Univers-L Toute la Culture Lesbienne
Mimi ne serait pas son premier coup de cœur. Sa correspondance a révélé une première lettre romantique écrite à une certaine Eva Blomgren lorsqu’elle avait 14 ans : simple passade ? Pure amitié ?
Pendant ces années de formation et de bonheur, elle se fait remarquer par le directeur Mauritz Stiller qui lui donne son nom de scène (Greta Garbo). Il lui donne son premier grand rôle au cinéma muet face à l’acteur Lars Hanson en 1924.
Elle est repérée par Hollywood en 1925-26 où elle est totalement relookée par le photographe Arnold Genthe pour la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer) et perd 15 kilos.
Sa carrière s’épanouit à l’âge d’or du muet et ses films les mieux reçus de cette époque du muet datent de 1927-1928. Le studio qui l’emploie à prix d’or ne fait pas que transformer son apparence physique et vendre sa nouvelle image. Il lui invente une vie personnelle et, entre 1925 et 1930, Hollywood utilise sa supposée liaison tumultueuse avec l’acteur John Gilbert, également sous contrat à la MGM. Le studio vend la supposée magie ou tension romantique entre les deux acteurs quand ils jouent ensemble.
De nombreux articles dans la presse font de Greta Garbo une briseuse des cœurs. Elle aurait eu plusieurs liaisons, toujours avec des acteurs du studio et aurait également eu plusieurs demandes en mariage, dont une de John Gilbert. L’actrice, cependant, refuse d’épouser qui que ce soit. Elle ne s’est jamais mariée. Des lettres de 1928, au cœur de sa supposée passion pour John Gilbert, atteste qu’elle est toujours éprise de Mimi Pollak qui s’est pourtant mariée. En 1930, Greta devient la marraine de Lars, le fils que Mimi Pollak a eu avec Nils Lundeel. Elle lui écrit : « heureuse d’être le père ». Les deux femmes resteront en relation épistolaire pendant près de 60 ans.
Lorsque le cinéma subit la douloureuse transformation du muet au parlant, John Gilbert disparaît peu à peu des écrans. En revanche, le public se laisse charmer par la voix grave de Greta Garbo dans Anna Christie en 1930. Les chemins de deux acteurs divergent et la chronique vend désormais un nouveau personnage de Greta Garbo, inaccessible et secret. Ce personnage fait d’elle un mythe vivant et la fin de sa carrière en 1941 après 27 films achève d’en faire une icône, c’est-à-dire une image sacrée sur papier glacé totalement inaccessible. Pendant les 49 années suivantes, Greta Garbo s’est retirée des studios et a fui les photographes qui l’ont pourtant poursuivie. Le personnage mystérieux créé par les studios pour attirer les spectateurs devient un mystère de plus en plus épais et dont les raisons cette fois-ci paraissent obscures. Elle se transforme en sphinx et en énigme. Pour un de ses biographes, Barry Paris, elle aurait été « techniquement bisexuelle, principalement lesbienne et de plus en plus asexuée au fil des années ».
Les photos privées qu’on lui connait montrent une tout autre image de Garbo : elle est plus décontractée, choisit des vêtements plus masculins.
On lui prête des relations plus ou moins platoniques mais intenses avec diverses actrices d’Hollywood : Marlene Dietrich, Claudette Colbert, Joan Crawford ou encore Louise Brooks. D’après le brûlot de Mercedes d’Acosta, publié en 1960, elle aurait eu une longue et tumultueuse relation avec cette dernière, lesbienne notoire, entre 1931 et 1944.
C’est clairement dans les années 1930 que Greta Garbo devient une icône lesbienne au sens où elle joue un rôle, à son insu et au-delà de ce qu’elle a voulu, dans l’émergence d’une culture lesbienne américaine. Son rejet du mariage, les rumeurs qui circulent autour de sa vie sexuelle, son anticonformisme vestimentaire qui s’affiche à l’écran comme dans la Reine Christine par exemple, en font une référence.
La Seconde Guerre Mondiale est pour elle un tournant. Elle se retire complètement après 1949, date de ses derniers essais pour le film La Duchesse de Langeais qui aurait dû signer son come-back et vécut entre 1951 et 1990, la date de sa mort, dans un appartement new-yorkais qu’elle ne quittait que le temps de quelques voyages avec de riches amis. Elle devint citoyenne américaine.
Dans cet essai, on comprend sa peur de tourner. Pourquoi avait-elle peur ? Elle était la plus grande vedette de son temps. Pour les spécialistes, Greta Garbo a toujours été davantage guidée par la peur que par l’envie de faire des films.
Voici le dernier cliché d’elle, un cliché volé qui date du 9 avril 1990 : Greta Garbo a alors 85 ans. Elle est encore une fois d’une présence et d’une absence troublante.
