Angela Davis

Angela Davis

Biographie

Angela Davis, née le 26 janvier 1944, est une grande figure du mouvement Noir américain. Elle a déjà vécu plusieurs vies en une seule, ayant été professeur de philosophie, candidate à la vice-présidence des États-Unis et militante communiste et féministe révolutionnaire, adhérant aux Black Panthers. Elle s’est battue pour l’égalité des Noirs et des Blancs, mais aussi pour l’émancipation des travailleurs. Elle a été condamnée à mort, puis acquittée en 1972.

Ses jeunes années

Angela Yvonne Davis est née dans un quartier des bas-fonds de Birmingham, Alabama, en pleine époque de ségrégation raciale. Ses parents sont des communistes activistes et elle est élevée dans la contestation et la résistance. Le quartier où ils vivent est surnommé « Dynamite Hill » suite à la série d’attentats aux explosifs perpétrés contre les maisons construites par des Noirs. Le sentiment d’injustice qu’elle ressent vis-à-vis du traitement réservé aux gens de couleur est accentué par ses séjours à New-York, où elle passe ses vacances. En effet, la situation est beaucoup moins inconfortable pour les afro-américains dans le Nord.

En 1956, à seulement 12 ans, elle participe au boycott d’une compagnie de bus pratiquant la ségrégation. Deux ans plus tard, elle obtient une bourse pour étudier à l’Elisabeth Irwin High School de New York où existe un programme d’aide aux élèves noirs du Sud pour continuer leur scolarité. Ce lycée privé est surnommé « Little Red School House » à cause de sa sensibilité aux mouvements sociaux et politiques de gauche. Angela y rencontre les enfants des leaders communistes, dont Bettina Aptheke qui écrira un livre sur elle en 1975. Angela est recrutée par les Jeunesses Communistes, « Youth Communist Group ». Elle lit le Manifeste communiste qui la conduit « à replacer les problèmes du peuple Noir dans le contexte plus large d’un mouvement de la classe ouvrière ».

En 1962, elle obtient une bourse pour étudier à l’Université de Brandeis dans le Massachusetts. Elle est l’une des trois étudiantes noires de sa promotion. Lors de sa deuxième année, elle étudie la littérature et la philosophie française contemporaine ; Sartre en particulier suscite son intérêt.  À l’issue de son cursus, elle obtient une prolongation de sa bourse pour suivre le programme français de troisième année du Hamilton College. En septembre 1963, elle passe ainsi un mois à Biarritz. C’est là qu’elle apprend qu’un attentat a frappé l’église baptiste de sa ville natale de Birmingham où quatre jeunes filles ont été tuées, dont trois étaient proches de sa connaissance.

L’été suivant, elle assiste à des conférences de Theodor W. Adorno, à Francfort. De retour à Brandeis, elle se rapproche du philosophe Marcuse après avoir assisté à sa série de conférences sur la pensée politique européenne depuis la Révolution française. Sur ses conseils, elle décide de partir étudier la philosophie à Francfort. Elle quitte les États-Unis en 1965, au milieu des émeutes de Watts.

C’est à l’Université Goethe de Francfort qu’elle côtoie des membres de l’Union socialiste allemande des étudiants et participe à des manifestations contre l’intervention militaire américaine au Viêt Nam, entre autres. Pendant son séjour en Allemagne, le mouvement de libération des Noirs connaît de profondes évolutions et tend à se radicaliser dans le sillage du slogan Black Power. Frustrée de ne pouvoir participer à l’effervescence militante qui semble régner dans son pays, elle décide de rentrer aux États-Unis à l’issue de sa deuxième année en Allemagne. Marcuse, désormais en poste à l’Université de San Diego, accepte de reprendre la direction de sa thèse, initialement tenue par Adorno.

Sa carrière

En 1968, doctorat en poche, Angela Davis devient enseignante à l’Université de San Diego. Elle milite à l’intérieur du parti communiste et des Black Panthers, dont la position révolutionnaire se caractérise par un égal refus de l’intégrationnisme et du séparatisme. Elle est alors totalement immergée dans la communauté Noire, qui endure les rafles en permanence et l’oppression de la police raciste : lynchages, supplices et exécutions sommaires font partie de leur quotidien. Dans ce contexte, revendiquer des droits civiques, c’est risquer sa vie à chaque instant. Elle sera d’ailleurs témoin de l’assassinat de trois de ses amis sur le campus. En outre, son adhésion à ces deux partis lui vaut d’être surveillée par le FBI.

En 1969, elle enseigne à l’UCLA – Université de Californie à Los Angeles -, mais, dénoncée comme communiste par un de ses étudiants, Angela est renvoyée par la direction de l’université. Son licenciement est incité par le gouverneur de l’époque, Ronald Reagan.

Le 7 août 1970, une prise d’otages visant à libérer George Jackson, membre des Black Panthers condamné à la prison à vie à l’âge de dix-huit ans pour vol, tourne mal. Plusieurs personnes sont abattues, dont un juge. Angela Davis, membre du comité de soutien de George Jackson, est accusée par le FBI d’avoir procuré les armes qui ont permis ce coup de force. Une cavale commence alors à travers les États-Unis : elle apparaît sur la liste des femmes les plus recherchées par le FBI. Ce dernier, dirigé par J. Edgar Hoover, lutte dans le cadre du programme COINTELPRO contre les Black Panthers et les communistes dans un contexte de guerre froide et de guerre au Vietnam.

Pendant les deux mois de « chasse-à-l’homme » qui  suivirent, sa renommée grandit et des manifestations de soutien firent leur apparition dans tout le pays. Arrêtée le 13 octobre 1970, elle est placée en détention provisoire au centre de détention de New-York, où elle restera 16 mois. Le 5 janvier 1971, elle est officiellement inculpée par l’État de Californie pour meurtre, kidnapping et conspiration et est condamnée à la peine de mort. L’opinion publique internationale se mobilise alors pour la supporter : John Lennon chante « Angela », pendant que les Rolling Stones composent « Sweet Black Angel » et que Prévert lui écrit un poème. Des manifestations s’organisent dans plusieurs capitales, dont Paris, où 100.000 personnes s’allient à Jean-Paul Sartre et Louis Aragon pour demander sa libération. Cette pression massive et internationale permet son acquittement, prononcé le 4 juin 1972 et voté par un jury composé uniquement de Blancs, au cours d’un procès hyper médiatisé.

Doté d’un nouveau statut de « monstre sacré », Angela Davis commence à publier des essais ; elle milite de manière véhémente pour la paix au Vietnam, l’antiracisme, le féminisme, ou encore contre l’oppression.
En 1980 et 1984, elle se présente pour le poste de vice-présidente du candidat communiste Gus Hall aux élections présidentielles des États-Unis.

De nos jours, à presque 70 ans, Angela Davis continue son combat. Professeur d’Histoire de la conscience à l’Université de Californie –campus de Santa Cruz-, elle n’a rien perdu de son militantisme. En plus d’encourager ses élèves à garder un esprit critique face au « prêt à penser », elle lutte pour l’abolition de la peine de mort aux États-Unis et dans le monde, ainsi que contre le fonctionnement actuel du système industriel carcéral américain. Il y a peu, elle faisait également campagne contre la guerre en Irak, aujourd’hui terminée. Elle a récemment intégré le « Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange et au procès de New York » (CIS).

Dans un entretien accordé au magazine Multitudes en novembre 2005, elle avait affirmé, en parlant des révoltes des banlieues françaises : « La jeunesse est plus révoltée et plus créative que jamais. C’est elle qui me permet de continuer à avancer. »

Histoire d'un Coming-Out

Quand elle a parlé à la conférence nationale des Noirs homosexuels, en 1993, Angela Davis a utilisé la première personne en parlant pour la communauté gay et lesbienne ; cependant, voulant rester discrète sur sa vie privée, elle était restée vague sur sa propre sexualité.

Le numéro de février 1997 du magazine Out lève le doute sur son homosexualité. En effet, Angela y parle, entre autres, de sa propre expérience en tant que lesbienne et de l’impact que cet aspect de sa vie a eu sur son parcours de révolutionnaire.

Depuis ce coming out, elle consacre beaucoup de son énergie à militer pour l’égalité des droits pour la communauté LGBTQ, « …à imaginer le concept de liberté qui existera dans 50 ans, lorsque les gens ne vivront plus sous l’influence de l’hétéro sexisme et de l’homophobie, et que la notion de genre ne sera plus une donnée strictement binaire. »

Bibliographie

2006 : Les Goulags de la démocratie
2003 : Are Prisons Obsolete ? (Les prisons sont-elles obsolètes ?)
1999 : The Angela Y. Davis Reader (Philosophie d’Angela Davis)
1999 : Blues Legacies and Black Feminism : Gertrude Ma Rainey, Bessie Smith, and Billie Holiday  (Héritage du Blues et féminisme Noir…)
1989 : Women, Culture and Politics  (Femmes, culture et poli­ti­que)
1985 : Violence Against Women and the Ongoing Challenge to Racism (Les vio­len­ces contre les femmes et le per­pé­tuel défi du racisme)
1981 : Women, Race and Class (Femmes, race et classe)
1974 : Angela Davis : An Autobiography (Autobiographie)
1972 : Frameup: The Opening Defense Statement Made(Les bases de la défense : le coup monté)
1971 : If They Come in the Morning: Voices of Resistance  (S’ils frap­pent à l’aube : voix de la résistance)

HOMMAGES

The Rolling Stones a publié en 1972 une chanson de soutien à Angela Davis, “Sweet Black Angel”, sur l’album Exile on Main Street.
John Lennon et Yoko Ono ont soutenu Angela Davis dans une chanson intitulée “Angela”.
Pierre Perret dans la chanson “Lily” en 1977 : « Mais dans un meeting à Memphis, Lily / Elle a vu Angela Davis, Lily / Qui lui dit viens ma petite sœur / En s’unissant on a moins peur / Des loups qui guettent le trappeur ».
Daniel Balavoine dans la chanson Petite Angèle sur l’album Sauver l’amour (1985).
Juliette Noureddine la cite parmi ses modèles dans sa chanson “Rimes féminines” (1996).
Yannick Noah rend hommage à Angela Davis en 2010 avec sa chanson intitulée “Angela”.
Angela Davis est le sujet d’œuvres graphiques de Shepard Fairey (Obey Giant).
Winston Mc Anuff dans la chanson “Angela Davis” de l’album A Bang joué avec la Bazbaz Orchestra.

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