En fait, pour répondre à cette question, je distinguerai la sexualité de la pratique sexuelle.
Oui je pense que la sexualité est politique, ne serait-ce qu'en tant que phénomène social. Silverring s'est exprimée sur le sujet, en soulignant de surcroît que si la sexualité oubliait de s'occuper du politique, le politique n'oubliait pas la sexualité... Je suis en phase et je n'ai rien à ajouter.
La question de Georges se concentre sur l'intime. Si la sexualité est politique, sommes-nous (devons-nous) être des militants ds notre chambre à coucher (ou ailleurs
) ?
Cette réponse est éminemment un choix personnel comme tout ce qui se rapporte à l'engagement, notamment politique.
Je répondrai donc personnellement : a priori non. Je trouve que le désir (mon désir) porte en lui même une fragilité inversement proportionnelle à la force qu'il peut dégager et je n'ai pas envie de le brider en m'interdisant qq comportements pour des raisons de revendications politiques, ou de risquer de l'amoindrir en privilégiant certaines pratiques.
C'est personnel. "Revendiquer" au niveau de la pratique du sexe peut être sûrement aussi source d'excitation et certainement de créativité...
Mais, je ne me suis jamais senti ds un rôle assigné au fond du lit, ou ds la reproduction d'un schéma de nature politique.
J'ai eu une fois une "partenaire" qui a refusé une pratique qui pour moi était, disons,"anodine" pour des raisons politiques, par rapport à ce que cela pouvait représenter en terme de schéma normé.
Je n'ai pas été gênée de ce refus en raison de son caractère politique, mais la différence de perception m'a, en revanche, interpellée.
Qu'elle est la part sociale, qu'elle est la part psychanalytique concernant le choix de ce qui "politique" dans la recherche du plaisir, dans le choix de ce qui est subversif ou non ?
Cette interrogation renvoie à l'histoire de chacun(e), de fait, il me semble difficile de définir, à mon niveau, ce qui est de l'ordre du politique, au sens de résistance aux normes, dans l'exercice de ma propre sexualité.
Mais à la réflexion, je pense qu'intime et politique peuvent se rejoindre.
Construire à deux (ou plus, pr celles et ceux qui apprécient), comprendre et respecter les désirs de l'autre mais aussi l'emmener hors de ses sentiers battus (et réciproquement), ne pas voir la relation sexuelle comme un rapport dominant/dominé au sens "classique" du terme (je ne parle pas là de BDSM) inventer une autre forme de sexualité, même si elle nous est propre, a forcément des implications sur notre comportement social, car elle est source de création de nouveaux rapports et crée ainsi potentiellement un nouveau champ social.
Je vais citer Foucault :
"La sexualité fait partie de nos conduites. Elle fait partie de la liberté dont nous jouissons dans ce monde. La sexualité est quelque chose que nous créons nous-mêmes -elle est notre propre création, bien plus qu'elle n'est la découverte d'un aspect secret de notre désir. Nous devons comprendre qu'avec nos désirs, à travers eux, s'instaurent de nouvelles formes de rapports, de nouvelles formes d'amour et de nouvelles formes de création. Le sexe n'est pas une fatalité ; il est une possibilité d'accéder à une vie créatrice.
(...) Lorsqu'on examine les différentes manières dont les gens ont éprouvé leur liberté sexuelle -la manière dont ils ont créé leurs oeuvres d'art -, force est de constater que la sexualité, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est devenue l'une des sources les plus productives de notre société et de notre être. Je pense, quant à moi, que nous devrions comprendre la sexualité dans l'autre sens : le monde considère que la sexualité constitue le secret de la vie culturelle créatrice ; elle est plutôt un processus qui s'inscrit dans la nécessité, pour nous aujourd'hui, de créer une nouvelle vie culturelle sous couvert de nos choix sexuels".
En ce sens, je pense que dans les rapports sexuels, nous sommes bien dans le politique sans forcément le savoir, sans nécessairement le revendiquer ou l'intellectualiser. En s'affranchissant dans la recherche du plaisir au niveau intime, de références spécifiques à des normes, à des schémas, nous modifions de facto notre rapport à la société, et partant, en étant un peu rapide peut-être, mais pour se comprendre, notre positionnement de citoyen...