interview de Laura Innes, l’interprète de Kerry Weaver

Interview liée à la série Urgences

Laura Innes

Interview accordée à Alain Carrazé pour le Magazine de la Culture Série - Episode 1 - Octobre 2002

LAURA INNES AUX COMMANDES DES URGENCES

Il y a encore quelques années, Laura Innes était pratiquement inconnue du grand public. Des petits rôles au théâtre, puis au cinéma et à la télévision (Angela 15 ans, La vie à cinq.), le personnage de Bunny Mather dans la série Wings (de 91 à 93). on lui propose alors de participer à quelques épisodes de la deuxième saison d’une série qui cartonne déjà : Urgences.

Accompagnée de son mari, David Brisbin, lors d’un récent passage à Paris, elle s’étonne que nous ne le connaissions pas. Et d’un sourire malicieux nous révèle qu’il interprète le rôle du Dr Alexander Babcock, chirurgien toujours vêtu d’un masque lui recouvrant presque entièrement le visage ! Aux détours d’anecdotes amusantes, elle nous parle de son arrivée aux « Urgences », l’évolution de son personnage et son expérience de réalisatrice.

Comment s’est déroulée votre arrivée dans Urgences ?

Quand j’ai été appelée pour auditionner dans Urgences lors de la deuxième saison, j’étais très excitée. J’étais une fan de la série qui était déjà un énorme succès. Lorsque vous avez l’opportunité de travailler sur quelque chose d’aussi important, c’est très enthousiasmant. Je devais interpréter le docteur Weaver pour six épisodes et je ne m’attendais pas à aller au-delà. Cela m’a ôté toute pression et j’avais une certaine liberté pour interpréter ce personnage. Puis 6 sont devenus 10, puis toute une année et, enfin, on m’a proposé de devenir un personnage régulier de la série. J’ai réussi en partie parce que je n’attendais rien au départ de ma participation à la série.

Avant cela, quel a été votre parcours ?

J’ai commencé par faire du théâtre à Chicago puis à New York pendant dix ans où j’ai aussi eu quelques rôles dans des films et des téléfilms. Quand mon fils est né, on s’est rendu à Los Angeles. J’ai fait une petite pause pour m’occuper de lui puis j’ai repris en travaillant surtout pour la télévision, dans des sitcoms notamment. Puis tout s’est accéléré.

Vous vous êtes retrouvez dans la série numéro 1.

Il y a eu comme une connexion dès le début avec la série, ce qui n’arrive pas souvent. De plus, Urgences est une série exceptionnelle en terme de qualité et de notoriété. Je n’étais pas très connue et ce rôle a été une belle percée pour moi.

Au début, vous étiez considérée comme « la reine des méchantes ».

Je pense qu’à mon arrivée dans Urgences, mon personnage servait à créer des conflits et à donner une voix un peu plus agressive à la série. C’était une bonne chose car tous les autres personnages étaient plutôt gentils. La série en avait besoin mais si vous voulez conserver un personnage longtemps il faut le laisser évoluer et montrer plusieurs facettes de sa personnalité. Je me souviens d’un épisode dans lequel je m’occupe d’un enfant sourd. Il y avait une certaine ouverture de mon personnage et peu à peu il a évolué. L’histoire avec Gloria Reuben (Jeanie Boulet) quand elle devient séropositive a aussi rendu mon personnage plus humain. Il était plus attentif, avait plus de compassion. Weaver est sortie de son carcan. Les scénaristes lui ont toujours permis d’évoluer et c’est ce qui m’a plu chez elle. Weaver n’est pas une sentimentale ou une émotive mais elle a vraiment quelque chose de spécial. J’ai vraiment apprécié comment ils l’ont fait évoluer, progressivement.

Vous donne-t-on des conseils techniques médicaux ?

Nous avons des médecins sur la série qui nous fournissent de nombreuses informations. Plus nous en connaissons, plus nous sommes à même de réaliser nous même les procédures. Nous sommes vraiment dépendants des conseils médicaux qui sont de plus en plus techniques.

Pour vous, Urgences est-elle une série médicale ou une série sur les personnages ?

La série passe par plusieurs phases. Elle peut être plus médicale ou plus personnelle. Je pense que les histoires personnelles fonctionnent mieux quand elles ont une certaine connexion avec l’hôpital. Les épisodes qui s’éloignent trop du milieu médical ne marchent pas aussi bien. On a été capable de faire interagir ces deux éléments et de trouver le bon équilibre. Je pense que la série fonctionne très bien comme ça. Le public veut connaître la vie privée des personnages, et c’est bien, mais si ça devient trop exclusif, la série devient trop molle. Ces dernières saisons, nous avons particulièrement bien respecté cet équilibre. Certaines années sont meilleures que d’autres.

Comment avez-vous réagi quand on vous a parlé de la relation homosexuelle entre Weaver et le docteur Legaspi ?

Les scénaristes m’ont appelée pour une réunion où ils m’ont parlé de cette orientation. Ma première réaction a été de rire. J’ai trouvé cela très intriguant, cela sortait des sentiers battus. Plus j’y pensais, plus je trouvais ça intéressant. Cela permet au personnage de Weaver de sortir de son image de travailleuse qui contrôle tout autour d’elle. J’ai pensé que c’était une bonne idée et aussi une bonne histoire pour la série. Cela a eu des répercussions sur le caractère du personnage, sur ses ambitions, son rôle dans l’hôpital. Il y a de nombreuses ramifications sociales et politiques qui rendent cette histoire intéressante. Je suis pour tout ce qui va dans le sens de la tolérance et de l’information.

Il y a quelques années une telle relation aurait été impensable.

Les choses ont vraiment changé ces 5 dernières années. Ce que nous faisons maintenant n’a jamais été fait auparavant. Voir un des personnages principaux d’une série dramatique si populaire être développé de cette façon, c’est très surprenant. Et je pense que nous l’avons fait intelligemment.

C’était audacieux et pourtant il y a eu très peu de retour négatif de la part des spectateurs.

C’est justement la réaction du public qui montre combien les choses ont changé. Mais pour être honnête, je pense que c’est aussi la façon dont nous avons introduit cette relation qui a permis d’éviter de mauvaises réactions. Ca s’est fait en douceur, petit à petit. Le public a su comprendre Weaver et s’identifier à elle.

Des sites Internet se sont créés un peu partout dans le monde pour discuter de la relation Weaver avec le docteur Legaspi. Cette intrigue a vraiment marqué le public.

Les spectateurs ne se sont pas arrêtés à la symbolique de la relation, ils se sont aussi attachés à l’intrigue. C’était une histoire très intéressante et très dramatique, et tout le monde voulait savoir ce qui se passerait les semaines suivantes. Quand vous faites une série télé, vous voulez que le public revienne la semaine d’après pour connaître la suite de l’histoire. C’est exactement ce qui s’est passé.

Avec Urgences, vous vous êtes lancé dans la réalisation. Vous avez aussi réalisé des épisodes de The West Wing (A la maison Blanche).

J’ai toujours été très intéressée par l’idée de réaliser. Un jour, les producteurs m’ont proposé de tenter ma chance. Je n’avais jamais fait ça et ils m’ont dit que je n’avais qu’à observer. Ils ont cru en moi et m’ont énormément soutenue. Power, le premier épisode que j’ai réalisé était un épisode difficile avec beaucoup de d’action et des éléments très compliqués à mettre en place. L’avantage avec Urgences et The West Wing, c’est que ça va très vite. Quand vous avez commencé, vous n’avez plus vraiment le temps d’avoir peur car il y a beaucoup à faire tous les jours. Mais la semaine précédente et encore plus la veille du tournage, j’étais terrifiée. Vous avez ces centaines de personnes autour de vous qui vous regardent en attendant que vous leur disiez quoi faire. Vous essayez constamment de résoudre des problèmes techniques et personnels. C’est le travail le plus exigeant et le plus fatiguant que je n’ai jamais eu à faire.

Dans Urgences vous étiez en terrain connu mais pour The West Wing cela a dû être plus difficile ?

D’un côté oui car The West Wing est une série différente et il m’a fallu m’y habituer. Mais il y a également de nombreuses similitudes. Esthétiquement les deux séries sont assez proches. Dans The West Wing on utilise aussi beaucoup de « steadycam » et de caméras mobiles. Je connaissais également très bien Aaron Sorkin qui a écrit la plupart des épisodes de The West Wing. J’étais familière avec son style d’écriture, son rythme et sa cadence. Ca n’a donc pas été aussi difficile que je l’aurais imaginé. Et puis le cast de The West Wing est fantastique. Sur bien des aspects, c’était plus facile pour moi de travailler sur cette série car je portais seulement la casquette de réalisatrice. Sur Urgences, j’étais à la fois la patronne et la camarade. Sur The West Wing la relation était plus saine. Mais dans l’une comme dans l’autre je me suis beaucoup amusée et j’espère continuer à réaliser dans le futur.

image kerry weaver interview 2

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A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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