Le Mythe Troublant de Callisto et d’Artémis

En France, il inspire surtout les maîtres libertins au XVIIIe siècle, tels François Boucher ou Jean-Honoré Fragonard.

Artemis et Callisto

Boucher, Jupiter et Callisto, 1744.

Artemis et Callisto

Boucher, Jupiter, sous les traits de Diane, séduisant Callisto (Kansas City), 1759

Artemis et Callisto

Boucher, Jupiter transformé en Diane pour surprendre Callisto (New-York), 1765

Artemis et Callisto

Boucher, Jupiter et Callisto (Wallace Collection, Londres), 1769

Artemis et Callisto

Fragonard, Jupiter sous les traits de Diane, séduisant Callisto, 1750-55

À propos de l’insistance de François Boucher à représenter ce moment du mythe, voire à occulter les signes qui indiquent la présence de Zeus et donc à nier l’existence d’un couple féminin, Erica Band rappelle qu’au temps de la production de ces tableaux, la peinture était destinée à un public d’hommes, même si elle pouvait parfois être commanditée par des femmes (la marquise de Pompadour fut un des patrons de Boucher). Selon ce principe elle affirme que les spectateurs de cette époque ne voyaient pas dans ces couples féminins un érotisme lesbien. Considérant que le sujet désirant était l’homme, deux femmes dessinées enlacées ne forment pas un couple mais deux objets désirables pour l’homme spectateur. Ajoutons que Boucher et Fragonard sont deux peintres qui se sont illustrés dans le style Rococo, sous le règne de Louis XV. Ils travaillaient pour le compte de familles fortunées et leurs œuvres sont destinées à un public intime pour parer de riches hôtels particuliers.

Sous le Directoire, dans les dernières années du XVIIIe siècle, après la Révolution française, le thème inspire encore un décor d’horloge.

Artemis et Callisto

Depuis le XXe siècle, la mythologie n’est plus un sujet privilégié de la peinture. L’histoire de Callisto et d’Artémis a donc peu à peu disparu de notre horizon. Elle n’en reste pas moins une des matrices de la représentation et de la « compréhension » des rapports amoureux entre femmes. Au fond, seule une « fausse » femme (un homme déguisé au fond) peut par ruse en abuser une autre, mais cet abus est une tromperie de la nature qui ne peut apporter que le malheur. Pour autant, si Callisto et Artémis ont été abusées par la concupiscence de Zeus, elles ont aussi, visiblement, franchi une ligne invisible : leur chasteté physique n’empêchait pas le développement de sentiments étrangement exclusifs et peut-être démesurés… Une « hybris » féminine ou lesbienne ?

Pour aller plus loin :

Erica Rand “Lesbian sightings, scoping for dykes in Boucher and Cosmo” dans Timothy F. Murphy, Whitney Davis, Gay and lesbian studies in art history.

Voir aussi le Rond de l’Art : http://leronddelart.blogspot.com/search/label/Callisto

Répondre