Barash : Interview de la réalisatrice et scénariste, Michal Vinik

Michal Vinik - Barash

Interview accordée à Daniela Costa le 28 avril 2016 pour le site Afterellen.com

En février nous vous avions parlé de l’audacieux film israëlien Barash. Comme nous voulions en savoir plus, nous sommes entrées en contact avec la réalisatrice et scénariste, Michal Vinik. Nous avons appris qu’elle souhaitait absolument engager des acteurs homo, que le film ne traite pas du coming-out et qu’elle n’a pas intentionnellement écrit une histoire d’amour.

Attention : il y aura des spoilers.

Qu’est-ce qui vous intéressait tant dans les thèmes du film ?

Ça a commencé avant le film. Mes courts-métrages parlaient de jeunes femmes découvrant leur sexualité en Israël. Toujours en Israël. C’est de ça que je parle depuis le début, parce que c’est ma vie, tout simplement. Et donc quand j’ai écrit le long-métrage, j’ai fait la même chose.

Mis à part le fait que Naama découvre qu’elle aime les filles, nous voyons aussi sa sœur s’enfuir pour être avec un homme et exprimer sa sexualité de cette façon. Le film semble surtout parler de la sexualité féminine de manière générale.

Je crois que toutes les sexualités sont différentes. Je ne sais pas ce qu’est une sexualité normale. Je ne crois pas que cela existe. J’aime les garçons et les filles. Je ne sais pas ce que ça veut dire « être normal ». Donc, pour moi, il s’agissait juste de faire une expérience et de voir ce qu’il se passait lorsque deux sœurs avaient une vision différente de l’amour.

J’ai tout de suite aimé l’audace dont faisaient preuve ces jeunes femmes dans votre film. Est-ce typique du cinéma israélien ou est-ce que nous ne sommes simplement pas habitués, en Occident, à voir ce genre de film ?

Lorsque j’ai commencé à écrire le film, j’ai eu l’impression de ne pas me reconnaître à l’écran parce que les filles que je voyais, ces jeunes filles, avaient des vies différentes de la mienne et de celle de mes amies. Donc, en gros, j’ai juste fini par écrire nos vies. Et nous n’avions pas beaucoup d’argent lorsque nous avons tourné le film, donc nous avons tourné dans de vrais quartiers. Pas de vrais quartiers pour le film, de vrais quartiers de Tel Aviv. Je ne sais pas pour le cinéma israélien. Je peux vous dire que concernant la vie israélienne, oui plutôt.

Naama et Dana [Hershko] ne se ressemblent pas vraiment niveau personnalités. Qu’est-ce qui les attirent chez l’autre ?

Pour que [Naama] pousse la porte de l’homosexualité, elle devait rencontrer quelqu’un comme Hershko, quelqu’un d’extrême qui lui propose un nouveau monde, un nouveau sens à sa vie et une nouvelle vie. Le prix à payer est cher, mais je crois que c’est comme cela qu’on grandit.

Et pour Dana ? Que voit-elle en Naama ?

En réalité, je ne sais pas. Je n’ai pas vraiment de réponse à cette question. Pour elle, ça n’a pas la même importance. Elle a déjà fait des trucs. Pour elle, c’est juste une fille de l’école à qui elle peut faire tourner la tête pour voir ce qu’il arrive. Ce n’est pas vraiment une histoire d’amour.

Pourtant, même si je comprends ce que vous voulez dire, en regardant le film, j’ai vraiment eu l’impression qu’il y avait quelque chose entre elles.

C’est une petite ville, donc c’est genre la seule fille homo aux alentours. Mais, dans le scénario, à la base, Hershko n’était pas du tout amoureuse de Naama. Et lorsque nous avons fait passer le casting aux filles, elles avaient cette alchimie et quelque chose s’est passé. C’est devenu une histoire d’amour. À l’origine, le scénario était déchirant parce que Naama ne se rendait pas compte de ce qu’il se passait. Mais, elles ne sont pas actrices et j’aime bien improviser avec les gens avec qui je travaille.

Quelque chose s’est passé. Quelque chose que je ne pourrais même pas décrire parce que je ne l’ai pas écrit. Ça a juste collé entre elles, ce qui était vraiment super. Elles ont une relation super amusante maintenant.

Il faut que je vous demande : pourquoi ont-elles une « relation amusante » ?

Parce qu’elle ne correspond pas au film, mais elle s’en inspire tout de même. Lorsqu’elles vont à des festivals ensemble et que je les regarde, je ne sais pas, je ris, parce qu’aujourd’hui je sais pourquoi je les ai choisies, elles. Il y a quelque chose de très vrai entre elles.

En parlant d’elles, vos deux personnages principaux ne sont, en effet, pas interprétés par de « vrais » acteurs. Quelles sont leurs vraies professions ? Où êtes-vous allée les chercher ?

Je faisais du vélo et j’ai vu [Jade Sakori] avec sa petite-amie, et c’est quelqu’un que vous ne pouvez pas manquer. Je les ai suivies en vélo pendant un moment, et puis comme ça commençait à devenir un peu bizarre, je suis allée les voir et je leur ai demandé. Elles ont été très gentilles, mais très méfiantes parce que ça faisait un moment que je les suivais. Elle a accepté de venir passer une audition. Le personnage principal, Sivan [Noam Shimon], elle, était dans une sorte d’agence, mais pas une agence pour acteurs.

Une fois entrée dans le monde homo, on dirait que Naama réalise soudainement à quel point les autres femmes peuvent également être attirantes. Lorsque vous avez écrit ce personnage, avez-vous imaginé Naama comme quelqu’un ignorant complètement son attirance pour les femmes ? Aurait-elle fini par réaliser cela si elle n’avait pas rencontré Dana ?

Je ne sais pas. C’est une question philosophique. Vous posez une question importante sur la vie de manière générale. Est-ce que je serais intéressée par les filles si je n’avais pas rencontré mon ex, ex, ex, ex-petite amie ? Je ne sais pas. Je ne sais pas pour elle non plus. En plus, elle est très jeune. C’est un âge ou vous faites des expériences si vous avez de la chance.

Mais, vous ne l’avez pas écrit comme un personnage qui savait déjà ce qu’il aimait, hein ? Parce que certaines personnes le savent mais n’agissent pas en conséquence.

Non, elle ne savait pas. Bien qu’elle fasse un peu homo. Mais elle vient d’un petit village. Au fait, elles sont homosexuelles toutes les deux.

Les actrices ? Encore mieux.

Oui, j’ai insisté là-dessus parce que j’en avais un peu marre de voir toutes ces filles hétéros s’embrasser. J’ai pensé que ce serait intéressant de voir des homos le faire.

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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