Bisexualité : Double chance ou Double peine ?

Double peine

Opening credit : générique de Star Trek – Voix off : « Les bisexuelles… Elles vivent parmi nous, meilleures amies, compagnes, ex, maîtresses… Mais qui sont-elles et que veulent-elles vraiment ? »

Oui, on pourrait penser que j’exagère un peu là, mais c’est à dessein. Pendant de longues années, je n’ai prêté aucune attention à la position des bisexuelles dans la communauté LGBT, parce qu’il me semblait tomber sous le sens qu’elles en faisaient partie au même titre que moi. Probablement parce que j’étais dans un couple stable avec une femme affirmant être bi, et que cela ne m’a jamais posé le moindre problème, ni même la moindre question. Et peut-être aussi accessoirement parce dans LGBT, il y a bien un B.

Pourtant des années plus tard, lorsque j’ai commencé à pratiquer les sites de rencontre et à interagir davantage avec cette communauté, je me suis rendu compte qu’il n’en était rien. Ou en tout cas, pas pour tout le monde. J’ai entendu des plaidoyers plus ou moins virulents contre la bisexualité, certains même qui en reniaient l’existence. J’ai vu tous ces profils qui précisaient : « lesbiennes only, bis s’abstenir » décliné sous diverses formes de l’humoristique à la limite de l’insultant. Il y a peu, sur ce site même, on pouvait voir cette vidéo hilarante décrivant le début d’une relation lesbienne expresse en chanson, mais qui finissait abruptement lorsque l’objet du désir de la principale protagoniste avouait être bi. De l’humour certes, mais si on s’en moque c’est bien parce que cela existe, tout comme on le fait pour le racisme, l’homophobie ou le cancer.

Pourtant à première vue, la chance semble leur sourire. Elles peuvent être ouvertes à toute opportunité amoureuse. Comme le dit si bien Carla dans Better than chocolate : « I like all the chocolates in the box ». Elles peuvent donc réellement tomber amoureuses d’une personnalité avant tout, sans tenir compte du reste. Combien de fois ai-je entendu dire : l’amour n’a pas de sexe, tu aimes une personne et c’est tout. Hum, soyons francs, dans mon cas, si la personne est équipée d’un pénis, je peux être certaine que ça va poser un problème. Enfin bref, pour ces filles, pas de soucis. Elles peuvent apprécier les deux côtés de la force sans distinction. A priori, je dirais : Jackpot !

Oui mais voilà, c’était sans compter sur la complexité de la nature humaine. Que reproche-t-on donc aux bis ? J’ai décidé de mener mon enquête auprès d’un panel qui gardera ici l’anonymat…

L’arithmétique d’une part… Aussi simple que 2 et 2 font 4. Certaines lesbiennes y voient un risque accru d’infidélité. Si dans une relation lesbienne « pure et dure » 50 % seulement de la population mondiale sont considérées comme un facteur de risque, lors d’une relation avec une bi c’est carrément 100 % de cette même population qui est concernée. Autant dire qu’au train où vont les choses, ça fait du monde… Bien entendu, on peut s’interroger sur le fait que dans les 50 % de femmes, seul un pourcentage minoritaire est susceptible d’être intéressé par une relation avec une autre femme. Et évidemment, un pourcentage encore plus minoritaire pourrait avoir l’occasion et le désir de s’investir dans une relation « adultère » avec l’objet de votre amour. Idem du côté masculin. On peut aussi se demander si le fait que les partenaires hypothétiques soient plus nombreux augmente vraiment les chances que la personne ne respecte pas ses promesses… Mais bon, soit.

À l’arithmétique s’ajoute alors une considération pragmatique. Si la personne que vous aimez apprécie autant le sexe hétéro que le sexe homo, n’y a-t-il pas un risque de manque ? En résumé cette personne pourrait hypothétiquement souhaiter bénéficier de tous les avantages de sa situation en même temps. Un homme au bras droit, une fille au bras gauche… Le rêve de toute bi ou le cauchemar de toute lesbienne ? Procès d’intention ou observation in situ, il y a sûrement un historique derrière cette inquiétude, mais il est difficile à quantifier.

Autre reproche, plus philosophique celui-ci, les bis ont apparemment la réputation dans le milieu homosexuel de prendre du bon temps avec leurs petites amies, mais de se tourner vers leur petit ami pour se marier, fonder une famille, et profiter de toute l’acceptation sociale qui va avec… En clair, de choisir la facilité et de ne pas participer à la lutte pour que les choses changent. Cette remarque est intéressante, mais il m’a été impossible de savoir sur quels exemples précis cela s’appuyait. Une mauvaise expérience ici et là, ça c’est certain. Mais en termes de statistique, où se trouve-t-on ? Sur quelle réalité cette réputation est-elle vraiment basée ?

Si on se place maintenant du point vue masculin, les avis divergent. Les bisexuelles sont sans aucun doute une sorte de fantasme pour certains hommes… Probablement les mêmes qui pensent que les lesbiennes ne sont que des bis qui n’ont pas encore rencontré le bon pénis. Mais si on dépasse le stade du fantasme ou de la relation d’un soir, cela se complique. Les mêmes doutes reviennent en ce qui concerne la fidélité, et les hommes sont loin d’être aussi confortables que cela avec l’idée que leur petite amie pourrait flasher sur leur sœur.

Donc au final, l’image de la bisexualité souffre de nombreux préjudices. Et je ne peux m’empêcher de me demander sur quelle base réelle. Les bisexuelles ont-elles un historique d’infidélité plus élevé que les hétéros ou les homos ? Vraiment ? Cela voudrait-il dire que l’orientation sexuelle influence le jugement moral ? Je n’y crois pas une seconde. Et dans un sens, accepter cela serait donner raison aux théories les plus rétrogrades des cercles homophobes.

De la même façon, si une femme bisexuelle tombe suffisamment amoureuse d’un homme pour fonder une famille avec lui, doit-on pour autant la considérer comme une ennemie de la cause ? Je trouve la réaction un peu extrême. Et les extrêmes ont rarement raison. Il y a certainement des personnes qui se sont mal conduites et d’autres qui perpétueront cette mauvaise réputation. Mais de là à en faire une généralité, je trouve ça dommage, et surtout étroit d’esprit pour une communauté qui a justement besoin qu’on ait à son égard une certaine ouverture d’esprit.

Pour finir, les conseils tant attendus de la Grande Yaka Faukon

  • Vous êtes tombée amoureuse d’une bi ? Pas de panique, y a qu’à respirer un grand coup et vous persuader que vous êtes le plus savoureux des chocolats de la boîte ! Si cela ne suffit pas, il y a toujours le bracelet électronique évidemment… 😉
  • Vous êtes bi et vous êtes tombée en pamoison pour cette prof de clarinette lesbienne à 300 %, allergique au Bword ? No problemo, faut juste qu’on se cotise pour vous trouver le style adéquat, parfait mélange entre Alice, Bo et Piper. Ça marche à tous les coups !

A propos de Sylvie Geroux

Née à Amiens en 1975 et géologue de formation, Sylvie Géroux travaille actuellement à Amsterdam après un séjour londonien de quelques années. Passionnée de lecture, elle commence à écrire à l'adolescence des nouvelles de tous genres, de la romance à la science fiction. C'est finalement chez HQN qu'elle publie son premier roman, Nadya & Elena, la première romance lesbienne de la collection.

7 commentaires

  1. Il faut se dire aussi que cette histoire de calcul du pourcentage de ‘facteur de risque’ est en soit complètement caricaturale.. Une femme lesbienne ne sera à priori jamais attirée par 100% des femmes ! Et une femme bi ne sera pas attirée par 100% de la population : être bi, ça ne veut pas dire pouvoir/vouloir se faire tout le monde, mais pouvoir/vouloir parmi tout le monde (pour moi, en tout cas !)

    C’est surtout le fait de pouvoir se faire tromper/remplacer par un autre sexe qui est problématique chez les gens – de ce que je remarque personnellement en tout cas – avec des remarques du type ‘si mon mec (en l’occurrence c’est une femme hétéro qui a prononcé cette phrase ^^) me trompait avec un mec je me sentirai vachement diminuée en tant que femme’.

  2. Un reproche supplémentaire déjà entendu est le fait que parmi les femmes bi il y aurait beaucoup d’hétéros en quête d’expériences, donc ni crédibles ni dignes de confiance (ce qui, quand on y pense, n’est qu’une variation du fantasme masculin qu’être lesbienne ne serait qu’une phase de la femme-qui-n’a-pas-trouvé-pénis-à-son-vagin)? Je pense que le fait d’appartenir à une minorité (sexuelle ici) nous rend plus fragile et en tout cas moins enclines à accepter la confusion. En bref, on doit choisir son camp, même si la notion de camp n’a guère de sens.

    • C’est vrai, cela fait un peu partie de la theorie que j’evoquais qui nie pratiquement l’existence de la bisexualite en disant en gros : il y les heteros, les homos et les menteuses… Cela vient certainement comme tu le dis d’une certaine fragilite des minorites. Quoiqu’il en soit cette notion de camp existe malheureusement et presente les bisexuelles comme des neutres profiteurs rappelant la Suisse en pleine seconde guerre mondiale…

  3. Le paragraphe sur l’arithmétique m’a fait sourire, ayant souvent tendance à répondre que je trouve dommage de se priver de 50% de la population mondiale quand j’évoque un bel homme et qu’on me dit “Mais, t’es pas lesbienne ?!”
    Néanmoins, je n’ai jamais eu à faire face à des remarques biphobes, et apprécie grandement cette chance. Le seul aspect légèrement irritant à la longue, ce sont les hétéros qui rêvent d’inclure une bisexuelle dans leurs plans à trois, et je parle ici des hommes comme des femmes…mais bon, il paraît que c’est une chance pour “nous”, toutes ces opportunités.

  4. +1
    tout n’est qu’une question de confiance et de personne.
    les préjugés blessent toujours………….

  5. Merci pour cette chronique ! J’adore toujours autant les lire ! J’avoue, pour moi qu’on soit dans un couple hétéro, homo, avec une personne bisexuelle, tout est une question de confiance en l’autre.

    Toute lesbienne que je suis, j’ai beaucoup de mal avec cette biphobie ambiante dans le milieu lesbien… Il est intéressant de voir que les clichés perdurent et que malheureusement il y a encore pas mal de boulot à ce niveau…

    • Je suis d’accord à 100%. Tout est question de confiance et celle-ci ne devrait pas être liée à l’identité sexuelle du partenaire mais plutôt à sa personnalité.

      Mais comme tu dis, il y a encore du boulot sur le thème : la communauté LBGT phobie-free…

      Merci du commentaire en tout cas ! 🙂

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