Concussion : Interview de Robin Weigert, l’interprète d’Abby

Robin Weigert

Interview accordée à Dana Piccoli le 01 Octobre 2013 pour le site Afterellen.com

Robin Weigert n’est peut-être pas encore un nom connu mais il devrait. L’actrice a eu des rôles dans beaucoup de nos séries préférées comme Grey’s Anatomy, Chicago Fire, Sons of Anarchy et bien d’autres. Elle a même eu une nomination aux Emmy pour son portrait de Calamity Jane dans Deadwood.

Cependant, son rôle dans le très prochain film Concussion la propulsera sur le devant de la scène comme jamais auparavant. Weigert joue le rôle d’Abby, une lesbienne femme au foyer dans une banlieue, elle sort de son mariage et entre dans un tout nouveau monde d’éveil, éveil sexuel et autre. Weigert joue impérieusement. Elle est une véritable actrice se dédiant entièrement à la profession et à l’histoire. J’ai récemment eu le plaisir de parler avec elle au sujet du film et elle m’a renversée par ses réponses réfléchies, et puissamment perspicaces.

J’ai vu Concussion et je l’ai trouvé incroyable. Tout fonctionne tellement bien. Votre portrait merveilleux de Abby/Eleanor, le scénario si puissant, l’ensemble. Qu’est-ce qui vous a initialement attirée dans ce film ?

Mon Dieu, c’est simplement cette incroyable histoire. Il s’agit d’un chemin fabuleux. Depuis l’état dissocié du début jusqu’au retour complet à son corps, et puis peu importe la lutte et les conséquences que cela entraîne. J’adore la façon dont la fin reste ouverte. Et j’adore sa façon de sortir des sentiers battus mais également la manière dont, de toute évidence, elle met juste un pied devant l’autre.

Il y a une espèce de communication : tout ce qu’elle fait c’est essayer de marcher. Et elle affronte tous ces problèmes. Je veux dire, elle essaye simplement de trouver sa voie et je trouve que c’est merveilleux lorsqu’un scénario peut vous rendre à fond dedans alors que vous ne saviez même pas qu’il se passait quelque chose. J’ai plongé dans l’idée qu’il y ait cette envie, c’est super enfoui mais inévitablement elle remonte à la surface. Elle ne peut pas faire grand-chose mis à part suivre cette envie, la laisser la guider.

C’est un peu comme une crise de la quarantaine, comme ces moments adolescents où, aussi fort que vous puissiez souhaiter être une bonne fille ou un bon garçon, cette chose qui grandit en vous est plus forte. C’est un peu ce qui lui arrive au milieu de sa vie.

Je pense que c’est ce qui arrive à beaucoup de personnes à un moment de leur vie, particulièrement lorsqu’ils sont établis dans un mariage qui ne les comble pas tout à fait mais qu’ils pensent aimer. C’est un peu valable pour tous les mariages [rires] au cours du temps. C’est en effet, très rare que deux personnes puissent combler les besoins profonds de l’autre pendant une très très longue durée. Tout particulièrement lorsqu’il y a des enfants impliqués. J’adore le fait que l’histoire parle – bon, il y a aussi l’analyse du personnage dans un sens – du mariage à travers un couple de même sexe.

Vous n’avez pas, en tant que membre du public, le luxe de pouvoir appliquer les stéréotypes de genres aux différents personnages. Vous ne vous dîtes pas, bien entendu, l’homme arrivé à la cinquantaine veut sortir avec sa secrétaire parce que sa femme n’estpas présente pour lui sexuellement parlant. Ou bien une femme qui arrive à la cinquantaine et son mari ne lui prête pas suffisamment d’attention, donc elle part se trouver un homme parce qu’elle a besoin d’être considérée. Vous ne pouvez pas appliquer ces vieilles figures de style à cette histoire parce qu’il s’agit d’une femme et d’une femme. Vous devez considérer cela comme une histoire entre deux humains et je pense que c’est pour cela que cela parle à un public plus large. Mais ça nevous tire pas vraiment d’affaire quant à la complexité de gérer un mariage.Point. Point barre, vous voyez ?!

Sans en dire trop à nos lecteurs, peu de temps après que votre personnage ait souffert d’une commotion, elle commence à avoir une renaissance sexuelle. Elle est mariée à une femme et est mère de deux enfants, mais elle commence à chercher à avoir des expériences avec d’autres femmes. En tant que spectatrice, cela m’a , était-ce la commotion qui a changé quelque chose en Abby, ou était-ce juste l’élément déclencheur, une excuse peut-être…

J’ai un avis bien tranché là-dessus.

[Rires]

Je pense que quelques unes de mes lignes du film ont créé cette confusion, parce qu’elles impliquent presque une chronologie linéaire ou une connexion trop littérale entre sa commotion cérébrale et son comportement. Je pense qu’il s’agit davantage de petits événements choquants, désorientants apparaissant dans une vie très prédéterminée.

Je veux dire, vous êtes comme un hamster dans sa roue, regardant passer les jours les uns après les autres, tous les mêmes que les précédents et quelque chose arrive et vous percute. Au sens propre ou au figuré. Boum ! Et voilà ! Vous êtes tout à coup dans une relation qui va de travers, vous avez un pied dedans et un pied en dehors parce que vous ne vous sentez pas vous-même. Vous voyez ça et vous vous dîtes, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Et comment est-ce que je fais ça ? Ce n’est pas moi du tout. Qu’est-ce qui se passe ? Je pense que quiconque ayant déjà porté un regard sur sa propre vie peut s’identifier avec un instant de ce genre. Pas besoin d’avoir reçu une balle de baseball sur la tête, mais ça peut simplement être le fait d’être le témoin d’un événement catastrophique qui est arrivé à quelqu’un d’autre et qui, soudain, va se réveiller d’une façon différente. Ça peut être une quantité de choses qui vous choquent et puis votre réalité est bousculée pour un instant et vous ne pouvez que voir cette réalité pour ce qu’elle est.

Je pense que c’est plus cela effectivement ; oui, il y a des signes avant-coureurs.

Une partie de cette dissociation dont le personnage fait l’expérience est partiellement due au fait qu’elle est un peu perturbée. C’est aussi dû au fait qu’elle se trouve dans une relation dans laquelle elle est dissociée depuis un long moment. Je pense que ça fonctionne dans les deux sens d’une certaine manière.

Abby a cette maison fabuleuse, deux enfants en pleine forme, un « mariage heureux », mais ce n’est pas assez. Quelque chose manque, et je pense que c’est une sensation très universelle. Parfois à force d’essayer de tout avoir, nous perdons des morceaux de nous sur la route. À votre avis, quel est le véritable chemin d’Abby à travers cette expérience ?

Je pense qu’il s’agit du rêve de banlieue en particulier ; cette vie est différente que de réussir et devenir un mondain de Manhattan. Vous avez tout bien fait, vous êtes probablement allée dans les meilleures écoles, et vous avez réussi professionnellement et tout ça. Mais vous vous êtes également enfermée dans une boîte. Je pense qu’il est très facile de perdre toute énergie créative là où il y a énormément de stimulation créative.

Tout le monde accepte en quelque sorte de se modeler pour quelqu’un et tout le monde accepte de suivre un certain ensemble de recommandations sur la façon de vivre. Un caractère créatif, ce qu’est Abby à mon avis, va certainement ressentir à un moment donné l’impression de mourir là dans les banlieues. Donc après il y a aussi cette histoire d’amour avec Manhattan et les projets qu’elle fait sont ses entremetteurs. Elle essaye juste de trouverquelque chose qui la réveillera.

Elle est morte à différents niveaux : de manière créative et sexuelle. Ces deux choses sont très liées, vous savez. Il y a beaucoup de littérature sur ce sujet, sur le fait que l’énergie créative et l’énergie sexuelle sont en quelque sorte liées l’une à l’autre. Je pense que ça fait partie de ce qu’il se passe ici. C’est réel, cette sorte de souffrance, quand bien même nous disons « Oh, ce sont des problèmes de la classe supérieure ». Lorsque ce film est sorti en Allemagne, quelqu’un lors de la session de questions-réponses a dit : « Qu’est-ce que votre film essaye de dire sur la bourgeoisie ? ». Ce fut un moment qui m’a en quelque sorte mise sur pause parce que oui, une des façons de voir ce film a entièrement à voir avec les classes. Ça a tout à voir avec les classes. C’est un regard intéressant à poser mais je pense qu’il est important de considérer cette forme de souffrance pour ce qu’elle est. L’espèce de souffrance d’un esprit étouffé, tout comme la souffrance provenant d’une véritable privation physique. Peut-être qu’il s’agit encore plus d’un socle commun pour le public. Presque tout le monde connait cette expérience, je pense. Peut-être que je me trompe, mais j’ai l’impression que c’est une forme de souffrance assez universelle.

Les films avec des protagonistes lesbiens sont toujours très peu courants. Avoir un film où le sexe et l’érotisme lesbiens ne sont pas représentés pour la contemplation masculine est encore plus rarissime. Concussion est un peu comme un petit joyau de respect. En tant qu’actrice, comment est-ce de jouer un rôle qui met en valeur la sexualité du personnage d’une telle façon ? Je crois avoir lu quelque part que ce fut vos toutes premières scènes de sexe ?

Oui, oui [rires].

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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