Sinclair : Interview de la chanteuse

Interview accordée à Trish Bendix le 26 mars 2015 pour le site Afterellen.com

Y a-t-il une grande communauté LGBT à Nashville ?

Une très belle communauté. Il faut que nous nous y impliquions plus, d’ailleurs. Nous sommes allées à ce qu’ils appellent le QD Prom, je crois que ça veut dire Queer Dance Prom [ndlt : Le bal de promo Queer]. Ce fut l’un des meilleurs trucs auxquels Natalie et moi sommes jamais allées. Il y a avait à peu près 500 personnes, pour la plupart des couples homos, c’était vraiment cool. Je n’étais jamais allée aux bals de promo. Ma femme, elle, y était allée quelques fois, mais pas avec des filles. Je crois que c’était aussi le cas de la plupart des gens d’ici. S’ils étaient déjà allés à un bal de promo lors de leur scolarité, ils y étaient allés avec un ami en prétendant qu’ils n’étaient pas ensemble ou avec quelqu’un du sexe opposé. Nous avons donc passé un très bon moment et puis nous avons pris une photo de couple. En plus, les couples étaient tout à fait à l’aise lors des slows. Tout était très mignon. Ils organisent ça une fois par mois, c’est vraiment une communauté adorable.

C’est génial. Vous savez, les États du sud peuvent avoir une sacrée réputation d’homophobes. Mais, vous, vous avez l’impression que Nashville est un endroit plutôt gay-friendly alors ?

Je crois que je peux dire sans trop m’avancer que Nashville est bien plus progressiste que le reste du Tennessee. Honnêtement, je ne suis allée dans aucun autre État du Sud et je ne suis pas suffisamment allée à la campagne pour me faire une idée de la situation là-bas. Je sais qu’il n’y a pas trop de problèmes à Atlanta. Je suis allée en Alabama avec Natalie et nous n’avons reçu aucun signal clair nous indiquant quoi que ce soit. Je ne voudrais donc pas juger sans connaitre. Mais, en tout cas, oui, Nashville est une ville très chaleureuse.

Maintenant que l’EP est sorti, êtes-vous en pleine écriture et enregistrement de la version longue ?

Je suis en pleine écriture et ça va. Je pensais qu’à ce moment-là j’aurais été en manque d’inspiration, mais non. J’ai cru que j’allais planter l’EP. J’avais tellement peur de le sortir ! Et maintenant, je me retrouve à écrire l’album version longue. En fait, je crois que la sortie de l’EP m’a encore plus boostée. Les gens ont tellement bien reçu mon EP que je suis un peu sur un nuage. Du coup, je commence par écrire la version longue et je commencerai à enregistrer d’ici cinq mois je pense. J’espère que je ferai une petite tournée cette année. On parle de deux-trois trucs entre-nous, mais rien de sûr pour le moment. Ah, nous jouerons à la gay pride de Nashville, c’est le 5 juillet je crois. Ça va être d’enfer !

J’ai vraiment apprécié la vidéo où vous parlez de votre coming-out à votre famille. Est-ce que les choses ont évolué ? Est-ce qu’ils ont un peu changé d’avis ?

Et bien, c’est une très bonne question. L’une de mes sœurs m’a rendu visite récemment et c’était super, mais dans l’ensemble, ils ne m’acceptent toujours pas. Et c’est dur. Natalie et moi fêtons notre mariage le 1er mai avec nos amis et notre famille. Nous nous sommes mariées en Caroline du Nord en juin dernier et voulions fêter ça avec les personnes qui nous sont les plus proches, nous organisons donc une fête. J’ai invité toute ma famille et ils ont tous dit non, à cause de leur foi. Je crois qu’il y avait conflit d’intérêts pour eux. C’est dur. Je savais qu’ils répondraient non, mais c’est toujours un sentiment particulier à appréhender, surtout quand j’entends les gens me dire « Ah, tu sais, ce sont tes parents. Ils changeront d’avis ! » C’est dur de garder espoir qu’ils le feront. Enfin bon, j’ai appris que je n’ai pas besoin d’attendre qu’ils changent d’avis, parce qu’au fond je ne sais même pas si c’est correct d’attendre ça de leur part. En revanche, il faut que profite de la famille que je me suis choisie, et c’est ce que j’ai fait pour la fête. Je crois que là est ma réponse. Même si j’ai perdu ma famille, au niveau de l’amour et du soutien, j’ai une superbe famille et un soutien en béton ici, et je suis sûre qu’ils seront toujours là pour moi. C’est tout aussi inestimable.

Beaucoup de gens traversent, ou ont traversé, cette situation. Entendre quelqu’un de connu, comme vous, en parler pourrait faire beaucoup de bien à certaines personnes. Avez-vous des conseils pour ceux qui sont dans une situation similaire à la vôtre ?

Déjà, je dirais : ne retenez pas vos émotions. Autorisez-vous à ressentir ce que vous ressentez. Il faut qu’ils vous manquent, ne gardez pas ça pour vous en faisant semblant d’être au-dessus de tout ça. Et si, à côté de ça, vous avez besoin d’un conseil de la part d’un proche, forcez-vous à passer un coup de fil à un ami ou à quelqu’un qui sera d’accord pour en parler. Au début, ce ne sera pas la même chose puisque vous n’êtes pas de la même famille. Mais sachez que lorsque vous appelez quelqu’un et que vous l’invitez dans votre vie de cette façon, à un moment cette personne finira par devenir de la famille. Elle sera encore plus proche de vous. Il faut vraiment vous ouvrir aux personnes hors de votre cercle familial. Les gens ne vont pas forcément venir vous voir pour vous dire « Eh, je veux être ta mère ! » ou ta sœur, ou ton père. Mais si vous voulez que vos amis soient présents dans ces moments importants, qu’ils soient là pour vous réconforter lors d’une rupture ou lors de n’importe quel moment difficile, même un moment financier difficile, faites-le. Certes, ils ne vous aideront pas forcément inconditionnellement tout de suite, mais je vous assure que si vous sortez de votre coquille, les gens seront très heureux d’intervenir et de vous donner l’amour dont vous avez besoin.

Beaucoup de personnes, tout particulièrement au sein de la communauté LGBT, ont choisi de nouvelles familles et, parfois, ce n’est pas plus mal. Les gens qui sont autour de vous sont la clef de votre bonheur et de votre acceptation personnelle. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez que les gens qui vous découvrent aujourd’hui sachent sur vous ?

Je veux que les gens sachent que si j’ai choisi de faire de la musique, si j’ai choisi cette carrière, ce n’est certainement pas pour me faire plein d’argent. Je veux dire, honnêtement, j’y pense tout le temps : si j’avais voulu gagner beaucoup d’argent, ce n’est pas la voie que j’aurais choisie. Ce n’est pas un moyen très fiable pour gagner de l’argent. Et je sais qu’à un moment donné, cela engendre pas mal de difficultés : les gens vous observent et tout. Je fais la musique que je fais parce que c’est une nécessité pour moi. C’en est presque cathartique.

Ensuite, je pense qu’il est très important de partager cette musique avec les autres. Vous l’avez dit, je pense que je suis très loin d’être la seule dans cette situation, il y a beaucoup d’autres personnes qui traversent ce que j’ai traversé, et ils doivent se sentir aussi seuls que moi à l’époque. This Too Shall Pass est un morceau important pour moi. Je suis vraiment contente d’avoir pu l’enregistrer et le sortir. Beaucoup de gens m’ont dit avoir aimé Heaven on Earth, et avoir compris la raison pour laquelle je l’ai écrit. C’est pour cela que je fais de la musique. Les gens sont amoureux et comprennent ce que je veux dire. « Eh, faisons-nous notre petit nid, un petit coin de Paradis, peu importe ce que les autres diront, ils ne savent pas ce que nous nous avons ». Je suis vraiment très heureuse de pouvoir donner un petit quelque chose aux gens, et c’est la raison de mon métier. Je me suis retrouvée tellement de fois complètement à plat, alors ma femme me disait « Tu dois te libérer de ces chansons ». Je crois qu’elle a raison. C’est pour ça que je fais ce que je fais.

Interview Originale sur le site Afterellen.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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