Suffragettes et lesbiennes en Angleterre au début du XXe siècle

Le droit de vote féminin est une longue bataille. La revendication est née dans la seconde moitié du XIXe siècle et elle s’internationalise à la fin du XIXe siècle. Le premier congrès international du droit des femmes a lieu à Paris en 1878 et l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes est créée à Berlin en 1904. En Angleterre, le combat est plus précoce. Il commence dans les années 1860 avec programme de John Stuart Mill pour le droit des femmes au Parlement. Ce programme rencontre l’hostilité de la plupart des libéraux mais surtout de la reine Victoria. En 1867 est fondé la National Society for Women’s Suffrage qui rassemble une soixantaine d’associations qui militent pour le droit des femmes en faisant le choix de la négociation. Cette voie modérée est contestée par le mouvement activiste des suffragettes fondé en 1903 par Emmeline et Christabel Pankhurst, qui prônent le recours à la force.

Suffragettes et Lesbiennes

Ce mouvement s’appelle le Women’s Social and Political Union. Il utilise tous les moyens, y compris illégaux, pour se faire entendre.

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Assez vite, la question de la sexualité se pose. Le combat pour le féminisme s’est souvent accompagné d’une interrogation sur la féminité et la place de la femme dans la société. Contrairement au féminisme de la fin des années 1960 et des années 1970, celui du début du XXe siècle ne pense pas en termes de libération des mœurs. Le féminisme s’inscrit d’abord dans la volonté commune aux féministes d’être indépendante financièrement, ce qui s’accompagne souvent d’un refus du mariage, vu comme un assujettissement. Mais, le refus du mariage pose problème : la féministe doit-elle être célibataire ? Abstinente ? Peut-elle avoir une sexualité libre sans que sa moralité ne soit remise en cause ? Est-elle encore une vraie femme ? C’est en effet l’attaque des hommes et des femmes hostiles au combat des suffragettes, comme le montre la caricature suivante, datée de 1905 et intitulée : « Sensible and responsible women do not want to vote », c’est-à-dire : les femmes sensées et responsables ne veulent pas voter. Le renversement des valeurs morales et des rôles sexués est mis en valeur par le mari qui se retrouve avec un bébé dans les bras dont il ne sait pas quoi faire.

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Kathlyn Oliver est une suffragette anglaise qui est connue pour ses prises de position sur la sexualité dans le journal militant The Freewoman qui a paru hebdomadairement entre le 23 novembre 1911 et le 10 octobre 1912. Issue du milieu ouvrier, un temps secrétaire du Syndicat des Domestiques de Grande-Bretagne, elle a publié en 1911 un ouvrage sur les Domestiques et la citoyenneté à la Fédération de suffrage du peuple. Son combat pour le vote est donc double, car elle exclue deux fois : en tant que domestique et en tant que femme.

Dans l’article, Kathlyn se présentait comme une célibataire abstinente qui prônait la chasteté pour les femmes qu’elle pensait supérieures aux hommes parce qu’elles savaient dominer leurs bas instincts. Elle écrivait qu’elle n’avait jamais eu de relations sexuelles mais qu’elle ne s’en portait pas plus mal, car contrairement à ses amies mariées, elle n’avait jamais eu besoin de consulter un médecin depuis ses 6 ans. Son article avait provoqué un débat assez intense et sa principale contradictrice, Stella Browne, arguait qu’il fallait lutter contre le double standard en matière de moralité entre les hommes et les femmes, double mesure aggravée par l’amendement de 1912 qui traitait les femmes plus durement que les hommes en cas d’adultère ou d’infidélité conjugale.

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Cette dernière demandait donc un radicalisme libre-penseur, y compris en matière sexuelle, et une sexualité non restreinte mais égale à celle des hommes. Elle luttait donc pour le droit à l’avortement et pour le droit des femmes à disposer de leur utérus. Kathlyn Oliver avait répondu en distinguant habilement sentiment ou désir et passage à l’acte. Elle désirait se distinguer des hommes par une sexualité auto-restreinte et régulée.

Toutefois, en 1915, la même suffragette écrit à Edward Carpenter, homosexuel notoire et militant, après avoir lu le Sexe intermédiaire. Cet ouvrage se veut un livre d’émancipation homosexuelle en pleine période victorienne. Il a été publié par Edward Carpenter en 1908 et il est considéré comme l’un des textes fondateurs des mouvements LGBT en Europe au XXe siècle.

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