Butch Jamie : Interview de la scénariste, réalisatrice et actrice Michelle Ehlen

Butch Jamie : Interview de la scénariste, réalisatrice et actrice Michelle Ehlen

Interview réalisée par Stephen Beeny le 19 février 2010 pour le site Gaydarnation

Quel est votre point de vue sur la terminologie butch/fem ? Vous aimez ou vous détestez ?

J’adhère à cette terminologie jusqu’à un certain point, toutefois je trouve que les étiquettes peuvent être réductrices, donc je les élargis à ma façon. Par exemple, je revendique une identité “butch”, mais je définis moi-même ce qu’est pour moi mon idée d’une butch – et non pas ce que quelqu’un d’autre dit que ça doit être.

C’est drôle, parce que parfois, quand je côtoie des butchs plus traditionnelles, je ressens parfois cette sorte de message émanant d’elles, du genre : « Tu n’es pas assez masculine pour porter la culotte. » Tout ce concept de mec balèze, c’est un truc qui ne me parle pas vraiment.

Pourquoi les lesbiennes butchs semblent-elles rares dans les films – y compris les films lesbiens ?

Je pense que les gens ont peur que le public ne puisse pas s’identifier à elles, ou n’ait pas envie de les voir, ou qu’elles ne soient pas aussi jolies à regarder que les fems ou un truc du genre. Je suis surprise que le cinéma lesbien caste des fems en rôles principaux et j’ignore s’ils font ça parce qu’ils pensent que c’est plus vendeur ou parce que pour eux ça a plus de sens.

Par exemple, à Los Angeles, où beaucoup de films sont faits, un très grand pourcentage de lesbiennes se présentent comme féminines, même si elles sont “butchs” par ailleurs. La culture est ainsi faite à L.A. Donc je ne sais pas si c’est un facteur ou non…

Que pensez-vous de l’état actuel du cinéma homo à l’heure actuelle ?

À mon avis, les films homos ont l’air de devenir plus grand public et banals. On ne sent plus vraiment cette impression de film indépendant qui y était attaché, ce qui est ironique d’une certaine façon, car plus que jamais, ce sont des indépendants qui les font, maintenant que la révolution numérique a rendu les choses plus abordables.

Mais parce qu’ils sont produits en plus grand nombre, il y a moins de revenus à la clé. J’ai entendu qu’à “la belle époque” – dans les années 90 – les films homos “garantissaient” de rapporter deux millions de dollars au box office. De nos jours, ils sont déjà extrêmement chanceux d’en empocher 200,000. Donc je crois que bien que les films coûtent moins cher à réaliser, il y a moins de prise de risques sur le plan créatif.

Pensez-vous qu’il soit plus difficile de mettre sur pieds un film lesbien qu’un film gay ?

Je dirais oui, sûrement, parce qu’il est un peu plus difficile de les vendre. Les gay, pour le meilleur ou pour le pire, sont de plus gros consommateurs que les lesbiennes, donc en général, ça signifie plus de ventes. De plus, une grande majorité (il semble) de la communauté LGBT faisant des films à L.A. sont des hommes, donc je pense que les films gay sont plus facile à mettre en place pour ces raisons.

Je m’aventurerais aussi à dire que la plupart des investisseurs de films (les gens riches qui ont l’argent) sont aussi des hommes. Donc une fois encore, il est plus facile de faire appel à eux pour un film gay. Pourtant, je pense qu’il y a une grande demande de films lesbiens – à mon avis, il y a un plus grand manque ici que pour les hommes, donc je pense que ça jouerait en notre faveur. Les gens pourraient apporter leur soutien à un film lesbien justement parce qu’ils sont peu nombreux à être faits.

Beaucoup d’acteurs homos préfèrent encore taire leur orientation sexuelle. Cela peut-il encore être un suicide professionnel ?

Je pense que cela résulte beaucoup d’une peur qui n’est pas forcément fondée. Au contraire, il semble que les gens deviennent plus célèbres après être sortis du placard. Mais je comprends tout à fait ça, car les gens qui ont à peine dix ans de plus que moi ont grandi à une époque bien différente. Je pense qu’il faut beaucoup de temps pour dépasser tous les préjugés au contact desquels vous avez grandi. Je crois que les choses changeront avec la nouvelle génération d’artistes, même si c’est d’abord leurs agents, managers et attachés de presse  qui devront changer de mentalités.   

Quels sont vos films communautaires préférés ?

Mon film lesbien préféré est Kissing Jessica Stein. J’ai vraiment eu le béguin pour Jessica et j’ai adoré la regarder essayer d’être une lesbienne – c’était comme une représentation fantasmée de chaque femme hétéro pour laquelle j’avais eu un faible. J’ai aussi aimé Tipping the Velvet de Sarah Waters – elle trouve toujours de supers rebondissements dans les scénarii de ses films.

Si vous pouviez faire le remake de n’importe quel film, lequel choisiriez-vous et qui voudriez-vous y voir jouer ?

J’ai toujours voulu jouer Rizzo dans Grease, même si je ne suis pas sûre de vouloir faire un remake de ce film. Peut-être que ce serait sympa de refaire Beignets de tomates vertes, en accentuant le côté lesbien.

Finissez la phrase : un bon film commence par…

Un bon script.

Et se termine avec…

D’excellents acteurs.

Quel cliché s’applique le plus à vous ou à votre vie ?

Il ne faut pas juger un livre à sa couverture.

Et pour terminer, quels sont vos futurs projets ?

Je travaille sur une paire de trucs. J’ai écrit une suite à Butch Jamie appelée “Heterosexual Jill” que je suis sur le point d’aller proposer aux producteurs. Je commence aussi la production d’un long métrage comique, POP-U-larity ! un “mocumentaire”, sur un concours de chant dans une petite ville. C’est un film harmonieux plein de personnages excentriques – certains homos, d’autres pas. J’y joue un cow-boy. Dans quelques semaines, nous allons essayer de tourner une scène avec moi et des chevaux qui dansent – ça devrait être marrant !

Traduction Magali Pumpkin

Interview Originale sur le Site Rainbownetwork.com

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