Salon du Livre Lesbien et Black Pride, les communautés, facteurs de division ou de rassemblement ?

Communauté arc en ciel

Voilà un bon moment que la Grande Yaka Faukon était un peu en mode hibernation… En même temps, la météo me donnait plutôt raison. Mais depuis quelques jours, j’ai lu ici et là quelques réactions sur deux sujets tout à fait différents et qui pourtant se rejoignent, qui m’ont fait réfléchir. D’une part l’organisation d’un Salon du Livre Lesbien et d’autre part l’organisation d’une Black Pride, tous deux à Paris. Dans les deux cas, en particulier pour la Black Pride, j’ai vu apparaître des commentaires qui protestaient contre ces évènements sous la forme : Pourquoi mettre une étiquette sur tout ? Pourquoi un salon du livre pour les livres lesbiens, un livre n’est-il pas un livre avant tout ? Et pourquoi une Black Pride, un(e) LGBT n’est-il (elle) pas un(e) LGBT quelle que soit sa couleur ?

La première question que je me suis posée fut « ces personnes font-elles partie de la communauté visée ? ». Parce que si ce n’est pas le cas, leurs commentaires me semblent peu justifiables. C’est un peu comme lorsqu’une personne caucasienne vivant, par exemple, au Royaume Uni, pense pouvoir expliquer à une personne de couleur ce qu’est le racisme. Ça n’a pas beaucoup de légitimité. Le racisme ne se limite pas à un skinhead gueulant « Paki » dans la rue. Il y a des formes beaucoup plus insidieuses, et ceux qui ne l’ont jamais vécu ne peuvent pas prétendre appréhender totalement le problème. Je m’inclus dans cette catégorie car, après avoir vécu 5 ans avec une indienne, j’ai bien remarqué que ce qu’elle considérait comme raciste m’échappait parfois complètement. Bref revenons à nos moutons.

Finalement l’interrogation des personnes qui critiquent l’organisation de ces évènements pourrait d’après moi se résumer à « mettre une étiquette, est-ce créer une communauté ou en diviser une autre » ? Est-ce diviser la communauté des auteurs que de labelliser certains d’entre eux d’auteurs lesbiens ? Est-ce diviser la communauté LGBT que d’organiser une Black Pride ? Dans un monde où toutes les minorités auraient les mêmes droits, la même acceptation, les mêmes accès et le même traitement, peut-être. Mais dans notre monde, qui vient encore de prouver à Orlando qu’on en est loin, je ne pense pas. Le sentiment de communauté n’est pas nécessairement communautarisme, mais plutôt l’idée de faire mieux, d’être plus fort ensemble, au sein d’une minorité, quelle qu’elle soit. Et de ce sentiment de sécurité, de cette énergie, peut naître de belles histoires ou de belles idées.

Alors oui, pour moi, revendiquer écrire ou éditer des livres lesbiens, les mettre en avant dans un Salon du Livre, est un acte d’ouverture sur le monde et non un repli communautaire. C’est donner sa chance à des œuvres qui auraient bien du mal à contrer une majorité hétéro-normée difficile à contourner. Et organiser une Black Pride à Paris, ce n’est pas non plus fermer une porte. C’est, à mon sens, reconnaître qu’il existe une minorité dans la minorité. C’est admettre que ce n’est pas parce qu’on est LGBT qu’on ne souffre pas du racisme, et plus encore, c’est faire le constat difficile mais nécessaire que la communauté LGBT n’est pas exempt de racisme.

Soyons donc un peu optimistes dans une actualité qui ne l’est guère, je vous l’accorde, et voyons dans ces évènements des rassemblements et non des divisions. Et vive le Salon du Livre Lesbien et Vive la Black Pride ! 😉

A propos de Sylvie Geroux

Née à Amiens en 1975 et géologue de formation, Sylvie Géroux travaille actuellement à Amsterdam après un séjour londonien de quelques années. Passionnée de lecture, elle commence à écrire à l'adolescence des nouvelles de tous genres, de la romance à la science fiction. C'est finalement chez HQN qu'elle publie son premier roman, Nadya & Elena, la première romance lesbienne de la collection.

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