Alto : Interview du réalisateur et scénariste Mikki del Monico

Mikki del Monico - Alto

Interview accordée à Isabelle B. Price pour le site Univers-L.com

Alto est votre première réalisation mais vous travaillez dans le milieu du cinéma depuis plusieurs années déjà. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours professionnel ?

Je travaillais déjà en tant que monteur indépendant lorsque j’ai été accepté à l’université de Columbia pour le master en art cinématographique. À ce moment-là je voulais m’écarter du montage et m’orienter vers l’écriture. L’un de mes scénarii de long-métrage, Indelible, a gagné à la fois le prix Alfred P. Sloan du meilleur scénario et une bourse de production. J’ai continué à écrire mais j’ai aussi commencé à réaliser, d’abord des clips musicaux. Être monteur a été un très bon entraînement, aussi bien pour l’écriture de scénarii que pour la réalisation parce que cela m’a appris à raconter une histoire avec des images.

Comment est née l’idée du long-métrage Alto ?

J’avais fini de travailler sur un drame familial fort et je voulais écrire quelque chose de marrant. J’ai utilisé ma propre famille comme point de départ. Beaucoup de mes amis sont musiciens, j’ai donc pris des morceaux de leurs histoires et les ai incorporés au personnage de Frankie. J’ai installé l’histoire dans l’univers de la mafia parce que je voulais utiliser cette idée d’italo-américains, de leurs connexions au crime organisé et parler de ça, donner des arguments pour et contre, tout ça dans le cadre d’une comédie romantique légère. Je voulais aussi que les gens aient l’impression de pouvoir reconnaître des membres de leurs familles à travers les personnages. Les rires ouvrent souvent la porte aux discussions qu’on ne voudrait pas avoir autrement.

Vous avez été à la fois scénariste, réalisateur et producteur sur le film. Ce n’était pas trop difficile de jongler avec toutes ces casquettes ?

Je dirais que j’ai écrit, réalisé et monté Alto, mais même s’il est vrai que j’ai coproduit le film à un certain degré, j’avais une productrice incroyable en la personne de Toni d’Antonio, sans qui je n’aurais pu finir ce projet. Lors de la production, Toni s’est occupée de la paperasse et des problèmes qu’il y a eu en coulisses et elle ne m’en a pas parlé pour que je puisse me concentrer sur la réalisation. Il a fallu beaucoup de travail pour écrire, réaliser et monter mais surtout pour comprendre que chacune de ces casquettes requiert un point de vue différent. Lors du tournage, j’ai souvent dû porter les trois casquettes : celle de scénariste lorsque des scènes avaient besoin d’être retravaillées à la dernière minute à cause d’imprévus ; celle de réalisateur lorsque je dirigeais les acteurs et préparais le plateau ; et celle de monteur lorsque je devais me dire que l’on avait enregistré ce dont on avait besoin pour la scène et que l’on pouvait passer à la suivante. Toutes ces compétences sont primordiales dans un film à petit budget et il vous faut savoir quand arrêter et laisser l’une d’elles prendre le dessus sur les autres.

Comment s’est déroulé le casting ? A-t-il été dur de réunir toute l’équipe ?

Nous avons choisi les personnages secondaires avant nos personnages principaux, ce qui est un peu inhabituel de ce que j’ai compris. Je savais qu’il y aurait une grande distribution, donc je voulais être sûr que les relations entre les différents rôles secondaires seraient bonnes avant de choisir les rôles principaux. Nous n’avions plus beaucoup de temps avant de commencer à tourner et nous n’avions toujours pas nos personnages principaux. J’avais vu beaucoup d’actrices talentueuses mais aucune d’entre elles ne m’avait fait dire « Ok, oui, ça c’est notre Frankie, ça c’est notre Nicolette ». Nous avons découvert Diana DeGarmo (Frankie) grâce à un agent en commun avec le prêtre du film, Richie Allan. Natalie Knepp (Nicolette) avait d’abord auditionné pour le rôle de Frankie, mais elle était clairement plus faite pour Nicolette. Ce n’est pas avant d’avoir réuni Diana et Natalie ensemble dans une pièce pour un « test d’alchimie » que j’ai pensé « Oui, ça y est, on les tient ». Elles étaient capables d’incarner cette attirance explosive si cruciale pour que le film fonctionne.

Il est toujours difficile pour les films indépendants de réunir un budget conséquent permettant de tourner ce qui était initialement imaginé. Comment vous y êtes-vous pris pour Alto ?

Notre budget est venu d’investisseurs privés qui ont suivi notre super campagne de crowdfunding Kickstarter. Nous avions essayé diverses choses pour financer le projet. Nous avons presque réussi à de nombreuses reprises, mais à chaque fois c’est tombé à l’eau. La seule chose que l’on n’avait pas essayée était le crowdfunding et l’on s’est dit que si l’on arrivait à réunir suffisamment d’argent pour montrer que les gens avaient envie de voir ce film, alors on réunirait le reste via des investisseurs privés et on ferait ce film. On savait que le budget serait super serré et presque chaque dollar que l’on a récolté est mis à l’écran.

Ma productrice, Toni d’Antonio, blague souvent sur le fait qu’elle avait dû perdre la tête lorsqu’en décomposant le scénario pour notre budget elle avait voulu programmer 24 lieux différents et 35 acteurs professionnels en rôle parlant. Et pourtant on l’a fait, en 18 jours de tournage initialement prévus plus 3 jours de reprise. Je n’ai pas tellement modifié le scénario en fonction du budget. Peut-être ai-je essayé de trop faire pour mon premier film, et c’est vrai qu’il a fallu que je fasse des compromis artistiques pour adapter les lieux et le nombre d’acteurs, mais au final, nous avons créé un univers, ce qui est aussi une partie essentielle de l’expression artistique.

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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