Agathe et Lou : Interview de la scénariste et réalisatrice Noémie Fy

Noémie Fy

Interview accordée à Isabelle B. Price le 07 Octobre 2013 pour le site Univers-L.com

L’ambiance sur le tournage était comment d’ailleurs ?

Le tournage c’est à la fois génial et effrayant. Je crois qu’il a été à l’image de l’histoire, plein d’amour et bourré de difficultés… Je ne suis pas très à l’aise avec le monde et surtout je suis quelqu’un d’assez lent, j’ai besoin de beaucoup de concentration et de réflexion pour décider et c’est assez contradictoire avec l’esprit d’un tournage bénévole où l’on doit faire tout très vite, pour des raisons d’argent et de disponibilités. Un tournage c’est un peu une colo où tout est très vite exacerbé. On vit tout mille fois plus fort… Et puis les scènes dans la cuisine, celle du début et surtout celle de la fin, ont été un vrai supplice à tourner et j’ai, je l’avoue, eu du mal à prendre du recul. Mais je ne regrette pas. Après, je sais que le prochain tournage ne ressemblera pas à cela, parce que je n’aborde plus la réalisation avec le même trac. Une fois que l’on a compris que l’on pouvait aller au bout d’un premier film, je dirais que l’on a davantage confiance en la suite. On sait que ce que l’on écrit seul devant son ordinateur, pourra réellement un jour aboutir dans le concret.

Quels sont les mentors qui vous ont inspirée ?

J’aime certains films de Dumont, Pialat, Haneke, Bonello, Kiarostami, Kechiche, Resnais, le film Oslo 31 août… les courts-métrages de Manuel Schapira ou encore les séries comme The Wire… mais ce serait mentir que de dire que je me suis inspirée de quelque chose ou de quelqu’un pour Agathe et Lou. Je crois que j’ai rassemblé toutes les sensations de cinéma que j’avais glanées depuis quelques années et je les ai injectées dans ce court, avec plus ou moins de maladresse. Aujourd’hui, avec du recul et après avoir vu énormément de courts, et de films avec un autre œil, je pense que j’aimerais m’approcher de la justesse de Kechiche, notamment dans son dernier film La Vie d’Adèle. Il a une telle exactitude dans les émotions, les dialogues, il touche à une vérité de l’être dans toute sa trivialité qui est extraordinaire.

Que retirez-vous de l’expérience du crowdfunding ?

Que c’est une très belle expérience que je souhaite à tous les porteurs de projet, mais que je n’aurais pas la force de réitérer. C’était inattendu et tellement génial de voir l’engouement qu’il y a pu avoir autour de l’appel à don ! Mais c’est épuisant car j’ai dû me transformer en une espèce de commerciale qui devait à tout prix trouver de l’argent et ça a été un travail de longue haleine pendant quasiment deux mois. Et je ne suis pas très à l’aise à l’idée d’aller démarcher de l’argent auprès d’amis… mais au final, on a été au-delà de la somme demandée et certaines personnes que je ne connaissais même pas ont été d’une générosité telle que je n’en garde que du positif. Cependant, pour un prochain film, je passerai par la voie plus classique de la boîte de production, afin de me concentrer davantage sur le court-métrage que sur l’aspect démarchage de fonds.

Agathe et Lou sera diffusé dans plusieurs festivals, comment vivez-vous ce succès ?

Haha la question est amusante car je ne parlerais pas vraiment de succès. Le film a en effet eu la chance d’être choisi dans trois festivals au mois d’octobre et de novembre et je ne pouvais pas espérer mieux d’un premier court-métrage auquel au départ, je ne prédisais rien de particulier. Après, les festivals de courts sont légion et pour estimer avoir du succès dans l’univers du court-métrage, il faut bénéficier d’une diffusion plus large, de prix, etc. Je dirais que je suis heureuse dans mon petit coin, heureuse pour les actrices qui l’ont amplement mérité au vu du travail qu’elles ont fourni et qui sont nominées toutes les deux dans la catégorie jeunes espoirs à Moulin, ce qui est fou ! Je suis surtout contente que le film puisse circuler un peu afin peut-être, de soulever un débat autour du sujet, car c’était avant tout ce que je souhaitais : discuter autour des violences. Et non bien sûr, je ne vais pas bouder mon plaisir au sujet de ces trois sélections, j’en suis fière quelque part car c’est mon premier court mais je préfère rester concentrée sur la suite.

Pouvez-vous nous parler un peu de vos nouveaux projets ?

J’ai commencé le scénario de mon prochain court-métrage qui me rend très enthousiaste car cette fois-ci je me sens plus à l’aise avec l’écriture, la réalisation et surtout ça n’est pas un sujet personnel qui m’empêcherait d’avoir du recul. Cela se passera dans un univers très masculin pour le coup, encore un sujet très dur… je crois que j’ai définitivement envie d’orienter le cinéma que je voudrais faire vers la représentation de problématiques homosexuelles complexes, tout en les plaçant dans un contexte le plus réaliste possible, au-delà des clivages de genre, de communauté… j’aimerais aller à l’encontre du cinéma lesbien cucul (que je ne renie pas pour autant hein, j’ai chialé comme toute bonne nana qui se respecte devant Lost and Delirious) et qu’il vienne rejoindre la dureté de certains films gays tout en parlant à tout le monde. J’aimerais que mes films évoquent avant tout l’humain, dans son égoïsme et sa fragilité.

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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