Tara, un personnage controversé

Article lié à la série Buffy Contre Les Vampires

image buffy 51image buffy 52image buffy 53
Tara MacLay (Amber Benson)

Tara, par sa personnalité timide et douce, est tout de suite apparue comme un personnage très différent des autres. Elle ne perpétue pas la représentation des femmes fortes et volontaires de la série mais amène un vent de nouveauté, un océan de calme et de paix.

Buffy contre les Vampires est une série exceptionnelle souvent méconnue, sous estimée et critiquée par le grand public. En effet, il s’agit d’une série de Science-Fiction et le genre est aisément méprisé. Ensuite, elle s’adresse à une audience ciblée adolescente, ce public est jugé peu exigeant et facile à satisfaire. Enfin, elle met en scène une belle jeune femme vêtue de mini-jupes. Or une idée répandue veut qu’une héroïne sexy serve à dissimuler les faiblesses du scénario. Pourtant, cette série est parvenue à se hisser parmi les séries phares des années 90 grâce à son traitement novateur et métaphorique des tourments de l’adolescence.

Durant ses sept années de diffusion, la série a effectué un travail impressionnant dans la lutte contre les stéréotypes, surtout à l’égard des femmes. Celles-ci sont montrées comme fortes, courageuses et indépendantes à l’image de Buffy, Cordélia, Anya, Faith. Et à mon sens, la série a fait de même dans la lutte contre les stéréotypes lesbiens, avec cependant quelques aspects négatifs.

Au cours de la saison 4, Willow rencontre Tara, une sorcière comme elle. Après sa rupture avec Oz, son petit-ami de lycée lycanthrope, Willow est désespérée. Ses amis étant tous préoccupés par leurs propres problèmes et leurs nouvelles vies, Willow se cherche un nouveau cercle d’amis. A la fin de la saison, nous découvrons que Willow et Tara sont plus que des amies. Elles entretiennent une romance qu’elles gardent secrète. Jusqu’au retour d’Oz qui les oblige à se dévoiler. Willow doit faire un choix. Elle admet enfin ses sentiments pour Tara et la choisit, elle.

Mais Willow ne fait pas réellement un coming-out. Elle parle seulement à Buffy qui comprend avant que les mots ne soient prononcés. Le passage obligé du long et laborieux coming-out aux amis n’a pas lieu. Il est évité. Bon ou mauvais choix ? La révélation aux proches est habillement traitée. J’aurai tendance à penser que ce traitement est intéressant voir novateur. Mais de nombreuses personnes pensent différemment.

WILLOW  : C’est compliqué à cause de Tara.
BUFFY  : Tara est amoureuse de Oz ? Non, tu… (Buffy comprend, s’éloigne, bégaye) Euh… Eh bien… C’est super… Je veux dire, je trouve que Tara est une fille vraiment super, Will.
WILLOW  : Elle l’est. Il y a quelque chose entre nous. Je ne m’y attendais pas. C’est quelque chose de fort. Et c’est complètement différent de ce qu’on avait, Oz et moi.
BUFFY  : Et bien, voilà… Je veux dire… Il faut, il faut que tu suives ton coeur, Will. C’est ça l’important, Will.
WILLOW  : Pourquoi tu répètes mon nom comme ça ?
BUFFY  : Comment comme ça, Will ?
WILLOW  : Tu es choquée ?
BUFFY  : Quoi ? Non, Will. Non… Non… Absolument pas… Je suis contente que tu me l’aies dit.

Par ailleurs, Willow ne se pose toutes les questions inhérentes au fait de se découvrir lesbienne. Elle l’accepte sans s’interroger, sans se remettre en question. La confusion des sentiments, souvent présentée lorsqu’une personne se révèle homosexuelle est absente, n’est même pas sous-entendue. Et ce choix des scénaristes a surpris. Pourtant, il me semble que cette décision prouve une ouverture d’esprit voir un militantisme rarement vus à la télévision. Parce que ce que vit le personnage de Willow semble naturel.

Quand elle débute, la relation entre Willow et Tara apparaît clairement comme gentille et douce. Leur liaison semble sans accro. Elle s’oppose aux autres, complexes et difficiles. Alex et Anya, par exemple, ont une relation clairement basée sur le sexe. Anya, ancien démon vengeur, est une femme surprenante, incompréhensible, intéressée qui n’a pas la langue dans sa poche. Alex fait toujours ses blagues nulles. Et Buffy fait la causette aux vampires et démons sans oublier ses phrases assassines avant de les supprimer. Tara a donc été perçu par beaucoup comme un personnage fade, sans envergure, passive et non-agressive. De nombreux fans ont trouvé le personnage horripilant. Pourtant, il me semble que c’est justement ce qu’il faut retenir de Tara. Sa capacité à être elle, sans se laisser influencer par les autres. Tara a une grande capacité d’écoute et elle ne juge pas les autres. Elle paraît en retrait alors qu’elle est là, toujours présente, pour Dawn ou Buffy. Et au final, le personnage de Tara est à mon avis plus marquant que le personnage d’Anya ou de Dawn parce qu’il contraste avec tous les autres. Parce qu’il ne leur ressemble en rien.

Pourtant, Tara est tellement douce, tellement effacée, tellement différente qu’elle semble parfois moins forte que les autres personnages de la série. Elle peut apparaître comme un stéréotype poussé à l’extrême. Je parle de tous ces attributs que l’on juge principalement féminins : la douceur, la gentillesse, l’écoute, la passivité. A la question Tara est-elle trop parfaite, je serais tentée de répondre oui dans le sens où elle ne contredit jamais personne, où elle ne s’impose jamais. Tara ne prend véritablement de l’ampleur et de l’assurance qu’au cours de la saison 6, quand Willow se révèle dépendante à la magie et donc faible. Tara a alors le courage de rompre puis de prendre la défense de la jeune femme devant tout le Scooby Gang qui veut la forcer à réutiliser la magie.

Le traitement de la relation Willow-Tara diffère du traitement de la liaison Anya-Alex et Buffy-Riley. Est-ce une mauvaise chose ? L’accent n’est pas mis sur leur passion physique mais bien sur l’amour que les deux jeune femmes se portent. Alors qu’Anya et Alex semblent avoir une relation uniquement physique au début, Willow et Tara personnifient les sentiments et notamment l’amour. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que la censure fait rage aux Etats-Unis sur les chaînes du Network. Ces chaînes censurent certains passages avant qu’ils ne soient censurés par les associations de consommateurs ou de parents. Alors montrer une relation lesbienne physique est risqué, très risqué. D’autant plus que personne ne peut assurer que ce type de scène, une fois tourné, sera présenté.

Je respecte profondément ce désir de ne pas exploiter l’aspect sensationnel de la relation lesbienne. Seulement dissimuler en totalité le côté physique de leur liaison en le remplaçant par des démonstrations d’affection revient à nier une part importante de toute relation. Est-ce de l’homophobie ? Sûrement pas. A mon sens, c’est plutôt une question de pudeur et de respect. Et peut-être aussi de protection du public contre les interrogations dérangeantes concernant la sexualité. Il paraît pourtant incohérent de voir que l’attrait sexuel entre Willow et Tara n’est pas représenté alors que pour tous les autres couples hétérosexuels, il a une importance capitale.

Ensuite, je pense que la mort de Tara a été traitée avec trop de légèreté. Il me semble que les scénaristes se sont plus concentrés sur les conséquences que sur le décès lui-même. Bien sûr, Buffy est touchée quand elle apprend ce qui s’est produit et Dawn ne peut se résoudre à laisser Tara toute seule et la veille jusqu’au retour des autres. Mais l’histoire a privilégié la dépendance de Willow à la magie et sa transformation en monstre vengeur psychopathe. A mon sens, la mort de Tara n’a pas été assez mise en valeur, elle n’a pas eu droit à toute l’attention qu’elle méritait.

Quant au cliché de la lesbienne mauvaise ou morte qui est brandi par de nombreux fans depuis le décès de Tara, il ne peut s’appliquer ici. La mort de ce personnage était nécessaire. Il s’agit d’un rebondissement de plus qui traduit l’essence même de la série. Le téléspectateur est toujours dans l’expectative. Chaque chose qui semble acquise disparaît. Tara devait mourir pour permettre à Willow de devenir maléfique et pour permettre à la série d’avancer. Tara n’est pas morte parce qu’elle était lesbienne, elle est morte parce qu’il le fallait, pour l’histoire. Par contre, la garder en vie parce qu’elle était lesbienne aurait été le choix le plus mauvais qui soit. Tara a eu la chance d’être traitée comme tous les autres personnages du Buffyverse en dépit de son homosexualité. Et c’est ça l’important. Les fans qui pensent qu’elle est morte parce qu’elle était gay n’ont à mon sens, pas compris le fonctionnement de cette série. L’homosexualité de Tara n’était vraiment qu’un détail.

Drew Greenberg, scénariste de la série, a posté ce mail sur le forum « Au Bronze » : « D’après mon expérience, les personnes qui citent le cliché de la lesbienne morte en faisant référence à Tara ne comprennent pas le cliché en lui-même. La représentation des lesbiennes à la télévision et au cinéma, à travers l’histoire, a présenté ces femmes comme étant troublées, dérangées et désespérées. Elles n’étaient pas acceptées par la société et la seule fin appropriée pour elles étaient soit d’être tuées soit de se tuer, enlevant par là toute chance de bonheur à leur personnage et par la même occasion, offrant au public une solution relativement simple à un problème embarrassant – comment se débarrasser de la lesbienne. Avec le personnage de Tara, nous avons fait attention de créer une jeune femme qui était active, vivante, indépendante, drôle, sexy, compatissante, forte et qui apprenait à avoir les pieds sur terre. Nous voulions que vous l’aimiez pour que quand nous l’enlèverions, le public vivrait son absence comme quelque chose de douloureux, tout comme le ressentirait Willow et surtout PAS comme un soulagement, comme ce cliché le demande. Le personnage était, à mon avis, très différent et en direct opposition avec ce vieux cliché de la lesbienne. En déclarant la mort de Tara comme appartenant à la lignée des morts clichées de lesbiennes, vous montrez que vous ne voyez pas Tara autrement qu’en temps que lesbienne, vous ne voyez pas le personnage extraordinaire qu’elle était, mais juste une femme qui couchait avec des femmes, et, ce faisant, vous révélez votre propre homophobie, vos propres préjudices et plus qu’autre chose, votre propre manque de compréhension pour ce qu’on a fait avec ce personnage. »

Il me semble que le personnage de Tara a eu un impact positif durant ses trois années de présence dans la série. Parce que grâce à l’interprétation magistrale d’Amber Benson ses apparitions épisodiques et éphémères restent inoubliables pour de nombreux fans.

image buffy 54image buffy 55image buffy 56

Retour à la fiche de présentation Buffy Contre Les Vampires

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

Répondre