All About E : Interview de Mandahla Rose, l’interprète d’E

Mandahla Rose - All About E

Interview accordée à Daniela Costa le 23 novembre 2015 pour le site Afterellen.com

Depuis que nous vous avons parlé d’All About E il y a quelques mois, le battage publicitaire autour de ce long-métrage n’a fait qu’augmenter. Le film se focalise sur E (interprétée par l’actrice ouvertement lesbienne Mandahla Rose), une ancienne clarinettiste et actuellement DJ fuyant son ordure de patron avec Matt (Brett Rogers), son meilleur ami gay, et un sac rempli d’argent. Ah, et elle a des parents libanais étouffants et une ancienne petite-amie appelée Trish (Julia Billington), dont le souvenir continue de la hanter.

Nous avons discuté avec Mandahla avant qu’elle ne parte pour New York pour la projection d’All About E du 2 décembre. Nous avons parlé de tout, depuis ses propres talents musicaux jusqu’à la façon dont elle s’est inspirée d’une ancienne relation pour jouer le rôle d’E. Elle nous a aussi beaucoup détaillé les tenants et aboutissants de la scène de sexe remarquable du film. De rien.

Étiez-vous déjà intéressée à l’idée de jouer dans un road-movie avant de lire le scénario d’All About E ? Évidemment Thelma & Louise nous vient tout de suite à l’esprit, mais étiez-vous une fan du genre ?

Alors, je suis fan de Thelma & Louise mais je ne savais vraiment pas que c’était un genre aussi important que ça. En réalité, lorsque j’ai auditionné pour le rôle, je n’ai pas auditionné pour l’aspect road-movie en particulier. C’est par l’histoire d’E en elle-même que j’ai été attirée. Et puis, le fait que ce soit en plus un road-movie était super. C’était mon premier et j’ai vraiment apprécié.

Vous avez dit que c’est l’histoire d’E qui a attiré votre attention. Quoi en particulier ?

Le truc que j’ai vu chez E, c’est que, ouais, elle essaie vraiment de faire plaisir à tout le monde, et elle est vraiment très perdue, mais il y a une douceur et une gentillesse en elle que je voulais vraiment pouvoir montrer et je voulais raconter son histoire pour que les gens ne la voient pas juste comme une mauvaise fille. Pour qu’ils la voient comme une personne qui, en quelque sorte, aurait juste rencontré un obstacle sur son parcours et réalisé que si elle ne faisait pas le pas en avant qu’elle avait besoin de faire alors elle ne deviendrait pas la personne qu’elle avait besoin d’être.

Au début du film, il est clair qu’E vit beaucoup plus pour les autres qu’elle ne vit pour elle-même. Par exemple, elle veut rendre fiers ses parents et elle veut maintenir son patron à distance en continuant de lui faire gagner de l’argent. À votre avis, qu’est-ce qui fait qu’un personnage comme elle, pourtant charismatique, en arrive à ce point ?

En réalité, cela me parle. Pendant longtemps, j’ai constamment essayé de faire plaisir à tout le monde, sans vraiment être sûre de comment faire et tout en faisant ce que je voulais aussi. Je crois qu’E est juste incapable d’être elle-même et elle n’est pas capable de réellement vivre sa vie. Parce que si elle vit sa vie, ses parents ne seront pas heureux. Si elle fait ce qu’elle veut faire et joue de la clarinette, son patron ne sera pas content.

Ça peut être dur pour les personnes qui n’ont pas vu le film de comprendre que nous parlons encore de quelqu’un qui est très charismatique et qui n’est en aucun cas un paillasson, mais qui a ce comportement vis-à-vis de certaines figures d’autorité de sa vie.

Exactement. Et je pense que parfois il est facile de rendre quelqu’un heureux. Je crois que beaucoup de personnes sont capables de vivre leur vie, de faire ce que les autres personnes attendent d’elles et de [se] convaincre que c’est vraiment ce qu’elles veulent faire, sans être sûres que ce soit réellement ça ou non.

Personnellement, je suis fille de parents immigrés, donc je comprends E quand elle veut que ses parents soient fiers d’elle. Tout le monde veut impressionner ses parents, mais pour les enfants d’immigrés j’ai l’impression qu’il y a cette pression supplémentaire d’intégration et de découverte de soi sans vouloir rejeter ses parents pour autant. À votre avis, comment cela façonne E et ses actions ?

Je crois que pour E, étant maintenant fille unique, il est vraiment important de faire plaisir à ses parents. Mais elle sait que quoi qu’elle fasse, de toute façon, elle ne pourra pas. Il y a ce désir, je crois, peu importe vos origines, de vouloir rendre fières les personnes qui vous ont amené dans ce monde.

C’est intéressant parce que je n’ai pas de famille. J’ai été moi-même placée en famille d’accueil. Donc toute cette culture libanaise ou la rigueur familiale que certaines familles ont, je n’en ai jamais fait l’expérience auparavant. Mais mon ex-petite-amie était russe et nous avons été ensemble pendant trois ans et demi. Et être un secret faisait partie de notre histoire et c’est quelque chose avec lequel j’ai dû vivre. Ce n’est pas avant d’interpréter E et de raconter son histoire que j’ai réalisé à quel point il était dur pour mon ex de… rien que l’idée de faire son coming-out à ses parents était incroyablement effrayante parce qu’elle était enfant unique – son frère est aussi mort très jeune. Ça m’a fait réaliser qu’il ne s’agissait pas de moi. En réalité, j’ai été vraiment dure avec elle pour qu’elle parle de sa sexualité à ses parents.

Donc pour vous le film était « All About Empathy » [ndlt : Tout sur l’empathie]. Vous pouviez voir les choses du point de vue de votre ex. Étiez-vous la Trish dans ce scénario, ou étiez-vous un peu plus compréhensive ?

Définitivement plus compréhensive. J’étais tout le temps compréhensive de toute façon. Je suis chanceuse, j’ai beaucoup d’empathie. J’essaie toujours de me mettre à la place des autres, ce qui est une chance lorsque l’on suit la voie que j’ai choisie. Donc j’étais sans aucun doute un peu des deux, mais plus E lorsque l’on parle de mon ex. Je suppose que, quelque part, j’ai été en mesure de puiser dans cette expérience pour pouvoir aussi raconter l’histoire d’E parce que j’ai pu voir mon ex traverser ça.

Lorsque E n’a pas pu réussir en tant que clarinettiste, elle a tout quitté. Même les encouragements de sa petite-amie Trish n’ont rien changé. À votre avis, qu’est-ce qui, chez E, ne l’a pas fait se démener pour aller loin ?

Je crois que c’est cette peur de l’échec. Je crois que lorsque vous aimez quelque chose aussi fort et que vous voulez y mettre tout votre cœur et toute votre âme, cette peur de l’échec est incroyablement puissante, c’est comme quelque chose d’évident, qui est là, mais que tout le monde ignore. Si, par exemple, vous mettez toute votre personne dans la clarinette et que vous échouez, alors à quoi pouvez-vous vous raccrocher ?

Oui, elle avait le soutien de sa petite-amie à l’époque et tout, mais ça aurait quand même été très dur. Si elle échouait, alors il n’y avait absolument rien à quoi elle aurait pu réellement se raccrocher. Et être DJ est tellement plus cool. La clarinette n’est pas un instrument très sexy. Je ne sais même pas si je le rends sexy.

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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