Sphinx d’Anne Garreta

Sphinx d'Anne Garreta

Titre Français : Sphinx

Titre Original : Sphinx

Auteur : Anne Garreta

Date de Sortie : 1986

Nationalité : Française

Genre : Roman Contemporain

Nombre de Pages : 229 pages

Éditeur : Grasset

ISBN : 2-246-36561-9

Sphinx : Quatrième de Couverture

Une ancienne légende raconte que le sphinx dévorait ceux qui échouaient à résoudre son énigme ; qu’en sphinx cohabitaient du lion et de l’oiseau ; et que sphinx deviné se jeta du haut de quelque promontoire.

A*** danse ; je erre, la nuit. Sur fond de boîtes et de cabarets, à Paris, à New York. Leur histoire (amour) semble répéter la légende ancienne : aux yeux de je, A*** devient sphinx.

Mais au gré de quelle énigme ? Je ne sait, mais ne peut que deviner obscurément que la résoudre serait perdre A*** et ne la pas résoudre, se perdre.

Sphinx : Avis Personnel

Sphinx n’est pas à proprement parler un roman lesbien. Mais il n’est pas non plus un roman hétéro, pas plus qu’un roman gay.
En fait, Sphinx devient ce que vous, lecteur, décidez d’en faire.

L’histoire peut sembler banale et, au fond, elle l’est : je aime A***. C’est tout.
Après, la vie et tous ces aléas passent par là, et le lecteur suit je au gré de ses pérégrinations, de Paris à New York en passant par l’Italie ou l’Allemagne…
En soi, rien de révolutionnaire du côté de l’intrigue. Il s’agit juste d’observer un personnage et ses réactions face à l’amour, à la mort, au deuil et à la reconstruction, possible ou non. Comme pour des films fonctionnant sur ce même principe de « tranche de vie », généralement c’est tout l’un ou tout l’autre : on adore ou on déteste.
Pour ma part, je trouve qu’Anne Garreta relève remarquablement le défi, mettant toujours en lumière les éléments les plus justes, ceux qui font qu’une œuvre se démarque des autres et donne toute son ampleur véritable à l’art.

En parlant d’art, il faut dire que la principale particularité du livre se situe dans son écriture, dans la langue utilisée. Sphinx est le premier roman d’Anne Garreta, mais son style est déjà défini, ciselé à la perfection, à la fois érudit et incroyablement direct. Et puis surtout, le tour de force du roman réside dans ces deux personnages : je et A*** ! L’auteure réussit pendant plus de 200 pages à ne leur attribuer aucun genre, laissant flotter le doute et confiant au lecteur le soin de bâtir sa part d’imaginaire. Prouesse linguistique évidemment, mais également démarche extrêmement intéressante, qui pourrait fournir une sorte de « manifeste » ou d’illustration aux théories queer et transgenres.

Un livre troublant donc, à découvrir absolument : soit pour le plaisir d’un récit juste et puissant, soit par intérêt linguistique et théorique, soit par curiosité littéraire… Ou pour tout ça à la fois !

Sphinx : Extraits

« Me souvenir m’attriste encore à des années de distance. Combien au juste, je ne sais plus. Dix ou treize peut-être. Et pourquoi me faudra-t-il toujours ne vivre qu’en souvenir, en mémoire ? Ame en quête d’incarnation, mais lourde déjà de trop de savoir ou corps fatigué de s’éprouver pensant et impuissant à la fois, tant l’a traversé cette obsession d’un ennui dont rien ou presque ne le divertit plus. A l’époque, si je me souviens bien, je décrivais le monde comme un théâtre où auraient dansé, au bal macabre des pulsions, des théories de cadavres. Contemption et vocifération ne m’empêchaient pourtant pas de traquer la décomposition de valse en valse amoureuse.

Dans le couloir qui y aboutissait nous croisâmes, sortant de la sienne, quelqu’un que je sus plus tard être A***, qui alors, crâne rasé, s’en allait accomplir la scène du finale : la descente du grand escalier bordé sur toute sa volée d’un mur vivant de plumes noires et blanches. Le spectacle touchait à sa fin.

L’étrange sensation de se sentir toujours au bord affreux de quelque imminente rupture… Sentiment, fondement de tout ce qui en moi jamais n’a fluctué : sorte d’ivresse amère de lente solitude, tendance inéluctable au désenchantement final de toute idylle. Et je ne sais pourquoi, ni comment l’expliquer. Je crois n’avoir pourtant requis, de qui j’ai aimé, que peu de choses. J’eusse tout donné, tout accordé, tout pardonné de ses errances à qui m’eût laissé le loisir d’une discrète tendresse. Toujours, j’ai répugné au scandale et là sans doute fut l’origine de mes successives chutes et défaites. Tant j’ai peur d’étouffer l’autre que je chéris. Mon silence, ce repli de tous les instants sur une souffrance qu’à tort peut-être je tenais pour immodérée, obscène, je le porte comme une croix qui ne fut jamais signe – ni promesse – d’aucune rédemption, calvaire sans rachat, sacrifice involontaire et de pure perte.

A propos de Julia Clieuterpe

Chroniqueuse occasionnelle

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