Karen Williams : Interview de l’humoriste

Karen Williams

Interview accordée à Kathy Belge pour le site LesbianLife.com.

Karen Williams était l’une des stars de Laughing Matters, et son one-woman show, I Need a Snack, a été diffusé sur Logo. Elle vit actuellement dans la région de Cleveland, enseigne la comédie à l’Université de Cleveland et est également la présidente et directrice de l’HaHA Institute (Institut international de l’humour et de la médecine douce). Lesbian Life a rencontré Karen lors de sa participation à une croisière d’Olivia. Nous avons parlé de son parcours en tant que comique et en tant que personne, de la religion qui l’a aidée à surmonter des obstacles et des changements qui ont eu lieu ces 25 dernières années.

Parlez-moi de l’HaHA Institute.

C’est mon bébé. L’institut international de l’humour et de la médecine douce, affectueusement appelé HaHA Institute est un institut virtuel, ce qui signifie que j’ai installé un atelier à l’arrière de ma maison. Occasionnellement j’organise des événements dans cet atelier. Tout se fait en ligne : les gens réservent en ligne pour faire tous types d’ateliers liés à l’humour. Il y a par exemple les ateliers humour et soins, humour et gestion du stress au travail, humour et écriture, et même rions sur le sexe. Je donne des cours de one-man show à l’université de Cleveland, donc je fais aussi de la comédie élémentaire.
Les gens m’embauchent pour aller dans leur société ou leur entreprise, dans les lycées, les universités pour faire ces ateliers.

Vous êtes bien occupée alors ?

Parfois plus que d’autres. Bien que je donne beaucoup de cours, parfois l’institut peut prendre 60% de mon temps. Je peux faire un atelier sur une demi-journée avec le personnel d’un collège communautaire. C’est un entraînement à l’humour et à la diversité. J’ai une formation classique : j’ai un diplôme en apprentissage et développement de l’adulte. J’ai également un diplôme en gestion de la diversité.

Je suis sûre que ça paye mieux que le circuit de la lesbienne comique…

Pas nécessairement. Je suis quasi au top en tant que célébrité lesbienne. Donc je me débrouille bien en tant que comique lesbienne. Et « bien » est, bien évidemment, relatif. Je vis à Cleveland, je ne vis pas à Laguna Beach. [rires] Nous avons tous des capacités différentes. Je suis l’aînée de sept enfants et l’une de mes sœurs dit : « Elle nous ferait une montagne pour un dollar ». Et c’est vrai que j’utilise vraiment bien mon argent. Mes enfants sont grands maintenant et j’ai huit petits-enfants. Certains d’entre eux sont à l’université. C’est tellement excitant d’avoir autant de choses dans ma vie.

Vous faites ça depuis 25 ans. Est-ce plus facile ou plus difficile d’être drôle après si longtemps ?

Je dois dire que je suis dans de bonnes conditions avec mon jeu. Je veux dire que je suis arrivée à un plateau, mais le mot plateau semble immobile. Mais cela ne l’est pas. Cela signifie juste que je suis vraiment à mon top concernant ma confiance sur scène et mon confort avec le public et moi-même. Je me sens vraiment à l’aise avec ma vie et où j’en suis rendue, ce que j’ai à partager, mon capital-drôlerie, tout cela. Cela rend les représentations délicieuses. Je suis dans une phase délicieuse.

Je n’avais jamais vraiment pensé à ça. Vous avez probablement dépassé le stade du « Suis-je drôle ? ».

Eh bien, en fait, je ne suis jamais passée par ce stade-là. Je suis, en revanche, passée par le stade que toutes les personnes lesbiennes, gays et transgenres connaissent : « Où est ma place ? Ok, je fais de l’humour lesbien, comment cela sera-t-il accepté ? ». Nous qui sommes sur scène depuis un moment, nous voyons les nouveaux comiques arriver, et ils traitent les mêmes sujets que l’on a déjà traités. Je pense que, d’une certaine façon, on se plonge dans le lesbianisme lorsque l’on commence et en grandissant et en améliorant notre jeu nous couvrons une plus grande palette de sujets et nous n’avons pas à rester bloqué dans la vie lesbienne. Ça devient simplement une partie de ma vie et non pas ma vie en elle-même.

Votre humour est drôle, mais il fait également réfléchir. Pensez-vous que votre humour puisse avoir un impact social dans n’importe quel sens que cela soit ?

Je ne peux pas vraiment dire que je le vois de cette façon. On me dit que les gens trouvent mon travail pertinent, qui fait réfléchir, ce genre de choses : « En vous écoutant, cela m’a fait réfléchir ». Fondamentalement, pour moi, les one-man shows, sont ma sortie, ils sont mon moyen, en tant qu’artiste, de m’exprimer. Donc quand je monte sur scène c’est parce que je suis trop pleine et que j’ai l’impression d’avoir tellement à partager. Cela concerne des choses auxquelles je pensais, des choses que je voulais partager. Quand je monte sur scène je suis juste « boum » et je veux que tout sorte.
Je me considère un peu comme une nouvelle femme. Je pense à des trucs, je n’accepte pas simplement le monde comme il est. Je pense que les gens apprécient ce genre de stimulations.

C’est également un moyen de se défouler ?

C’est moi, complètement. Je fais toutes les choses que j’adore. Je peux porter des vêtements de folie, avoir une coiffure folle, je peux dire des trucs fous. Vous savez que je me considère comme une banlieusarde/citadine et je retourne à ma petite vie de banlieue, avec mes voisins qui ne m’ont jamais vue jouer. Voir le spectacle sur Logo était super pour moi parce qu’en allant dans mon supermarché je croisais des gens qui me disaient « Je zappais et puis je vous ai vue à la télé ».

Quelle est votre démarche dans l’écriture ? Que faites-vous pour être prête pour votre spectacle ?

Comme la plupart des comiques, je suis très observatrice. Nos sens sont à l’affût. J’ai des trucs que je sais drôles. Tout le processus d’amélioration tient à une bonne structure, il faut une structure et ensuite pouvoir être libre dans cette structure. Donc c’est surtout comme ça que je procède.
Concernant la préparation, si je sais que je travaille le jeudi, je commence à écrire des trucs, je les mets en ordre et après je m’amuse avec en quelque sorte.

Qu’est-ce qui a changé en 25 ans ?

Certaines choses que je dis peuvent être identiques ou similaires, mais c’est la manière dont je les dis qui change. Je peux balancer beaucoup plus de choses, je ne suis plus autant attachée aux mots que je l’étais. Vous comprenez ça en tant qu’auteure et à la base je suis une auteure. Je pense qu’au fur et à mesure que j’évolue en tant que personne, qu’être humain, mon travail évolue. Avant j’étais plus recluse dans ma façon d’être avec les gens, j’étais solitaire. Je me suis nourrie de cela : en tant qu’artiste cela vous est possible. Si vous voulez vraiment être solitaire, soyez artiste parce que vous pouvez vous enfermer dans votre bulle. Mais en évoluant en tant qu’artiste et en tant qu’être humain, j’ai eu davantage le désir de communier avec les gens, avec mon public. Et puis des gens m’ont dit « Vous êtes plus chaleureuse, vous êtes plus drôle, nous vous ressentons davantage ». Et c’est une bonne chose.

Vous êtes bouddhiste n’est-ce pas ? Comment cela entre-t-il en compte dans votre travail ?

Je suis bouddhiste de Nichiren. Beaucoup de personnes sont au courant grâce à Tina Turner. Nous invoquons Nam-myoho-renge-kyo. Elle était dans les environs quand j’ai commencé. Nous pratiquions près de Los Angeles ensemble. Ça fait presque quarante ans maintenant que je pratique le bouddhisme. C’est ici que tout le travail d’évolution intervient : je réalise que ce n’est pas suffisant d’être une bonne artiste, il est encore plus important d’être une bonne personne. J’ai ce don et c’est quelque chose pour lequel je prie « Comment puis-je toucher les gens ? Comment puis-je nous unir ? ».
L’humour américain est traditionnellement fait de répliques cinglantes. Donc le truc avec les femmes comiques lesbiennes c’est que nous pouvons nous donner de la puissance entre nous. C’est comme tout. Les médicaments ont une maladie type, et bien maintenant il est temps d’avoir un exemple bien-être. L’humour américain avait pour modèle des répliques cinglantes, négatives, sarcastiques et nous sommes en train de dire « Hey, et si nous avions une sorte de responsabilité envers l’humour également ». Pourquoi ne pouvons-nous pas tous nous sentir bien, une fois cela finit. Au lieu de rester là à avoir l’impression d’avoir été dénigré.
Je veux faire ressortir Bouddha des gens lorsque je les amène à rire. Je prie avant de monter sur scène, peu importe le temps que je passe sur scène, je prie pour apporter de la joie aux gens. Et ensuite je me sens si comblée et les gens ont l’impression d’avoir été touchés.

Quels sont vos endroits préférés pour jouer ?

Les endroits où l’on me paye. [rires] Je n’aime pas forcément les trucs à l’extérieur à cause de la portée de la voix mais j’ai tout fait. Jouer sur des croisières est un luxe, c’est un environnement fantastique avec un public très réceptif. Donc, c’est génial.

Travaillez-vous toujours dans des boîtes hétéros ?

Pas vraiment, mais avec mon travail à l’institut, je fais tous types de travail. Mais je ne reste jamais longtemps dans les boîtes, parce que je ne fume pas et ne bois pas.

Il y avait une communauté lesbienne présente assez tôt pour pouvoir quitter les boîtes ?

Oh, tout à fait. Nous étions en plein essor, c’était les années 80 : il y avait la ligue de San Francisco contre le viol des femmes et autres trucs du genre. Je fais toujours des trucs comme ça : du travail contre la violence.
Je suis en plein milieu d’une tournée qui représente ma victoire contre la violence. Cette tournée s’appelle Humour et Soins, la Libération de la Peur. Elle est dédicacée à la victoire contre la violence sexuelle. Peu importe la ville dans laquelle je joue, je me rends toujours dans un refuge contre les violences, un refuge pour les femmes battues, un centre pour les viols, et je fais des ateliers gratuits d’humour et soins. Ça fait partie de la tournée.
Cela apporte davantage d’activisme et c’en est le point de départ. Alors que nous nous battons pour le mariage gay et tout cela, les statistiques sur les agressions sexuelles atteignent des sommets.

Oui, et dans notre communauté. Juste pour cette année, je ne peux même pas vous dire le nombre d’agressions de lesbiennes dont j’ai entendu parler.

L’une des choses que j’apprends avec la pratique du bouddhisme c’est que c’est une chose d’essayer de vaincre tout ce qui est autour de nous, mais tant que nous n’avons pas vaincu les pulsions que nous avons à l’intérieur de nous, il est très très difficile de combattre les éléments extérieurs. Je ne peux pas m’en prendre à vous, il faut que je regarde en moi et que je comprenne ce qui me fait ressentir que c’est vous le problème. Et après il faut faire quelque chose pour dompter ces pulsions et pour les rediriger. La beauté de l’art est que nous pouvons faire cela.

Interview Originale sur le site Lesbianlife.about.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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