Downtown a écrit :AMHA Ce n'est pas parce qu'on se ment à soi même qu'on doit entrainer les autres dans sa chute.
Doit-on abandonner la personne que l'on aime au premier signe inhabituel que l'on perçoit chez elle ? Tout le monde ne réagit pas de la même façon. Certain(e)s n'ont pas envie de faire cet effort, parce qu'ils estiment que l'autre personne n'en vaut pas suffisamment la peine (parfois à juste titre), d'autres auront assez de force, de patience et de courage pour le faire parce qu'ils penseront que l'autre vaut la peine de faire cet effort (parfois à juste titre). Ce n'est pas toujours si simple.
Dans le cas d'Harper, on peut considérer qu'elle avait besoin de temps pour mûrir et rassembler suffisamment de courage pour oser exister, pour certaines personnes ça se passe vraiment comme ça. Je pense que dans le cas d'Harper, ce n'est pas tant une question de courage mais de peur. Le personnage de Riley est justement là pour illustrer cette comparaison : quand Harper était plus jeune, elle avait trop peur et a été jusqu'à accuser Riley (c'est totalement dégueulasse, je suis d'accord).
Avec Abby, c'était différent. La peur était toujours présente, puisqu'Harper a d'abord eu le réflexe de mentir, comme avec Riley. Mais ensuite, la peur de perdre Abby a surpassé celle du coming-out. C'est ce qui a poussé Harper à parler. Donc je pense que la question "Jusqu'où peut-on aller pour la personne que l'on aime ?" s'applique vraiment aux deux personnages, Harper et Abby. Abby était prête à pardonner parce qu'elle a compris qu'Harper était empêtrée dans sa vie de secrets et de mensonges, mais qu'elle voulait s'en sortir. C'est juste qu'elle ne savait pas comment le faire seule. Quant à Harper, elle a fini par faire son coming-out parce qu'Abby était trop importante pour elle, que la perspective de la perdre était pire que celle de perdre sa famille. Il y a une évolution du personnage quoi qu'il arrive.
Downtown a écrit :Abby a été très (trop) compréhensive et quand elle se dit 'Je ne sais plus qui elle est. Est-ce vraiment la personne dont je suis tombée amoureuse?". J'ai tellement ressenti ça.
C'est normal qu'Abby réagisse un minimum vu la situation. Harper utilise des facettes différentes en fonction des contextes sociaux (en famille, avec ses amis, avec sa copine, etc). Elle a l'habitude de tout compartimenter et a toujours fait en sorte que ces différents aspects de sa vie ne se téléscopent jamais. Quand Harper provoque la rencontre entre sa famille et Abby (alors qu'elle n'y était pas obligée, elle aurait très bien pu se rendre seule chez sa famille ?), toutes ses contradictions volent en éclat. Harper arrive à un stade où elle est forcée de faire le même choix qu'elle a dû faire plus jeune avec Riley vis-à-vis d'autrui : nier sa relation (et ce qu'elle est) ou dire la vérité sur son homosexualité. Son réflexe premier est la fuite, c'est ce qu'elle a pris l'habitude de faire, c'est ce qu'elle connaît, d'où les réactions étranges qu'elle a parfois et qui font qu'Abby ne la reconnaît pas.
Downtown a écrit :Elles sont en couple depuis super longtemps et au final Harper a menti sur à peu près tout. C'est tellement choquant
On n'en sait rien ? Le seul aspect de leur vie où le film nous indique de manière effective qu'Harper a menti est sur son coming-out. Harper ne se résume pas qu'à sa vulve et à l'orientation qu'on lui donne. Les spectateurs ne savent pas si Harper a menti sur d'autres aspects de sa vie (et a priori ce n'est pas le cas, puisqu'Abby elle-même ne s'interroge jamais sur cette question durant tout le film). Quant à savoir si c'est choquant, est-ce si choquant que ça de découvrir que dans une relation homosexuelle, l'une des deux personnes n'a pas su/pu/voulu faire son coming-out ? Ça m'a l'air assez répandu quand même (ça change en 2020, les mentalités avancent avec les représentations, mais quand même).
Pour commencer, Abby et Harper ne sont pas dans leur petit monde, à l'abri de tout, loin dans leur ville. Elles sont dans la situation que redoute Harper mais qu'elle a pourtant provoqué : dans la maison familiale, où doivent coexister sa famille et son homosexualité alors que ça n'a jamais été le cas jusqu'à présent. Le contexte est différent, Harper est constamment sous pression et prise entre sa famille et sa vie intime qu'elle a toujours maintenu séparées. C'est compréhensible que ses autres facettes/réflexes/etc s'expriment encore plus durant ce séjour. Harper est un personnage qui subit plus qu'autre chose finalement.
Le mensonge ne concerne que le coming-out. Et à ce sujet, nous avons tous et toutes menti pour la plupart. Je pense qu'on a tendance à oublier ce que c'était une fois que l'on est out, mais avant le coming-out, nous sommes tous et toutes des menteurs et des menteuses puisque nous cachons la vérité à notre entourage. C'est juste que cette période dure plus longtemps chez d'autres en fonction des contextes, c'est tout. Ça n'en fait pas des personnes moins méritantes ou plus méprisables que d'autres qui ont eu la chance d'avoir un contexte plus favorable (ou qui ont su oser malgré leur contexte compliqué). Ça en fait juste des personnes qui vivent toujours dans la peur d'être découvertes à cause des conséquences, réelles ou supposées.
Est-ce que le partenaire est obligé d'accepter cette situation ? Bien sûr que non. Happiest Season l'exprime très bien à travers le choix initial d'Abby : « Je comprends, mais moi je suis déjà sortie du placard et j'ai envie d'être avec quelqu'un qui est prêt. ». Ce n'est pas la réponse d'une personne qui subit une relation toxique ? C'est la réponse d'une personne qui comprend qu'elles n'en sont pas au même stade dans leurs vies, et qui fait le choix de ne pas sacrifier son propre bonheur pour une relation qui ne peut plus avancer car elle ne lui convient plus. C'est plutôt une réaction saine et équilibrée, le message du film est positif. Et la réponse de John appuie ce propos quand il lui dit que ça aussi, c'est okay. Ne pas vouloir être avec quelqu'un qui n'a pas encore su/pu faire son coming-out ne fait pas d'Abby un monstre : c'est humain et sain de vouloir se préserver.
Je suis d'accord, Harper fait preuve d'égoïsme en ne se mettant pas à la place des autres. Par exemple, Harper ne se demande jamais comment son mensonge est vécu par autrui (Abby, mais aussi Riley, son ex petit ami, et ses parents). Mais je pense que c'est plus une question de capacité que de volonté. Harper ne peut pas se mettre à la place des autres dans la mesure où elle n'arrive déjà pas à occuper sa propre place. Sa crise identitaire est telle qu'elle a toujours tout fait pour éviter d'avoir à le faire, jusqu'à ce Noël avec sa famille et Abby.copine de Piiimvert a écrit :" J'ai pas du tout aimé Harper, elle a été trop égoïste et trop blessante, elle réagit trop tard. Et j'ai pas aimé le rôle de Abby qui se fait complètement dominer, à sa place je n'y serais pas retournée"
Elle est blessante dans ses réactions qui sont incongrues à cause du contexte. Je pense que la perte de repères fait qu'Harper part en live, elle a un trop-plein de pression qu'elle n'arrive plus à gérer et qui s'exprime par des réactions sporadiques. Quant au fait de réagir trop tard, pas pour Abby visiblement. Le seuil de tolérance diffère en fonction des gens, certain(e)s peuvent accepter beaucoup de choses (parfois trop), d'autres ont un seuil de tolérance plutôt bas et seront intransigeants (parfois trop). Le timing du coming-out ne se calcule pas toujours, Harper réagit au moment où elle a besoin de réagir. Si c'est trop tard ou autre, tout dépend de la valeur que l'on attribue à l'autre personne et à la relation. Dans le cas d'Abby, elle a finalement estimé qu'Harper était sincère dans sa volonté d'assumer leur relation. Vu qu'elles sont mariées dans le futur et qu'Abby est complètement intégrée à la famille Caldwell, il semblerait bien qu'Abby ait eu raison de lui faire confiance et qu'elle a fait le bon choix.
Je le partage, même si je pense que l'on peut avoir des surprises parfois : des familles dites conservatrices qui réagissent plutôt bien là où des familles dites ouvertes réagissent avec intolérance. On ne peut jamais vraiment savoir à l'avance au final. C'est bien ça qui rend le coming-out si effrayant. Je me dis qu'il faut d'autant plus faire preuve de tolérance envers celles et ceux qui n'ont pas encore pu/su faire leur coming-out. Justement parce que nous avons été à cette place et que nous savons, mieux que personne, la souffrance que le mensonge engendre.Piiimvert a écrit :Pour revenir sur le coming out, je pense qu'il est plus facile de le faire dans une famille qui est ouvertement ouverte ou qui trainent de nombreux problèmes ou encore qui a connu des évènements dit non classiques et dont les individus sont, en quelques sortes, prêts à tout vivre car rien ne peut être aussi grave que ce qu'ils ont déjà vécu auparavant. Alors que dans une famille d'apparence parfaite et qui est un modèle de conformisme, la pression sociale y est complètement différente et on pense que les individus sont incapables de comprendre et nous rejetteront. C'est peut-être un peu trop réducteur mais c'est mon point de vue.