Mademoiselle de Murat, une victime de l’homophobie à la cour de Louis XIV ?

Aujourd’hui, je vais vous conter l’histoire de mademoiselle de Murat, une bien étrange comtesse, contemporaine de Charles Perrault et auteure comme lui de contes de fée qui sont en train d’être redécouverts pour leur qualité littéraire.

Cette histoire n’est possible que parce que cette « héroïne » appartient au monde des élites : celui qui laisse des traces écrites et des archives, qui détient presque le monopole du savoir lire et écrire et qui retient l’attention zélée de la police d’espionnage.

Henriette-Julie de Castelnau est née à Brest en 1670 dans la demeure confortable réservée à sa famille. Son père, Michel II de Castelnau, est alors gouverneur de ce grand port militaire : un privilège qu’il doit à la qualité de son lignage (une noblesse d’épée au sang bleu) et aux services rendus aux rois de France par les siens. Les Castelnau sont d’anciens seigneurs berrichons (dont le fief principal était la seigneurie de Breuilhamenon depuis la fin du Xe siècle) dont les terres ont été érigées en marquisat en 1647 par Louis XIII en remerciement de services militaires rendus pendant la guerre franco-espagnole. Du côté de sa mère, Louise Foucault, comtesse du Doignon, la petite Henriette-Julie hérite également d’un prestigieux lignage qui la fait appartenir à la haute noblesse d’épée. Elle est deux fois petite fille de Maréchaux de France, ce qui est exceptionnel. Son grand-père paternel fut l’ambassadeur de Catherine de Médicis auprès d’Elisabeth 1ère d’Angleterre.

Pourtant, de son enfance, sans doute écoulée entre la Bretagne (dont son père fut le gouverneur jusqu’à sa mort précoce), le Berry (d’où est originaire la famille de Castelnau et où se trouve le château familial dont Julie hérite en 1672, à 2 ans, à la mort de son père) et le Limousin (où se trouvent les biens de la famille de sa mère), on ne sait rien. Sa mère, une fois veuve, s’occupa-t-elle de sa fille et de ses deux autres sœurs ? Ou la laissa-t-elle éduquer par quelque tuteur ou précepteur ou institution catholique ? Mystère complet. Aujourd’hui, les spécialistes pensent que Julie vécut son enfance à Paris.

Mademoiselle de Murat victime d'homophobie ?

Mademoiselle de Murat victime d'homophobie ?

À 16 ans, Julie est présentée à la Cour, à Versailles, comme les autres demoiselles de son rang. Elle y vient en costume traditionnel breton et se fait remarquer pour la beauté de sa figure. Elle est présentée à Mme de Maintenon qui règne alors sur Versailles. En 1686, le roi Louis XIV est au sommet de sa puissance mais c’est un souverain isolé. Le décès de Marie-Thérèse, celui de Colbert et l’affaire des Poisons expliquent le changement d’atmosphère de la Cour qui est devenue plus conservatrice, plus dévote aussi.

Julie fait forte impression. Pourtant, sans que l’on sache pourquoi, aucun mariage n’est conclu. Julie n’est mariée qu’à l’âge de 21 ans, à un veuf déjà assez âgé, Nicolas Murat, comte de Gilbertez et baron de Villeneuve en Auvergne, qui est un habitué de Versailles. L’année suivante, elle donne naissance à un fils, César. Sa vie après son mariage, qui pourrait devenir rangée, apparaît à ses contemporains comme singulière. En effet, très rapidement, Julie se sépare de son mari, qui la maltraite, pour se mettre dans ses meubles, seule. Dans ses écrits, notamment une sorte de texte autobiographique mais romancée, on comprend que son mariage avec un colonel d’infanterie brutal la rend malheureuse.

Loin de s’isoler, elle se met à fréquenter les salons littéraires parisiens. Elle y rencontre une femme à la réputation sulfureuse avec laquelle elle publie son premier texte : Marie-Catherine d’Aulnoye. Cette dernière a fait parler d’elle dès 1669, lorsqu’avec la complicité de sa mère et de deux hommes (leurs amants respectifs), elle a essayé de faire accuser son mari de crime de lèse-majesté pour se débarrasser de lui. Le complot fut démasqué et la baronne d’Aulnoye dut s’exiler jusqu’en 1685, date de son retour en grâce à la Cour pour services rendus. En 1690, elle a encore été compromise pour son amitié avec une femme qui avait assassiné son mari (Mme Tiquet). Donc, en devenant l’amie d’une sorte de veuve noire ou de mante religieuse, Julie qui se comporte quasiment comme une divorcée fait jaser.

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