Interview du créateur de la Websérie Jason Leaver

Interview liée à la websérie Out With Dad

Interview du créateur de la Websérie Jason Leaver

Sur combien de temps s’étale le tournage d’un épisode ? Et ensuite en ce qui concerne la pré-production ?

Tourner un épisode prend très peu de temps. Selon la complexité de la scène, cela varie de quelques heures à toute une nuit. Dans l’épisode 3, la scène du métro a pris quelques heures, mais le tournage de la scène dans le cinéma a pris toute une nuit (de 23h à 6h du matin !) Mais avant de tourner, nous devons écrire, caster, planifier, trouver des lieux… Ça demande des semaines ou des mois de préparation. Puis vient le montage, les effets spéciaux, les corrections couleur, le générique, le mixage. Ça aussi ça peut prendre plusieurs semaines. Même si, en se dépêchant, ça pourrait ne prendre que quelques jours. L’intégralité de la post-production de l’épisode 4, “Party Out” a pris 3 jours. Alors que la scène du rancard de Nathan, je l’ai montée en quelques heures, puis peaufinée ensuite pendant des mois.

Vous êtes le créateur, scénariste, réalisateur et producteur. Comment faîtes-vous pour tout concilier et tout gérer à la fois ?

En réalité, je suis bien plus que ça ! Je suis aussi le directeur de la photo, le caméraman, le monteur, je fais tous les effets spéciaux (sauf l’animation 3D de l’épisode 7 que mon beau frère, Topher Turner a faite), la retouche couleur, les graphismes, je mets même à jour notre site web. C’est très difficile de gérer tous ces rôles. De plus, je fais tourner ma propre affaire – ces derniers temps, j’ai un peu tiré sur la corde. Mais je pense que c’est un travail nourri par l’amour. J’aime vraiment ce show. Je n’ai jamais l’impression de “travailler”. J’aime aussi toutes les différentes tâches que j’exécute. Dans le futur, je travaillerai peut-être avec un cameraman ou un chef éclairagiste. Mais je pense que je n’abandonnerai jamais le montage : c’est ce que je préfère.

Les épisodes ne font pas tous la même durée. Avez-vous choisi un format définitif ? Combien la première saison comptera-t-elle d’épisodes ?

Une des choses que je ne cessais de lire en faisant des recherches sur les webséries, était : « Faites des épisodes de 3 à 5 minutes. » La théorie étant que si vous produisez quoique ce soit de plus de 5 minutes, les gens ne regarderont pas. Au moment d’écrire, j’ai écrit des centaines de pages sans me soucier de quand un épisode se terminait et quand le suivant commençait. Quand j’ai commencé à découper ça en épisodes, j’ai essayé de mon mieux de ne pas dépasser les 3 à 5 minutes. On a décidé de tourner 6 épisodes. Certains ont duré plus de 5 minutes, d’autres beaucoup plus. J’ai coupé les plus longs en deux. Donc au final, il y a eu 8 épisodes.

Le premier épisode a duré 6 minutes (en comptant 1 minute de générique) ; j’avais peur que ce soit trop long. Pourtant, de façon incroyable, les gens se sont plaint que ce soit trop court et que les personnages ne soient pas assez développés. J’étais d’accord. D’un point de vue créatif, je voulais aussi que ce soit plus long. J’aurais ainsi plus de chance de présenter les personnages et de les développer, eux et leur histoire. Après cette incroyable réponse, j’ai regardé tout ce que nous avions filmé chronologiquement, comme si l’ensemble n’était qu’un seul épisode très long. J’ai travaillé sur de nouvelles façons de les découper afin d’avoir moins d’épisodes, mais plus longs. J’ai couplé certains épisodes que j’avais divisés. J’ai bougé certaines scènes. Les épisodes 2 et 3 sont faits à partir de scènes qui à l’origine s’étendaient sur trois épisodes. Depuis, nous en avons écrit et tourné davantage (comme la scène de recherches de Nathan ou l’épisode entier de la fête et d’autres encore.) Maintenant, ça fait un total de 8 épisodes. Et chaque épisode a reçu pour feedback : « Encore, s’il vous plaît ! » ou « Plus long, s’il vous plaît ! » Pour la saison 2, je vais devoir m’employer à faire des épisodes plus longs, ce qui implique peut-être moins d’épisodes. Mais des épisodes plus longs, ça signifie beaucoup plus de travail ! Je suppose qu’il va falloir attendre et voir ce qu’on réussira à mijoter.

Quelles sont – maintenant que vous avez tourné plusieurs épisodes – les contraintes et les avantages du format websérie ?

Les contraintes que je ressens sont, comme je l’ai mentionné, beaucoup de choses à faire en très peu de temps. Mais l’avantage, c’est qu’on peut s’en sortir en faisant si peu. J’ai écrit Out With Dad de telle façon que chaque épisode soit une tranche de vie. Parfois, certaines tranches sont plus longues que d’autres. Je ne pense pas que cela aurait pu marcher sous un format comme, disons, un film, parce que ça aurait paru décousu. Avoir une semaine ou deux entre deux tranches nous permet ce hachage. On n’a jamais été précis concernant combien de temps s’écoulait dans l’histoire entre chaque épisode et j’aime cette façon de faire.

L’autre chose que j’apprécie, c’est ce sentiment d’être connecté avec le public. Je lis chaque commentaire que les gens écrivent sur tous les sites qui diffusent ou parlent d’Out With Dad. Ce feedback est très précieux. C’est aussi souvent touchant, très souvent encourageant et parfois blessant. Si c’était une série TV ou un film, je ne pense pas que nous ressentirions cette connexion. Ça donne encore plus l’impression que ça en vaut vraiment la peine.

C’est un plaisir de regarder votre série tant on croirait être face à des jeunes d’aujourd’hui et tant on se retrouve face à des gens comme tout le monde. Comment avez-vous fait pour parvenir à un tel naturel, à quelque chose de si actuel et réaliste ?

Merci pour vos gentilles paroles ! Quelle est la recette ? L’ingrédient principal, c’est la distribution. Je pense que nos acteurs sont eux-mêmes incroyablement naturels et authentiques. Je me sens privilégié de travailler avec eux. Quand j’ai fait les castings, le “naturel” était l’élément le plus crucial que je recherchais. L’honnêteté est un autre ingrédient. Je m’inspire beaucoup de mon propre passé. Je me souviens très bien du lycée et je m’y suis plu dans l’ensemble. Mais je me souviens aussi pleinement des défis. On a tous eu le béguin pour des personnes qu’on ne pouvait pas avoir. On a tous eu des soucis qu’on pense ne pouvoir raconter à personne. Parfois, on cherche des conseils auprès des autres, et ça n’aide pas – ou ça ne fait qu’engendrer plus de questions. Je pense que ce qui est authentique, c’est que ce sont toutes des petites choses auxquelles nous faisons face – mais, au moment où l’on y fait face, elles ne semblent pas si petites.

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le triangle : fille-père-“meilleure amie” qui est en place dès le premier épisode ? [Même si l’on voit sur les photos de groupe au début du générique qu’il y a aussi le meilleur ami de Rose qui a son importance…]

En fait, tout se résume à la question que je me suis posé : « Par où je commence ? » J’ai pensé à commencer plus tard dans la vie, après que Rose soit sortie du placard. Après tout, j’ai quand-même appelé le show Out With Dad. J’ai songé à zapper le coming out parce que c’est quelque chose qui a déjà été fait. Je suis ravi de ne pas l’avoir fait parce que, comme vous et de nombreuses personnes l’ont souligné, ce n’est pas une perspective souvent abordée. Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé cette vérité. La raison pour laquelle j’ai démarré plus tôt, avant le coming out, c’est parce que c’est quelque chose auquel je n’ai jamais eu à faire face. Et, chose intéressante, personne, parmi ma famille ou mes amis ne m’a jamais fait son coming out non plus. J’ai des amis gay, mais ils étaient déjà out quand je les ai connus. Donc je suppose qu’on peut dire que j’ai senti que c’était des expériences que je devrais connaître dans ma vie aussi. Je trouve que ce n’est pas juste qu’étant hétéro, je n’ai pas eu à faire de coming out. J’aurais aimé pouvoir être là pour mes amis gay… Peut-être que j’aurais pu les aider pour que ce soit plus facile. Donc j’ai choisi de ne pas démarrer la série avec Rose déjà “out vis-à-vis de papa”. J’ai reculé un peu. Je suis fan des “démarrages à froid” – c’est-à-dire une histoire qui commence au cours de l’action. Rétrospectivement, je pense que c’était une mauvaise décision pour Out With Dad. Je ne crois pas que les démarrages à froid soient la meilleure façon de procéder pour une websérie. Elles correspondent mieux aux formats plus longs. Les démarrages à froid nécessitent que vous ayez le temps de développer les personnages dans la foulée et de donner assez d’informations au public pour qu’il puisse comprendre ce qui s’est passé avant. Mais avant que j’aie eu l’occasion de faire ça, le premier épisode est déjà fini. Je regrette de ne pas avoir choisi une autre tranche de vie pour l’ouverture.

Rose est dans le placard tandis que Vanessa est totalement paniquée à l’idée de pouvoir être gay. Est-ce que vous trouvez que ces deux personnages reflètent l’attitude de la plupart des jeunes face à l’homosexualité ?

J’ignore si c’est la réaction classique. Je sais que c’est une réaction qui arrive. Quand je faisais mes recherches, j’ai trouvé que la meilleure source d’informations était les utilisateurs de forums. Si je doutais du réalisme d’une scène que je venais d’écrire, je vérifiais en ligne. Souvent, je trouvais un sujet qui commençait par « Est-ce que c’est seulement moi… ? » ou « Suis-je la seule personne à… ? » et il y avait des centaines de réponses d’autres personnes comme elles disant « Tu n’es pas seul(e). » ou « La même chose m’est arrivée. »

J’ai aussi demandé à des amis gay de relire ce que j’avais écrit. J’étais tellement nerveux en leur donnant les scripts ! Ils m’ont tous donné leur bénédiction. Certains ont même été  surpris que j’aie réussi à capturer si bien certaines choses. Quel soulagement !

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