Appropriate Behavior : Interview de la réalisatrice Desiree Akhavan

Desiree Akhavan - appropriate behavior

Interview accordée à Marcie Bianco le 16 janvier 2014 pour le site Afterellen.com.

« D’après mon expérience, la vie oscille constamment entre la farce comique et le mélodrame tragique, donc j’aime qu’un film trouve le juste milieu et fasse en sorte que cela sonne vrai ». Voici ce que nous répond Desiree Akhavan lorsqu’on l’interroge sur sa réalisation de drames perspicaces et merveilleusement spirituels, en partant de sa webserie The Slope à son projet plus récent, son premier long-métrage, Appropriate Behavior.

Acclamé par Vanity Fair comme l’un des dix films les plus attendus de Sundance 2014, Appropriate Behavior est le futur du cinéma queer. Il s’engage sur le thème du coming-out et de la marginalisation sociale et politique sans exagération ou tragédie mélodramatique associée à une bande son nauséabonde. Peut-être est-ce le résultat de ce que Akhavan décrit comme son « humour cru et à la limite du grossier » de sorte qu’il n’y ait pas de moments qui traînent en longueur, qui soient trop provocants, ou qui donnent à réfléchir inutilement. C’est vraiment un film fantastique. Un de ceux que j’aimerais regarder en boucle pour pouvoir en retenir toutes les piques et les expressions corporelles caustiques. Akhavan pourrait être comparée à Lena Dunham pour sa création d’une vision très particulière du Brooklyn contemporain, si Dunham était une femme bisexuelle irano-américaine.

Alors que je voyais dans Appropriate Behavior une version queer de Girls, Akhavan cite Annie Hall de Woody Allen, « qui danse entre passé et présent », comme étant son inspiration cinématographique pour la structure du film. Nous faisons la rencontre du personnage qu’interprète Akhavan, Shirin, lorsqu’elle quitte, d’un air abattu, un gode-ceinture balançant à la main, son appartement de Park Slope qu’elle partageait avec, désormais, son ex, Max. Elle erre on ne sait où dans les rues de Brooklyn. (Elle s’installera peu après à Bushwick, dans les très notoires « McKibbon Lofts », qui se composent d’ateliers individualisés par des jeunes branchés de la génération Y. Il y a en tout une demi-douzaine de petits cagibis par atelier où les jeunes « vivent »). L’histoire juxtapose le passé – des souvenirs des bons et mauvais moments passés avec Max – et le présent, dans lequel Shirin essaye d’avancer après sa rupture tout en faisant son coming-out à sa famille. Non seulement Shirin essaie de faire face à cela psychologiquement et émotionnellement, mais, comme beaucoup de personnes de sa génération, elle essaie de s’assurer un revenu décent sans se détruire pour autant. Elle cherche une sorte d’emploi qui lui permettrait également de faire d’enivrantes rencontres à New-York (la scène du rendez-vous raté avec une femme qui se transforme ensuite en plan à trois avec un couple séparé est osée pour les stéréotypes éhontés sur les bisexuels).

Après une projection pour la presse vendredi dernier, qui fut la première occasion pour Akhavan de voir son film en entier, j’ai pu parler avec elle du film et de sa réalisation.

Pourquoi le titre Appropriate Behavior [ndlt : Comportement Approprié en français] ? Pour qui ? En référence à quoi ? J’ai l’impression que le titre peut être relié à beaucoup de sujets, du personnage-même de Shirin à l’histoire du coming-out.

Le titre fait référence à l’incapacité de notre protagoniste à faire les choses bien, quoi qu’elle fasse. Avec sa famille, avec ses partenaires, et même au travail, en étant simplement elle-même, elle sera toujours inappropriée.

Shirin regroupe plusieurs minorités en elle. Comment pensez-vous que cela est exprimé à travers l’histoire, à la fois dans le comportement de Shirin et surtout dans la manière dont les autres la traitent ?

Nous avons spécifiquement choisi de ne pas jouer avec les « différentes identités » de Shirin dans ses relations avec les autres parce que je voulais montrer qu’elle est plus qu’une femme définie par ses minorités. Elle n’est pas victime des circonstances et la dépeindre comme un symbole de la situation délicate des femmes LGBT du Moyen-Orient à travers le monde n’aurait pas été honnête.

Du coup, est-ce que la scène du plan à trois était une manière de bousculer le cliché que les bisexuel(le)s veulent tout le temps des plans à trois ?

Pas du tout. Je ne savais même pas que c’était un stéréotype des bisexuel(le)s. Aucune des scènes du film n’est ici pour combattre des idées fausses ou pour établir un discours politique.

Shirin et Max sont très différentes : sexuellement, politiquement, ethniquement et culturellement. Était-ce l’ensemble de ces différences qui rendait cela insurmontable ? Était-ce Max qui ne comprenait pas la situation de Shirin vis-à-vis du coming-out à sa famille ? Ou bien, est-ce que le point de non-retour a été atteint lorsque Max est devenue frigide ?

Cette question fait partie de celles qui reviennent aux spectateurs. À eux de décider. Personnellement, je crois que les facteurs que vous énumérez sont les symptômes d’un problème plus large : elles ne sont pas faîtes l’une pour l’autre. J’ai toujours pensé que la spontanéité et l’imprudence de Shirin, qui ont attiré Maxine au début, sont précisément les choses qu’elle ne supportait plus. De plus, Shirin était encore une enfant de bien des façons et je pense que Maxine n’avait pas la patience pour gérer ces crises d’ados.

À quel point ce film est-il autobiographique ? Comment avez-vous fait pour représenter plutôt que mettre en boîte ou « parler au nom de » la bisexualité ou la culture iranienne, par exemple, dans le film ?

Ce film s’inspire de mes expériences mais n’est pas basé sur des événements ayant eu lieu. Concernant le fait de mettre en boîte les cultures, l’histoire traite d’une femme qui se trouve être bisexuelle et iranienne. Je n’ai jamais songé à représenter quelqu’un d’autre que moi.

A priori, ça ne paraît pas logique, ça peut même être controversé que Shirin fasse son coming-out après sa rupture. Pouvez-vous nous parler de cette logique bizarre ou du fait que quelqu’un puisse faire son coming-out sans tenir compte de son statut amoureux ?

À mon sens, c’est tout à fait logique parce qu’alors elle n’a plus rien à perdre.

Comment interprétez-vous la réponse de la mère de Shirin lorsqu’elle lui dit « Maman, je suis un peu gay » ?

Je comprends que sa mère lui dit « Tu n’es pas gay. Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même. Tu es juste idiote et perdue. Maintenant, ferme-la ».

Ce film nous donne une super vision de la culture queer à Brooklyn. Je veux dire, par rapport aux McKibbon Lofts (les domiciles de la génération Y, où huit étudiants s’entassent dans un studio) que vous appelez « camps de réfugiés », vous avez visé en plein dans le mille ! Que vouliez-vous dire sur la culture queer à Brooklyn ? Était-ce par rapport à la façon dont cette culture est représentée dans, disons Girls, la série d’HBO ?

Je n’essayais pas de répondre au travail de quelqu’un d’autre. C’est juste Brooklyn comme je l’ai vécu. Tout le monde voit les choses différemment.

La prochaine étape pour Appropriate Behavior c’est Sundance. Quand est-ce que les spectateurs pourront espérer voir ce film dans un cinéma ?

Dès que je le saurais, je vous le dirai !

Interview Originale sur le site Afterellen.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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