interview de Kasia Borek, l’interprète d’Emma Müller

Interview liée à la série Hand Aufs Herz

Kasia Borek

Interview accordée à Rosalie & Co pour le site Rosalieundco.de le 18 Juillet 2011

Kasia, tu joues depuis l’an dernier dans Hand aufs Herz, la plutôt timide et assez nerd (ndlt : intello) Emma Müller. Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce rôle ?

Je suis plutôt attirée par des personnages originaux, individuels, bizarres. J’aime beaucoup les jouer parce que ces personnages ont la plupart du temps un secret. Je n’aimerais pas jouer quelqu’un qui est parfait parce que je trouve ça inintéressant. J’aime prendre des risques quand il s’agit de la comédie. On s’investit entièrement et on ne sait pas ce qu’il adviendra. C’est un peu comme à la Bourse. On veut essayer parce qu’on sait que si on ne le fait pas on va alors s’en mordre les doigts ou on va rater sa chance d’apprendre quelque chose sur soi-même. Maintenant, cela n’a absolument rien à voir avec le fait qu’Emma soit un rôle de lesbienne et cela vaut de façon générale et pour tous les rôles.

Quel a été pour toi le défi en ce qui concerne le personnage d’Emma ?

Il m’a été dur de jouer la timidité d’Emma. Je suis quelqu’un qui aime donner son avis, pas toujours mais quand je le pense être nécessaire. Au début, je trouvais ça chez Emma assez difficile parce que j’avais beaucoup d’idées pendant les scènes et quand les autres discutaient, j’avais toujours quelque chose à faire remarquer et je voulais le dire mais je n’en avais pas le droit. Mais je respecte la sphère d’Emma et j’aime bien aussi comment Emma prend racine et s’épanouit lentement. Je suis curieuse de voir quelle fleur elle va devenir. Par exemple, j’aime beaucoup les tournesols.

Avais-tu ou plutôt as-tu une influence sur l’évolution du personnage et les actions ?

Nous sommes en contact permanent avec les scénaristes qui nous ont dit d’entrée de jeu de venir les voir avec nos souhaits et qu’ils essaieraient de les réaliser. À cause de la multitude des nœuds isolés de l’intrigue et des cohérences, ce n’est pas toujours faisable de suite la plupart du temps mais peut-être un jour. Je leur dis de temps à autre quel genre de scène j’aimerais jouer mais toutefois pas comment à mon avis l’histoire d’Emma devrait continuer. Bien sûr, je souhaiterais qu’Emma devienne plus courageuse mais je ne veux pas contrôler cela. Quand on se réveille le matin à ce moment-là on ne sait pas comment va se passer la journée mais on se laisse entrainer et c’est ce que je veux pour Emma aussi. Ça m’est égal qu’elle tombe dans un trou profond ou qu’elle devienne Mère Térésa.

Savais-tu dès le début qu’Emma serait amoureuse d’une fille ?

Au tout début, on n’en avait pas encore parlé mais lorsqu’on m’a dit qu’Emma rencontrerait quelqu’un et tomberait amoureuse de cette personne peu importe le sexe de celle-ci, j’ai tout de suite été d’accord. Ce que je trouve super chez ces personnages de Jenny et Emma c’est que les sentiments se jouent complètement à un autre niveau. Ça m’énerve ce plein de cliché sur le comportement Hommes-Femmes. Je crois qu’il y a quelque chose de particulier entre deux femmes que les deux se comprennent à un autre niveau et c’est ce qui rend les choses parfois encore plus compliquées. C’est à plusieurs couches et c’est ce qui le rend intéressant à jouer.

L’histoire d’amour entre Jenny et Emma, affectueusement nommée par les fans « Jemma » a une résonance très positive et a même suscité un véritable engouement de la part du public pas seulement en Allemagne mais également dans le monde entier. Est-ce que tu t’y attendais ?

Je n’aurais certainement pas prévu que tant de monde s’intéresse à l’histoire d’Emma et Jenny. J’avais déjà l’impression qu’elle était bien jouée parce que Lucy et moi nous nous occupons l’une de l’autre, parce que nous sommes ouvertes, parce que nous aimons notre job. Je me suis risquée à m’ouvrir pour le rôle. Que cela continue sur un autre plan et en particulier que le jeu avec Lucy puisse être pour moi si enrichissant, disparate et intéressant, je ne m’y attendais pas. En fin de compte, la chance a beaucoup à voir avec tout ça.

As-tu entendu parler du buzz autour de Jemma et si oui comment tu le gères ?

On entend de la part de beaucoup de gens « buzz, buzz, buzz » et on ne l’accepte en tant que tel que parce qu’on ne sait pas ce qui est normal et ce qui ne l’est pas et on ne peut pas cerner si l’engouement est grand ou petit ou si cela fait une différence. J’aurais pu sûrement en entendre beaucoup plus mais j’essaie volontairement de rester neutre parce que par ce biais j’arrive à laisser de la place pour mon rôle. C’est pour moi le plus important, ce n’est que par là que je peux toucher les gens, quand j’ai la lucidité et que je sais ce que je fais. Mais évidemment que je me réjouis de cet engouement.

Face à cet engouement, est-ce que tu réfléchis particulièrement à comment jouer ton rôle ou est-ce que ce qui t’arrive est juste bon ?

Je n’y pense pas trop parce que je ne veux pas que cela m’apporte des idées. Et c’est ce que je voudrais éviter. Quand la caméra tourne, je suis là. Nous tournons tant et si rapidement qu’il ne reste pas de temps pour ouvrir les différents tiroirs un peu comme la devise « aujourd’hui, je suis un peu triste et je vais mélanger ça avec un peu de joie » mais je prends volontiers l’ambiance et l’émotion que je ressens de suite.

L’appréciation de ce que je fais là, je ne voudrais pas moi-même la reprendre mais je voudrais complètement la rendre aux fans. C’est pourquoi je suis également curieuse des réactions et encore et toujours étonnée comme par exemple aux Soap Awards ou particulièrement lors du jour de la rencontre avec les fans.

Lors du jour des fans mais également lors des Soap Awards, le buzz autour de Jemma a été de plus en plus évident. C’était comment pour toi ?

Lorsque j’ai vu ce jour-là tous ces visages enthousiastes, j’ai pris conscience pour la première fois que ce que l’on faisait avait un sens, que l’on ne raconte pas seulement une histoire quelconque ce qui est bien mais qu’il y a une communication et qu’on reçoit beaucoup en retour. C’est comme ça que je vois alors en général la relation acteur/spectateur. C’est donner et recevoir. Et l’engagement des fans lors des Soap Awards m’a coupé le sifflet. J’ai trouvé ça dommage que l’on n’arrive qu’en deuxième position mais pour les fans c’était important.

Est-ce que tu t’es préparée particulièrement pour ce rôle et par la même occasion pour l’histoire du coming-out ?

Je connais ce sentiment de différence. Ça n’a rien du tout à voir avec le fait qu’on soit gay ou lesbienne. En fait, j’ai beaucoup déménagé, je n’avais jamais de véritable bande de copains, je devais toujours m’intégrer. Une fois on était accepté tout de suite, une autre fois on était d’emblée marginalisé. Je sais aussi ce que cela veut dire d’être accepté, ou également de ne pas être accepté. Mais j’ai naturellement également parlé avec mes amis gays et lesbiennes de leurs expériences. Avant tout je les ai observés et j’ai constaté que chaque relation, que cela soit entre un homme et une femme, deux hommes ou deux femmes traverse les mêmes phases traditionnelles. Malgré tout je crois d’une certaine façon qu’entre deux femmes c’est plus relax.

Comment ton entourage a réagi (en particulier ta famille) au fait que tu joues à la télé une femme qui aime une autre femme ?

La réaction des autres m’a toujours été égale. Mon père m’a inculqué qu’il est important d’être soi-même, de tracer sa propre route. J’ai interprété cela comme de pouvoir jouer tous les rôles, peu importe tant qu’ils me vont. J’ai la chance d’avoir des parents très tolérants. Si les hommes de ma famille ne regardent pas Hand aufs Herz ça a peut être à voir avec le fait qu’ils trouvent que c’est un truc de nana et qu’ils préfèrent les films d’action ou le foot.

Tes parents sont originaires de Pologne, tu es certes née en Allemagne et tu y as grandi mais tu as étudié en Pologne et tu as également un passeport polonais. Comment vois-tu l’attitude de la société polonaise à l’égard des gays et lesbiennes ?

En Pologne, on est mentalement encore plus éloigné du thème de l’homosexualité qu’ici en Allemagne. Ici, on a commencé beaucoup plus tôt à en discuter, à un moment où la Pologne était encore communiste et où les jeunes avaient moins de liberté. Malgré tout il y a déjà aujourd’hui beaucoup de personnes qui osent montrer leurs sentiments en particulier dans les grandes villes où cela est déjà plus accepté qu’à la campagne. Le catholicisme joue naturellement un grand rôle. Que l’on fasse son coming-out ou pas, la plupart du temps ça a moins à voir avec l’acceptation dans la société qu’avec les réactions redoutées dans la famille. J’ai beaucoup d’amis gays en Pologne et encore aujourd’hui l’un d’entre eux n’ose pas faire son coming-out à sa mère. D’un autre côté, un de nos collègues d’étude est l’un des premiers à être apparu dans Varsovie en tant que transsexuel. J’ai trouvé ça super avec quel élan et avec quelle évidence il est monté sur scène et a fait ses shows. Les gens l’ont beaucoup apprécié. Il y a des extrêmes partout mais je pense que la Pologne est sur la bonne voie.

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