. Je…
NAN  : Tu l’aimais.
FLORENCE  : Oui. Et elle aussi mais pas de la même façon. Elle avait un ami qui voulait l’épouser mais elle refusait d’être sa propriété, même si elle l’aimait. Quand elle est tombée enceinte, il l’a abandonnée et elle est venue chez nous. Ce furent les mois les plus heureux de ma vie.
NAN  : Et puis ?
FLORENCE  : Elle est morte. Elle est morte en couches.

Puis Nan revoit Kitty et fait un choix qui changera son existence à jamais. Elle choisit l’amour en la personne de Florence. Florence, qu’elle présente à sa famille à la fin de la série puisqu’elle est enfin libre et qu’elle vit sa liaison au grand jour sans se cacher.

NAN  : Alors on y va ? Tu te sens d’attaque ? Prête à rencontrer ma famille ?
FLORENCE  : Si tu es prête.

Tipping The Velvet possède des décors et des costumes fantastiques qui nous replongent avec délice dans l’Angleterre victorienne. La débauche de couleurs, les différents tons et matières qui s’affrontent et se complètent, donnent toute son atmosphère à la série. Une atmosphère empreinte de poésie, de musique et de volupté.

Les actrices sont incroyables en travesties, en chanteuses et danseuses de music-hall. Elles sont tout à fait crédibles et les répétitions de Nan et Kitty sont un pur délice. Les hésitations, les défauts de Nan, sa prise d’assurance et la maîtrise des gestes et des pas qu’elle fait siens sont tout simplement magnifiques. On peut cependant regretter que lorsqu’elles présentent leurs numéros sur scène, on ait du mal à imaginer la véritable atmosphère d’un music-hall.

Deux aspects majeurs du livre ont cependant été un peu trop ignorés à mon sens. Tout d’abord, lorsque Nan porte pour la première fois des vêtements masculins, il est dit dans le livre « Trop vrai. Elle ressemble à un garçon. C’est le but, je sais, mais on la prendrait pour un vrai garçon, si tu vois ce que je veux dire. Sa figure, sa ligne, sa façon de se tenir. Et ce n’est pas ça qu’on veut, n’est-ce pas ? »

Dans le livre, Nan a un côté masculin qui est totalement ignoré dans la série. Dans celle-ci, même habillée en homme, l’actrice Rachael Stirling irradie une telle féminité qu’il est difficile de se tromper. Et c’est comme si cet aspect avait voulu être souligné par le maquillage de la jeune femme qui au lieu d’atténuer sa beauté ne fait que la souligner.

Rachael Stirling est très loin d’être comme le souligne la Nance du livre, « travestie non plus simplement en homme mais, pour compliquer à souhait la situation, en l’homme que j’aurais pu être si j’avais été plus femme ». Vraiment dommage que cet aspect ait été occulté. La série aurait-elle souffert d’une baisse d’audience si Nance avait été plus masculine, si elle avait eu l’air d’une « butch » ? Possible. Seulement nous ne le saurons jamais puisque cela n’a pas été tenté.

Ensuite, ce qui est à mon sens le plus important dans le livre et qui a été totalement ignoré dans la série c’est l’homophobie. L’homophobie intériorisée de Kitty qui demande à Nan de ne rien dire à leur sujet, qui lui demande de se cacher et qui refuse d’avouer que leur liaison à une quelconque importance. Cette homophobie, cette peur d’être jugée à une époque où les conventions sont plus fortes que tout, amènent Kitty à rompre avec Nan pour vivre une vie « normale » auprès d’un homme, en l’occurrence Walter. Cette réalité du livre est ignorée dans la série.

Dans le livre, Nan souffre également de cette homophobie qu’elle a intériorisée. Elle a peur que Frank, le frère de Florence, apprenne qu’elles sont amantes. Elle veut taire leur relation parce que Kitty lui a enseigné la peur et la honte. Florence lui apprendra la fierté et le bonheur mais ce sera long. La fin de la série est trop rapide et occulte cet aspect. C’est vraiment dommage parce qu’il fait toute la richesse et la complexité du livre.

Il n’empêche que cette série est une adaptation réussie qui parle d’amour avec beauté et sensualité. Tipping The Velvet est un hymne à la liberté, une série à la gloire de l’indépendance et de l’affirmation de soi. À ne surtout pas rater.

N’hésitez pas pour autant à lire le livre, un livre magnifique qui véhicule un message de fierté, d’affirmation de soi et de tolérance. Florence ne dit-elle pas à Nan lorsque celle-ci propose de faire comme si rien n’avait changé entre elles après qu’elles aient fait l’amour : « Faire semblant ? Jouer la comédie, chez moi ? Si Frank n’apprécie pas mon style de vie, il n’a qu’à ne plus revenir. Lui et tout le monde qui pense comme lui. Tu ne voudrais tout de même pas que les gens pensent que nous avons honte ? »

Et puis ce qui est génial lorsqu’on lit un livre c’est que notre propre imagination prend le relais des mots et permet de créer le visage que l’on souhaite au héros ou à l’héroïne et de prolonger une scène comme nous le désirons.

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A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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