The Secret Diairies of Miss Anne Lister : Interview de la scénariste Jane English

The Secret Diairies of Miss Anne Lister : Interview de la scénariste Jane English

Interview réalisée par Sarah et Lee le 24 Mai 2010 pour le site Afterellen.com

“Great LezBritain” offre une balade bimensuelle à travers le meilleur du divertissement et de la culture lesbo-centrique anglaise. De plus, il y aura quelques joyeuses interviews de choix avec les femmes qui font le mieux flotter le drapeau de l’Angleterre gay.

Cette semaine, la BBC nous a confirmé qu’ils allaient diffuser le film d’Oxford Film & Television The Secret Diaries of Miss Anne Lister sur la BBC2 le 31 mai, ce qui est en effet une excellente nouvelle. (Allez voir la bande annonce ici.)

Après avoir vu le film lors de sa première, nous avons été totalement bouleversées et nous sommes donc allées rencontrer son auteure, Jane English (qui a aussi écrit plusieurs épisodes de la brillante série de Channel 4, Sugar Rush).

Autour d’une tasse de thé à King’s Cross Station, elle nous a dit avoir passé 12 mois à s’immerger dans les journaux intimes d’Anne, qu’elle gardait étalés sur la table de sa cuisine. Cette méthode lui a donné une passion incontestable pour l’existence extraordinaire d’Anne ainsi qu’une voix pour répondre à ses blocages d’écrivain lorsqu’il lui arrivait d’en avoir.

Bien qu’il soit déconcertant qu’une femme tellement intrépide et exaltante ait pu rester largement inconnue, nous espérons que ce film sera massivement regardé par le public afin d’initier tout un chacun au monde merveilleux de Miss Lister.

C’était charmant de vous rencontrer à la première, comment vous êtes-vous sentie cette nuit-là ?

J’étais tellement nerveuse à l’avance et ça a été un soulagement de voir le film achevé puisque j’avais toujours vu un travail en cours. C’était agréable de le voir avec un public tellement admiratif et d’entendre les rires aux bons moments et une réaction tellement positive à la fin – c’était un sentiment merveilleux.

Comment avez-vous été impliquée dans ce projet ?

Oxford Film and Television a eu l’idée de faire ce film ainsi qu’un documentaire et j’ai juste reçu un mail un jour avec cette entrée en matière : une biographie brève de cette femme, Anne Lister, et quelques extraits de son journal. Je lisais le texte, en pensant : « Pourquoi je n’ai jamais entendu parler de cette femme ? » Je ne pouvais pas le croire ! J’ai passé une audition avec Oxford Film et j’ai décroché le rôle.

Tout comme vous, beaucoup de personnes n’avaient probablement pas entendu parler d’Anne Lister avant, et vous l’offrez maintenant à un large public – ça doit être un sentiment très satisfaisant ?

Elle n’est sûrement bien connue que dans les universités, si vous prenez l’option Études des femmes ou Études gay et lesbiennes mais certainement pas en dehors. Donc oui, j’aime l’idée que nous mettions en lumière cette femme incroyable dont l’histoire ébranle tout ce que nous pensions savoir à propos des femmes à cette époque.

Comment décririez-vous son caractère aux personnes qui ne sont pas familières avec Anne ?

Je pense que son caractère était tel qu’elle ne pouvait pas être autre chose qu’elle-même. Elle était curieuse de tout, toujours en quête, effrontée, intelligente et déterminée. Elle prenait la vie à bras le corps, vivait chaque jour intensément et était très contrariée par elle même si elle avait l’impression de perdre son temps. Elle menait tout de front, ce qui est, je pense, une brillante leçon pour les femmes.

Une des choses qui m’ont frappée dans le film c’est combien Anne Lister paraît déculpabilisée concernant sa sexualité, ce qui, à cette époque, paraît très inhabituel ?

Eh bien, elle écrit son journal avec une telle franchise, qu’elle en resterait sidérante aujourd’hui encore. Vous avez raison, il n’y a pas d’angoisse existentielle chez elle – « Pourquoi est-ce que j’aime les femmes ? » Il n’y a rien de tout ça, c’est juste « je suis comme ça, c’est la nature que Dieu m’a donnée et c’est donc mon devoir de vivre ainsi » – et Dieu sait que c’est ce qu’elle a fait ! [Rire général]

Pendant deux mois, je n’ai fait que lire ses journaux et j’étais incapable de les poser. Je voulais savoir ce qui allait se passer avec toutes les aventures qu’elle entretenait – et sa franchise concernant sa vie sexuelle n’a fait que renforcer l’intérêt que j’avais à les lire. [Rire général]

Comment avez-vous choisi le point de départ du film quand il y avait tant de matière que vous auriez pu exploiter dans ses journaux intimes ?

Ça a été incroyablement difficile parce qu’elle a mené une existence tellement riche et c’était un personnage aux multiples facettes donc je crois sincèrement que ça aurait pu faire une série dramatique en 10 épisodes.

Est-ce que ça vous aurait plu ?

Ça aurait été formidable car j’aurais pu entrer beaucoup plus dans le détail mais les passages qui se sont imposés à moi comme étant les plus forts, les plus chargés d’émotion ont été ceux avec Mariana.

Certains des événements avec Mariana sont tellement vifs, par exemple, quand elles se voient dans un hôtel de Manchester – deux femmes qui se donnent rendez-vous dans un hôtel, juste pour coucher ensemble à l’époque de Jane Austen c’est… waw ! C’est juste incroyable et il fallait que ce soit dans le film et l’incident suivant, lorsqu’Anne court à travers les plaines pour intercepter le carrosse de Mariana, c’est tellement cinématographique.

Je crois qu’Anne voyait en Mariana son âme sœur mais c’était voué à l’échec. J’ai dû paraphraser beaucoup de ce qui s’est passé mais à la fin, cette relation la rendait folle et il y avait tellement de choses qu’elle voulait faire de sa vie qu’elle a dû renoncer à elle. Elle avait besoin d’une relation qui la maintienne sur un pied d’égalité et c’est ce qu’elle a eu avec Ann Walker mais je pense que c’était vraiment tragique qu’Anne et Mariana ne puissent jamais y parvenir ensemble.

En regardant le film, j’espère qu’elle a fini par avoir une vie heureuse avec Ann Walker parce que même si ça sert le cœur qu’elle ne puisse pas être avec son grand amour, elle a quand-même réussi à vivre son existence avec quelqu’un avec qui elle pouvait au moins être elle-même.

Ça n’était pas le mariage le plus heureux, mais je pense que c’est une victoire qu’elle ait trouvé quelqu’un à cette époque qui veuille vivre avec elle. Il y avait des frustrations entre elles parce qu’elles avaient des caractères très différents ; Anne Lister était tellement sociable et Ann Walker si introvertie, mais elles ont beaucoup voyagé ensemble.

Anne Lister est décédée alors qu’elles visitaient la Russie ensemble et Ann Walker a passé six mois en Russie à essayer de faire rapatrier son corps à Halifax avec ses journaux intimes, ce qui, je pense, en dit long sur ses sentiments. Un autre film tout entier pourrait être écrit à propos de leur relation.

Avez-vous lu quoique ce soit dans ses journaux qui vous ait mise mal à l’aise ou que vous ayez été réticente à utiliser dans le film ?

Mariana avait attrapé une maladie vénérienne de son mari qu’elle a donnée à Anne, qui, à son tour, l’a passée à Tibbs. Alors que mon premier instinct était d’utiliser tout ce que vous ne verriez jamais dans un film de Jane Austen – et je n’ai jamais rien vu à propos de maladies sexuellement transmissibles – au final, j’ai trouvé que c’était plutôt répugnant et que ça souillerait quelque peu la romance.

Dans le film, quelle proportion représentent vos propres mots par rapport à ce que vous avez retranscrit directement des journaux ?

J’ai essayé d’utiliser le plus possible les mots d’Anne. La plupart de la voix off est tirée directement de ses journaux. Et les choses dont vous pensez qu’elles ne peuvent pas avoir été dites par elle sont probablement fidèles mot pour mot. Mis à part ça, j’ai essayé d’écrire avec son style et d’utiliser le plus possible le vocabulaire issu de ses journaux parce qu’elle avait de si jolies tournures de phrases et je voulais vraiment mettre en avant l’humour. C’est une observatrice si sarcastique sur sa propre vie et celles des autres habitants d’Halifax, un trait qu’elle partageait avec Jane Austen je pense.

Le film est bien plus drôle que nous l’avions imaginé parce que nous l’avions rangé dans la catégorie des films façon Andrew Davies. Avez-vous ressenti une pression de devoir sortir de cette catégorie en rendant ce film particulièrement drôle ?

Je tenais vraiment à faire les choses différemment. Je pense que d’une certaine façon, les adaptations de Sarah Waters sont des histoires de coming out, mais j’aime que cette histoire débute avec Anne et Marianna en lesbiennes s’assumant pleinement et entretenant une liaison. Donc leur histoire ne traite pas de comment elles acceptent leurs sentiments mais plutôt comment elles nourrissent cette relation en dépit de tous les obstacles.

Nous avons trouvé l’interprétation de Maxine Peake brillante. Qu’avez-vous pensé de ce choix de casting ?

J’espérais et priais qu’ils prennent la bonne Anne Lister, et quand on m’a dit que Maxine Peake avait accepté le rôle, j’ai fait un petit bond de joie. Elle s’investit tellement dans ses rôles et ça a vraiment été le cas avec Anne Lister ; elle a tout donné. Elle a aussi une touche d’humour tellement légère. J’avais peur qu’ils choisissent quelqu’un de trop sérieux, mais elle possède le juste équilibre d’humour, de force et de vulnérabilité. Je pense qu’elle a maîtrisé son sujet et Helena Whitbread, qui connaît Anne Lister mieux que quiconque, a dit qu’elle approuvait aussi.

Le discours du réalisateur James Kent à la première était très touchant. Il a parlé de sa fierté, en tant que réalisateur gay, que son film résonne si fortement sur le public. Est-ce quelque chose que vous ressentez en tant qu’écrivaine lesbienne ?

Je pense que pour moi personnellement, il y avait tellement de choses auxquelles je pouvais m’identifier dans son journal et je trouve que pour toutes les lesbiennes, il y aura beaucoup à quoi s’identifier. D’un point de vue lesbien, Anne Lister est une part importante de l’histoire et le fait que jusqu’à maintenant cette histoire n’ait jamais été racontée donne au film un sentiment d’importance mêlé d’excitation. Mais au final, c’est une histoire universelle sur les hauts et les bas de l’amour. J’espère qu’il parlera à sa façon à chaque personne qui le regardera.

Vous avez écrit quelques épisodes de Sugar Rush, une série qui a été hautement populaire et innovante. Comment était-ce de travailler sur ce show ? Y avait-il de la pression du fait que ce soit la première série pour ado de ce genre ?

Sugar Rush était une merveilleuse série sur laquelle travailler. Ce dont je suis la plus fière c’est la sincérité au cœur de la première saison sur comment gérer l’amour non réciproque de sa meilleure amie. C’est quelque chose qui arrive souvent aux jeunes filles lesbiennes. La première personne pour laquelle vous avez cet insupportable béguin d’ado qui vous met au supplice est quelqu’un de votre cercle d’amis proches et vous ne savez pas si vous devez tenter une approche ou pas.

Tant avec Kim dans Sugar Rush qu’avec Anne Lister, j’ai eu le sentiment que j’écrivais de l’intérieur ; sur ce qu’elles ressentaient, pensaient et ce qui les obsédait. La pression que j’ai ressentie portait sur comment restituer la sincérité de leurs émotions. Si les gens peuvent compatir avec ces personnages –homos ou hétéros- alors c’est le meilleur service que je puisse rendre en tant qu’écrivaine, et à la cause lesbienne si vous voulez !

J’ai entendu qu’il devait y avoir une saison 3 mais qu’elle a été annulée à la dernière minute ?

On s’est rencontré et on a discuté de l’intrigue pour une troisième saison. Toutes les personnes impliquées dans la série étaient partantes pour une nouvelle saison – nous étions aussi perplexes que tout le monde quand ça ne s’est pas fait. Je trouvais qu’on aurait pu faire tellement plus avec Kim et Sugar. Pendant la deuxième saison, on avait essayé certaines choses pour voir si le public accepterait que Kim ait une relation avec une autre femme, donc j’ai été vraiment déçue qu’on ne puisse pas développer davantage.

Qu’auriez-vous fait faire à Kim et Sugar dans la saison 3 ?

On voulait leur faire prendre un appart ensemble et vivre encore plus de folles aventures. On n’avait pas décidé si elles formeraient un couple. Je ne sais pas si elles auraient pu être ensemble. Du point de vue de l’écrivaine, la constante tension sexuelle est merveilleuse et la pensée qu’elles pourraient se mettre ensemble à tout moment rend ça d’autant plus excitant.

Y a-t-il quoique ce soit d’autre que vous aimeriez ajouter ?

Puis-je juste dire aux lectrices d’AfterEllen.com que mon grand espoir pour le film est qu’il vous emmène vers les journaux eux-mêmes parce que c’est une lecture tellement gratifiante et inspirante – en particulier le premier livre d’Helen Whitbread, I Know My Own Heart.

The Secret Diaries of Miss Anne Lister a été diffusé pour la première fois sur BBC2 le 31 Mai.

Les auteures de Great LezBritain, Sarah, une londonienne, et Lee, originaire de Glasgow, se sont rencontrées dans une boîte de nuit homo un soir d’hiver maussade il y a 8 ans et vivent en concubinage depuis ce jour.

Lorsqu’elles ne regardent pas Tipping The Velvet, elles trouvent le temps d’écrire, de diriger une boîte de relations publiques, sont Djettes dans leur propre club et aiment les toasts à la marmelade.

Suivez-les sur Twitter à cette adresse : greatlezbritain

Traduction Magali Pumpkin

Interview Originale sur le site Afterellen.com

Répondre