Des lesbiennes à Hollywood ?

Le cinéma est une invention française et américaine de la fin du XIXe siècle. La première caméra qui était aussi le premier projecteur s’appelait un cinématographe et fut imaginée par les frères Lumière en 1895. Les premiers films duraient quelques minutes seulement, mais très vite le succès fut immense et les progrès techniques rapides. Aux États-Unis, le cinéma devint rapidement une industrie prospère avec des studios, des sociétés de production et des acteurs payés au nombre d’entrées dans les toutes premières salles de cinéma. Hollywood, situé sur une colline à 11 kms de Los Angeles, devint pendant la Première Guerre mondiale la capitale mondiale du cinéma. Elle fut annexée par la ville de Los Angeles. Pour en savoir plus : Cinemaclassic.free.fr

Jusqu’en 1927, le cinéma était un art muet et en noir et blanc. Les acteurs des premiers longs-métrages n’en étaient pas moins déjà des stars chèrement payées. Dans ce petit milieu très restreint et loin de la Côte Est, un groupe de jeunes femmes, des starlettes de toutes origines sociales et culturelles, se sont rapprochées, et ont formé, entre 1915 et 1934, ce que l’actrice Alla Nazimova a appelé un « sewing circle », c’est-à-dire au sens littéral un « cercle de couture » et au sens effectif une sorte de réseau d’actrices ou de gens de cinéma lesbiennes ou bisexuelles. Comment comprendre ce phénomène et qu’en penser ?

Les ouvrages qui étudient ce « sewing circle » datent du milieu des années 1990 et émanent plutôt de journalistes. Il existe deux livres américains sur cette question. Le premier a été écrit par le journaliste américain d’origine danoise, Axel Madsen, en 1995 et s’appelle The sewing circle: Hollywood’s greatest secret: female stars who loved other women. Le livre a eu un succès de scandale. Le second, plus récent, date de 2002 et a été écrit par la journaliste people Diana MacLellan : il s’agit de The Girls: Sappho Goes to Hollywood. Ces travaux s’appuient sur des témoignages rares et sur des dossiers du FBI concernant les actrices d’Hollywood.

Pour ces auteurs, il y a eu à Hollywood un grand moment de liberté pour les actrices avant l’adoption d’un code de conduite très strict en 1934 : le code Hays. Ce code a été établi par le sénateur William Hays, président de la Motion Pictures Producers and Distributors Association, en mars 1930. Il a été mis en application entre 1934 et 1966 par l’Administration du code de production (Production Code Administration) à la suite de plusieurs scandales qui ont entaché la réputation des studios d’Hollywood, en en faisant des lieux de débauche morale et sexuelle. Ce code concernait en particulier les questions de représentation sexuelle et encadrait la définition du bon goût et de la délicatesse. Pour le consulter : Artsreformation.com

Avant ce code, les actrices auraient joui d’une plus grande permissivité et auraient été toutes, plus ou moins, lesbiennes ou bisexuelles. Toutefois, ce grand moment de liberté aurait eu ses limites : celle de la sous-culture, relativement admise dans le milieu professionnel mais cachée aux yeux du grand public qu’il ne fallait pas choquer.

Quel crédit accordé à ce genre de livres ? D’où viennent leurs « informations » ? Ne peut-on pas voir dans ce genre d’ouvrages ressurgir l’idée d’une communauté cachée où se conjuguent relations occultes fondées sur des relations sexuelles pensées comme des fruits de la perversion et permettant à des jeunes femmes de parvenir au succès, à la richesse et au pouvoir ?

Le problème vient en effet de la provenance des informations : celles-ci proviennent soit de mémoires d’actrices « mineures » racontant leurs exploits ou multiples relations avec des stars qu’elles « outent » sans leur consentement (outing souvent d’ailleurs démenti par les intéressées), soit de rapports de filature du FBI, soit de plaintes de maris jaloux dans un milieu très particulier où la renommée compte beaucoup pour assurer le succès commercial d’artistes et de films.

Alla Nazimova ou l’origine du « sewing circle »

L’origine de l’expression « sewing circle » est attribuée à l’actrice d’origine russe Alla Nazimova. Cette dernière est née à Yalta avant la Grande Révolution russe de 1917. Elle et sa famille doivent fuir la Russie à cause des pogroms, c’est-à-dire des massacres de population juive. Elle est élevée en Suisse, à Montreux. C’est une jeune fille douée pour les langues et pour les arts. Elle se révèle une excellente danseuse. C’est sur scène qu’elle prend le pseudonyme d’Alla Nazimova, pour plaire à son père. Elle retourne en Russie, en 1896, et entre dans une troupe de théâtre qui fait des tournées dans toute l’Europe. Elle s’y fait remarquer. En 1905, elle quitte l’Europe, la Russie et son mari pour émigrer aux États-Unis. Elle y apprend l’anglais sur le tas, en quatre mois. Elle devient la protégée d’un auteur influent de Broadway.

Des Lesbiennes a Hollywood

En quelques années, elle s’impose sur les scènes de théâtre d’avant-garde en jouant des pièces modernes de Tchékhov et Ibsen. Elle intéresse les studios de cinéma d’Hollywood en quête d’actrices déjà connues et populaires. Elle est engagée par la MGM, la Metro-Goldwyn-Mayer, le plus grand studio de cinéma de l’époque, en 1916. Elle décroche un imposant contrat qui lui assure 13 000 dollars par semaine. Son premier film est un succès commercial phénoménal et l’actrice est engagée pour tourner 11 autres films dans les trois années qui suivent.

Des Lesbiennes a Hollywood

Alla Nazimova devient richissime en très peu de temps. Elle se fait construire un hôtel particulier sur Sunset Boulevard appelé le « Jardin d’Allah » qui acquiert rapidement la réputation d’être un lieu de débauche avec sa grande piscine et ses jardins odorants.

Des Lesbiennes a Hollywood

Mariée à l’acteur homosexuel Charles Bryant, elle cumulerait de son côté les conquêtes féminines. Leur mariage de convenance, voulu par la MGM, serait ainsi un « lavender marriage » : un artifice commercial supplémentaire. De nombreux acteurs viennent aux soirées données par « Madame », surnom de Nazimova, dite également « l’Inoubliable ». De nombreux témoignages existent, y compris de ses amantes, telle Eva Le Gallienne qui vécut brièvement avec Alla Nazimova dans sa propriété en 1918.

Des Lesbiennes a Hollywood

Répondre