Amores Urbanos : Interview de la réalisatrice et scénariste, Vera Egito

Vera Egito Restless Love Amores Urbanos

Interview accordée à Daniela Costa le 3 mai 2016 pour le site Afterellen.com

Étant moi-même à moitié brésilienne, j’ai grandi en regardant beaucoup de télénovelas et quelques films brésiliens. Aujourd’hui, je passe plus de temps à regarder des films étrangers que des soaps, donc, pour une fois, ça fait du bien de pouvoir regarder un film sans avoir besoin de sous-titres (mais ne vous inquiétez pas, il y en a quand même !). Amores Urbanos est une comédie qui se passe à São Paulo et suit trois amis dans leurs vies chaotiques. L’une de ces amies, Mica (Renata Gaspar), est en couple avec Duda (Ana Cañas), une actrice dans le placard.

Amores Urbanos est le premier film de Vera Egito en tant que scénariste et réalisatrice. Nous l’avons interrogée sur ses inspirations pour le film, sur les critiques qui disent que son film n’est pas suffisamment brésilien, sur la problématique des acteurs brésiliens dans le placard et sur bien d’autres choses encore.

Attention : spoilers en vue.

Qu’est-ce qui vous a motivée à faire un film sur trois amis ? En particulier une lesbienne, un gay et une hétéro.

Amores Urbanos est beaucoup inspiré de ma vie et de la vie des mes amis. Enfin, pas réellement. Je dis souvent que c’est une « fiction de ma vie » parce que c’est vraiment inspiré de nous. Certaines personnes du milieu — pas de vrais amis — m’ont demandé : « Tu as tellement d’amis homos. Pourquoi ? ». Et j’ai répondu : « Je ne sais pas. C’est comme ça ». Donc en gros c’est ma vie. Mica, Duda et Diego (Thiago Pethit) sont inspirés de personnes que je connais et de personnes de qui je suis très proche. Sincèrement, je ne vois pas d’histoire homo. Pour moi, une histoire d’amour est une histoire d’amour.

Amores Urbanos c’est ma vie. Je connais ces gens. Je sais comment ils s’habillent. Je sais comment ils parlent. Je sais où ils vivent. C’est moi. C’est tellement naturel. D’un autre côté, le truc difficile a été d’être fidèle à cette génération, à ce groupe. Parce que le film fait le portrait d’une génération qui vit dans les grandes villes de nos jours, donc il fallait que je sois fidèle à ce que cette génération est. De mon point de vue, je crois que nous avons réussi parce que les retours du public ont été très positifs.

São Paulo est-elle très importante pour le film ? Je crois que le public, en particulier le public non brésilien, sera content de voir un univers différent de Rio de Janeiro ou du Brésil rural.

Je ne sais pas si c’est une bonne chose. J’ai eu quelques retours pas très bons à certains festivals parce que les gens trouvaient que le film ne représentait pas le Brésil qu’ils voulaient montrer, ou le Brésil auquel ils s’attendaient.

Et ils s’attendaient à quel Brésil ? Le même Brésil que celui qu’on voit tout le temps ?

Oui, probablement. Dans un festival, mon film ne serait pas celui qui représenterait le Brésil. J’ai entendu des gens du métier dire « Oh, mais cette histoire pourrait se passer à Londres ». J’ai répondu « Oui, mais ce n’est pas le cas ». Il n’y a pas cette… couleur latino-américaine, je ne sais pas. Bien sûr, je ne suis pas d’accord avec ça parce que le Brésil c’est tout. Bien sûr que le Brésil est aussi rural, qu’il est aussi Rio. Mais, il est aussi São Paulo.

C’est très important. Je suis née et ai été élevée là-bas. Bien évidemment, c’est une ville de fous, il y a beaucoup de violence et de chaos et beaucoup de mauvaises choses. Mais, en même temps, c’est une ville libre. Vous pouvez être ce que vous voulez être. J’ai appris ça quand j’étais ado. Vous pouvez choisir le groupe auquel vous voulez appartenir : musique, mode de vie, et bien sûr vie amoureuse. Rien n’est bizarre là-bas. Et je pense que le film est comme il est grâce à São Paulo, grâce au fait que vous puissiez agir comme bon vous semble.

Sur les trois amis — et ils ont chacun des trucs qui leur arrivent — diriez-vous que Mica est celle qui est la moins chaotique ?

Oui, c’est elle qui gère le mieux. C’est la meilleure. Pendant l’écriture et après quand on répétait avec les acteurs, tout le monde disait tout le temps « Mica est la meilleure ». Parce qu’elle est tellement géniale. Et ce n’est pas qu’elle est parfaite, parfois elle fait des trucs bizarres. Par exemple, elle est beaucoup trop honnête. Elle a des problèmes aussi. Mais, elle est juste tellement gentille. Elle a un cœur d’or. Et je crois que c’est pour ça qu’elle ne comprend pas le comportement de Duda. Parce que, pour elle, c’est plus simple que ça. Elle aime ses amis, elle aime sa vie, et elle aime Duda. Donc c’est simple, pas vrai ? Mais non, parce que ce n’est pas aussi clair que ça pour tout le monde.

C’est ça que Mica représente ? La personne qui, dans l’ensemble, ou tout du moins en apparence, gère bien sa vie et fait la plupart du temps les bons choix, mais qui a tout de même des problèmes au fond ?

Elle est inspirée de deux de mes amies. Elles ont eu exactement la même expérience avec des actrices au Brésil. C’était vraiment dur pour elles. Donc, je me suis inspirée de ces amies.

Je crois qu’elle représente la personne qui mérite d’avoir une relation sympa. Depuis le début on lui souhaite ça. Elle mérite mieux parce que c’est une fille bien. Ça rend le conflit avec Duda plus compliqué encore parce que Duda n’est pas vraiment une mauvaise fille. Elle a ses raisons. Si vous ne les acceptez pas, vous ne devriez pas sortir avec elle. Mais Mica sort avec elle parce qu’elle est amoureuse. C’est ça le problème.

Bien que je connaisse quelques chanteuses brésiliennes lesbiennes ou bi très médiatisées, je ne connais pas d’actrices brésiliennes homos très médiatisées. Est-ce que cette histoire Mica-Duda est l’occasion pour vous de parler des actrices dans le placard au Brésil ? Reconnaissez-vous que cela soit un problème ?

Nous avons beaucoup d’acteurs ou actrices lesbiennes et gays. Beaucoup. J’ai beaucoup d’amis homos, même chez Globo — c’est la grosse chaîne de télé d’ici —, mais ils sont tous dans le placard. En réalité, ils ne sont pas dans le placard dans le privé. Tout le monde sait qu’ils le sont. Ce n’est pas un problème pour eux. Mais les médias et le public ne parlent pas de ça, et les gens croient vraiment qu’ils sont hétéros. C’est fou, mais je n’ai pas vraiment d’avis là-dessus parce que je trouve que c’est très délicat de dire à quelqu’un « Tu devrais faire ça ». Je ne sais pas ce que telle personne devrait faire. Chacun fait ce qu’il veut.

Duda fait passionnément valoir ses arguments sur le fait qu’elle n’ait pas besoin de faire son coming-out. D’autres personnes pensent sincèrement la même chose, se référant au fait que les personnes hétéros n’ont pas besoin de faire de coming-out hétéro. Cependant, est-ce que Duda pense vraiment cela ? Ou se trouve-t-elle juste des excuses ?

Je pense qu’elle essaie d’y croire. Mais, je crois qu’elle est triste à l’idée de perdre Mica, et elle sait qu’elle est en train de la perdre. Elle le sait. Mais, elle ne peut pas s’en empêcher. J’imagine qu’elle va probablement de nouveau sortir avec une fille, et qu’elle gèrera peut-être mieux ses sentiments. Mais, comme Mica est la première, elle est effrayée. Elle ne sait pas comment gérer tout ça. Je pense que ça ira mieux dans sa prochaine relation.

À un moment, Duda admet qu’elle est une petite-copine moisie. Mais, même en sachant cela, elle ne fait rien pour changer. Elle fait des promesses qu’elle ne tient jamais. Qu’est-ce que cela veut dire sur son personnage ?

Je crois que Duda est honnête dans sa folie. Elle ne ment jamais. Je crois donc que c’est positif. Ceci dit, encore une fois, Mica mérite mieux, mais il faut qu’elle aille trouver mieux parce que Duda est comme ça. Je pense qu’il faut que l’on accepte l’idée que l’amour n’est pas parfait. Si vous voulez un amour parfait, alors il faut que vous tombiez amoureuse de la personne parfaite. La plupart du temps, on ne veut pas de quelqu’un de parfait, on veut la « bad girl ». Et si vous voulez la « bad girl », il vous faut être suffisamment mûre pour la ou le gérer.

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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