D’Ailleurs de Verena Stefan

D'Ailleurs de Verena Stefan

Titre Français : D'Ailleurs

Titre Original : Fremdschläfer

Auteur : Verena Stefan

Date de Sortie : 01 Novembre 2008

Nationalité : Allemande

Genre : Roman Contemporain

Nombre de Pages : 246 pages

Éditeur : Héliotrope

ISBN : 978-2-923511-13-9

D'Ailleurs : Quatrième de Couverture

On entre dans le plus récent roman de Verena Stefan, comme dans une eau dont le flot nous entraînerait rapidement loin. On entre dans les innombrables strates de la pensée d’une étrangère d’abord désorientée à l’intérieur d’un territoire qu’elle découvre – Montréal et la campagne alentour -, où elle se laisse dériver entre les langues. On vit avec Lou, qui lui raconte les animaux sauvages peuplant le territoire – les couguars, les ours et les loups justement. On traverse l’effroi, le cancer, la chimio qui attaque le vivant. On arpente les rues de la ville, la couleur des gens d’ici et, au bout d’une rue, on retrouve un village suisse de l’enfance. Et de cette épaisseur dense et fascinante du réel monte une sorte de courant chaud, d’hymne à l’amour et à l’appétit de vivre.

Verena Stefan est née à Berne en 1947. À vingt ans, elle quitte la Suisse pour l’Allemagne. C’est là qu’elle publie son premier roman en 1975, Mues, texte féministe marquant et best-seller traduit en huit langues. Depuis 1999, elle vit à Montréal. D’Ailleurs, son sixième livre, paru en langue allemande en 2007, a été chaleureusement salué par la critique.

D'Ailleurs : Avis Personnel

Ce roman de Verena Stefan est tout simplement éblouissant. Je me suis fait happer par son style littéraire, sa manière d’écrire et les descriptions qu’elle offre, dès les premières pages. Au tout début, je me suis demandé où elle avait projeté de m’emmener et puis au final, j’ai arrêté d’essayer de comprendre et je l’ai laissée me prendre par la main et me guider. Le moins que l’on puisse dire c’est que je n’ai pas été déçue.

On voyage à travers le Canada, on découvre Montréal, ce pays nouveau en même temps que l’on apprend sa langue. C’est exceptionnel ce jeu des langues qui arrive à ressortir malgré la traduction française. Ce mélange de français, d’anglais, d’allemand. On suit la vie d’une femme qui a quitté l’Allemagne pour émigrer à Montréal, auprès de Lou. On découvre ses racines, ses interrogations, cette force du langage, de ce passé que l’on porte en nous.

Et puis tout se mélange après une terrible découverte. Celle d’une boule dans un sein. D’abord on refuse de voir, de comprendre et bientôt se met en place l’implacable pour lutter contre ce qui est réellement en train de se développer, ici, un cancer. On découvre ainsi la mutilation de la chirurgie, l’épuisement de la chimiothérapie et ce nouveau monde que parcourent les malades.

L’écriture vraiment unique donne une force incroyable à un récit qui suit le cours étrange de la pensée. Pas vraiment de début ni de fin, juste des idées, des découvertes, des constatations. Avec, dispersés, ici et là, des moments bouleversants et marquants comme ces souvenirs des promenades avec le grand-père malade qui ne servait plus à rien et qui marchait lentement, c’est-à-dire au rythme de cette enfant qui n’avançait pas encore vite…

Un livre surprenant et fort à découvrir.

D'Ailleurs : Extraits

« Tu dis à Lou : my swiss grandfather… et tu t’arrêtes de nouveau. Le grand-père était assis sur le banc du jardin derrière la maison. Tu le vois clairement assis devant toi, comme s’il était assis à la terrasse d’un café de la rue Saint-Denis, mais tu ne sais même pas s’il parlait le français, l’anglais sûrement pas. Tu vois qu’il a de la difficulté à respirer. Il aspire l’air avec difficulté, la bouche ouverte, puis l’expire. Il porte un habit gris avec une veste, une de ses chemises blanches à petit col montant, le dernier bouton n’est pas fermé. Le veston et la veste flottent sur son torse. Ses mains sont jointes entre ses genoux, comme s’il n’avait plus rien à faire. Il faut qu’il m’accompagne au magasin du village et me demande : Was hättsch gärn ? et tu penses, que fait-il ici à Montréal !
Il y a eu ce grand-père là et un grand-père en Allemagne. Tu dis à Lou je n’ai jamais de ma vie prononcé une phrase qui commençait par « mon grand-père suisse ». Outre-mer, le mémorial familial commence avec d’autres mots : my swiss grandfather avait les cheveux hérissés, une barbe de trois jours, des boutons de col polis et un foie malade. J’ai besoin de sa main pour ouvrir la lourde porte d’entrée, pour le faire entrer dans le récit, en sautillant d’impatience, pour ouvrir la porte du jardin en fer forgé dont la poignée est fixée trop haut pour moi, dehors ! Dehors ! De la porte du jardin qui est entourée d’une haie de thuyas, jusqu’à dehors dans la rue et puis à droite en passant par la ferme voisine.
Tu dis à Lou déjà là, à mi-chemin dans la cour intérieure de la ferme, le grand-père s’arrête haletant pendant que je gigote, cours vers le puits fait de pierres, retourne vers lui, le prenant par la main, comme si je devais le protéger d’un faux pas, pour qu’il ne trébuche pas, pour qu’il n’ait pas de mal à respirer sur le chemin menant au magasin. Le chien noir est couché au milieu de la cour intérieure avec sa tête en direction de la rue, les mollets des enfants lui passent sous le museau. Avec le grand-père c’est plus facile de passer à côté du chien noir, de la gueule, des haies de thuyas, de l’eau qui clapote, d’une étable de vaches en tirant un tas de fumier jusqu’au magasin, jusqu’au magasin du coin. » (pages 77-78)

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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