Les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs

Les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs

Titre Français : Chansons secrètes de Bilitis

Titre Original : Chansons secrètes de Bilitis

Auteur : Pierre Louÿs

Date de Sortie : 1894

Nationalité : Française

Genre : Poésie

Nombre de Pages : 341 pages

Éditeur : Gallimard NRF

ISBN : 2-07-032589-X

Chansons secrètes de Bilitis : Quatrième de Couverture

Deuxième publication importante de Pierre Louÿs, Les Chansons de Bilitis (1894), dont la supposée réunion fut présentée comme un « roman lyrique », sont restées célèbres en tant que supercherie littéraire : Louÿs, en effet, afficha ouvertement sa volonté de mystifier la critique en prétendant que celles-ci avaient été traduites du grec et en les attribuant à une poétesse de l’âge lyrique, ce qui aurait justifié leur caractère sapphique.

Les Chansons de Bilitis constituent un recueil des textes, un recueil de poésie pour être exactes. Il s’agit de petits textes en prose, regroupés en grands ensembles thématiques, dans le style de la poésie française de la fin du XIXe siècle.

Chansons secrètes de Bilitis : Avis Personnel

Les Chansons de Bilitis constituent un recueil très intéressant, à plus d’un titre. Déjà, prenons ces textes pour ce qu’ils sont : de la poésie. Cependant, pas de vers, de métrique ni de rimes dans ces lignes… Il s’agit de petits textes en prose, regroupés en grands ensembles thématiques, dans le style de la poésie française de la fin du XIXe siècle. Mais tout l’intérêt de ces textes réside dans leur particularité d’écriture…

Bon, alors évidemment, nous lecteurs de 2013 savons bien en achetant ce livre à quoi nous attendre, ne serait-ce que parce que c’est écrit sur la couverture : Pierre Louÿs, auteur reconnu de la seconde moitié du XIXe siècle français, a écrit ce recueil de poèmes en adoptant le point de vue de Bilitis, poétesse grecque du VIe siècle avant J.-C. Seulement voilà, les choses n’avaient pas été présentées comme cela à la publication du livre, en 1894, et Pierre Louÿs avait publié ces textes comme des œuvres authentiques de ladite poétesse, dont il n’aurait été que le traducteur ! Plus fort encore : ne se contentant pas de publier simplement ces poèmes soi-disant retrouvés de Bilitis, Louÿs rédige également une biographie de la poétesse, s’étend longuement sur les difficultés de traduction qu’il a rencontrées, explique la manière dont il a découvert l’existence de la jeune femme et de ses textes, constitue un petit dossier de Chansons secrètes de Bilitis dont la teneur érotique est bien plus marquée que dans le reste du corpus, cite les propos de l’archéologue allemand – le Professeur Heim – à l’origine de la découverte… Pierre Louÿs rassemble ainsi tous les éléments nécessaires pour donner à son personnage de Bilitis une véritable consistance historique, preuves à l’appui. Ayant vécu sur l’île de Lesbos, exactement à la même période que Sappho, Bilitis est érigée en grande rivale de la célèbre poétesse. Rivale inconnue certes, mais dont Pierre Louÿs, grâce à sa traduction, entend bien rétablir la réputation.

Sauf que… Bilitis n’a jamais existé. Louÿs l’a créée de toute pièce, imaginant aussi bien ses textes que sa vie. Même l’archéologue allemand, le Professeur Heim, est une création de l’auteur pour étayer son récit ! Mais à la parution du recueil, cette grande mascarade fonctionna à merveille, à tel point que ce fut Pierre Louÿs lui-même qui dût révéler la vérité à la critique. Il faut dire aussi que l’ensemble du stratagème était extrêmement bien ficelé, et que l’auteur, excellent traducteur et fin connaisseur des textes grecs antiques, avait su imiter avec brio le style des poètes du VIe siècle avant J.-C. et tromper aisément les meilleurs spécialistes.

Et forcément, tout cela a une incidence sur la représentation lesbienne dans la littérature : en choisissant de créer une poétesse originaire de Lesbos, qui plus est rivale de Sappho, Louÿs ne pouvait narrer dans ces poèmes que des amours… Lesbiennes. Vous vous en doutez sûrement, la vraisemblance des récits n’est pas au cœur de la démarche et Louÿs s’occupe davantage de retenir l’attention de son lecteur que de fournir une peinture exacte de la Lesbos antique. Mais ce choix, celui d’une poétesse lesbienne, s’inscrit pleinement dans le courant littéraire de la fin du XIXe siècle, qui utilise allègrement les figures saphiques et en parsème romans et poésie ! Souvenez-vous, Baudelaire et ses «Femmes Damnées» par exemple… Le recueil des Fleurs du Mal avait bien failli s’appeler Les Lesbiennes ! Et le succès des Chansons secrètes de Bilitis, avant que la supercherie ne soit révélée, prouve encore une fois l’engouement que connait l’homosexualité féminine à cette époque.

Parce qu’elles constituent une petite pierre à l’édifice de la représentation lesbienne – et aussi parce que la grande farce qu’est leur invention vaut bien le détour -, Les Chansons secrètes de Bilitis méritent qu’on y jette un œil !

Vous trouverez dans l’édition Gallimard non seulement les poèmes, mais aussi le texte de Louÿs sur sa «découverte» de Bilitis et son travail de traduction, ainsi que des annexes relatant l’affaire de la supercherie, une biographie de Louÿs, des extraits de la correspondance entre l’auteur et quelques grands écrivains de son temps, etc…

Et puisque le texte est désormais tombé dans le domaine public, vous pouvez même vous procurer tout cela en pdf gratuit sur le net !

Chansons secrètes de Bilitis : Extraits

Alors, Sapphô était encore belle. Bilitis l’a connue, et elle nous parle d’elle sous le nom de Psappha qu’elle portait à Lesbos. Sans doute ce fut cette femme admirable qui apprit à la petite Pamphylienne l’art de chanter en phrases rythmées, et de conserver à la postérité le souvenir des êtres chers. Malheureusement Bilitis donne peu de détails sur cette figure aujourd’hui si mal connue, et il y a lieu de le regretter, tant le moindre mot eût été précieux touchant la grande Inspiratrice. En revanche elle nous a laissé en une trentaine d’élégies l’histoire de son amitié avec une jeune fille de son âge qui se nommait Mnasidika, et qui vécut avec elle.

LES FARDS
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Tout, et ma vie, et le monde, et les hommes, tout ce qui n’est pas elle n’est rien. Tout ce qui n’est pas elle, je te le donne, passant.
Sait-elle que de travaux j’accomplis pour être belle à ses yeux, par ma coiffure et par mes fards, par mes robes et mes parfums ?
Aussi longtemps je tournerais la meule, je ferais plonger la rame ou je bêcherais la terre, s’il fallait à ce prix la retenir ici.
Mais faites qu’elle ne l’apprenne jamais, Déesses qui veillez sur nous ! Le jour où elle saura que je l’aime elle cherchera une autre femme.

A propos de Julia Clieuterpe

Chroniqueuse occasionnelle

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