Ronde de Nuit : Interview d’Anna Maxwell Martin et Claire Foy, les interprètes de Kay et Helen

Ronde de Nuit : Interview d'Anna Maxwell Martin et Claire Foy

Interview accordée le 28 juin 2011 pour le site de la BBC

Au départ, qu’est-ce qui vous a attirée dans le rôle de Kay ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Le fait de rencontrer Richard Laxton, le réalisateur – que j’apprécie beaucoup – je souhaitais vraiment travailler avec lui et j’ai trouvé que c’était un projet solide, avec de bons rôles féminins.

Qu’admirez-vous le plus chez Kay ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Je crois que ce que j’admire le plus est aussi la chose la plus déchirante en elle : le fait qu’elle soit si véhémente concernant son orientation sexuelle et qu’elle ne la cache pas; mais elle croit réellement que la guerre annoncera une nouvelle ère pour les femmes.
Lorsque la guerre prend fin – au contraire – c’est tout l’inverse et beaucoup de ce qui avait été accompli pendant la guerre est remis en cause. Kay a une volonté et une détermination pendant la guerre de montrer qu’elle est homosexuelle et qu’elle en est ouvertement fière.
Après la guerre, c’est dommage, parce qu’elle se retrouve seule. Elle est écrasée par le fait que tout redevienne comme avant, et par le chagrin. Je crois que c’est ce que j’admire en elle, elle est déterminée à se montrer courageuse concernant qui elle est.

Comprenez-vous ses motivations ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Complètement; Kay est quelqu’un qui veut pouvoir exprimer sa sexualité librement et pourquoi ne devrait-elle pas ? Pourquoi devrait-elle vivre à une époque où elle ne peut pas le faire ? C’est une personne forte et solide, qui, dans bien des domaines est aussi forte qu’un homme.
Je pense qu’elle aime se le prouver. Quand la guerre prend fin, beaucoup de ses raisons d’être cessent aussi, ce qui est très difficile pour elle.
Je peux comprendre ce qu’elle ressent. Nous vivons dans une société très libérale dans le monde occidental et nous considérons souvent cela pour acquis.

Comment décririez-vous la relation de Kay et d’Helen ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Elle est incroyablement dysfonctionnelle, c’est ce qui m’a vraiment frappée dans cette histoire. C’est un triangle amoureux très intéressant entre elles trois et aucune n’est amoureuse de la bonne personne. Chacune est amoureuse de la personne qui ne l’aime pas inconditionnellement : Julia est amoureuse de Kay, Kay est amoureuse d’Helen et Helen est amoureuse de Julia.
On peut se demander à quel point Kay n’a pas fait pression sur Helen pour qu’elle soit avec elle. Parce qu’Helen donne vraiment l’impression de ne pas avoir le choix donc évidemment, ça ne peut pas fonctionner.

Que ressent Helen pour Julia ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Elle s’est complètement entichée de Julia. Julia nourrit peut-être toujours des sentiments pour Kay et veut lui faire du mal. On ignore quelles sont les motivations de Julia et le fait qu’elle soit avec Helen est très intéressant : est-ce juste pour faire souffrir Kay ou est-ce une affection sincère pour Helen ? C’est étrange.

Pensez-vous que Julia se soit mise avec Helen par vengeance ?

ANNA MAXWELL MARTIN : Il y avait cette scène qui devait être coupée et elle expliquait vraiment la relation entre Julia et Kay, sinon vous ne la voyiez pas du tout et je me suis vraiment battue pour ça, parce que j’avais le sentiment que c’était nécessaire à l’histoire pour que les gens puissent voir combien Julia était une personne vulnérable en présence de Kay.
Julia n’est pas cette femme féministe, forte, directe, intelligente et ravissante; elle est un peu frêle et cherche désespérément à se faire aimer de Kay.
Je trouvais que c’était vraiment important pour l’histoire car ça explique le triangle amoureux.

Avez-vous trouvé plutôt surprenante cette façon dont Julia se comporte avec Kay ?

ANNA MAXWELL MARTIN : C’est génial de voir Julia si désespérée et Kay très forte, parce que tout ce qu’on voit vraiment, c’est Kay être totalement soumise en présence d’Helen car elle est désespérément amoureuse d’elle.
C’est important de montrer une autre facette de Kay et que si elle n’était pas dépendante de quelqu’un de façon tellement toxique – comme elle l’est d’Helen – elle serait une toute autre personne.
Bien entendu, l’amour et l’amour obsessionnel fait de nous des personnes assez horribles et transforme Kay en une personne plutôt affreuse et désespérée. Ça vous fait presque grincer des dents de la regarder, vous vous dites : « Arrête d’embrasser Helen, arrête de la toucher tout le temps », parce qu’Helen ne lui rend jamais la pareille.
J’ai dit à Claire Foy : « Je suis désolée de devoir te peloter à longueur de temps » parce que Kay passe son temps à la toucher.

Comment avez-vous vécu ces scènes intimes avec Claire Foy ?

ANNA MAXWELL MARTIN : On a juste beaucoup ri bêtement et gloussé, on a beaucoup ri. On s’entendait si bien, Dieu merci ! Nous toutes, toutes les filles se sont vraiment bien entendues. Et en fait, c’est beaucoup plus facile de faire une scène de ce genre avec une femme plutôt qu’avec un homme.
Quand vous faites une scène intime avec un homme, c’est souvent gênant, donc en fait, ça allait.
Sauf que je n’arrêtais pas de donner des coups de têtes à Claire, parce que mon mari est beaucoup plus grand qu’elle – donc à chaque prise, je me retrouvais à lui donner un coup de tête !

Quelle est votre scène favorite ?

ANNA MAXWELL MARTIN : J’ai vraiment aimé faire la scène avec Claudie Blakely, parce que de façon brillante pour une adaptation dramatique, les répliques n’ont pas été exagérées donc on savoure les dialogues. Évidemment, Claudie est excellente elle aussi.
J’ai passé vraiment beaucoup de temps à marcher, je veux dire, j’ai eu d’interminables scènes à avoir l’air extrêmement malheureuse; j’arrivais au travail en demandant ce qu’on allait faire aujourd’hui et ils me disaient : « Tu ne fais que marcher » et je répondais : « Oh, je n’en peux plus de marcher à la ronde avec un air sombre en fumant une cigarette ! »

Anna Maxwell Martin

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le rôle d’Helen ?

CLAIRE FOY : C’était le projet dans son ensemble, et pas juste le personnage d’Helen qui m’a attirée. Richard Laxton – le réalisateur – auditionnait des gens pour tous les rôles et au début, j’étais vraiment partie pour être Viv, mais il ne cessait de dire : « Jette un œil à Helen, jette un œil à Helen. » Et quand je l’ai fait, j’ai pensé que c’était un personnage tellement intéressant, si difficile et aussi assez embarrassante à regarder.
Il faut vraiment regarder en face certaines de vos propres insécurités pour jouer un personnage comme elle, parce qu’elle est si vulnérable, fragile et naïve. C’était intéressant d’essayer de me rappeler si je m’étais déjà comportée comme elle.
Mais Helen est aussi adorable, vous avez envie de l’aider. Elle est comme une amie qui prend continuellement les mauvaises décisions, même après que vous lui ayez donné des conseils.

Helen a deux grandes histoires dans ce film. Comment décririez-vous sa relation avec Julia ?

CLAIRE FOY : Helen idolâtre Julia, et voudrait être elle. C’est une situation où Helen a l’impression d’être avec quelqu’un de beaucoup plus sexy et intéressant qu’elle et elle pense toujours que Julia va la quitter pour quelqu’un d’autre.
Julia est très distante émotionnellement, ce qui ne fait qu’aggraver la situation et elle est dans cette relation pour des raisons nombreuses et compliquées. Helen a quitté quelqu’un pour être avec Julia ce qui lui donne ce sentiment : « Si ça ne marche pas, alors je ne sais pas ce que je ferai. »
Pour Helen, c’est réellement l’ultime tentative pour trouver le bonheur, mais c’est une relation très destructrice; elle fait constamment semblant d’être quelqu’un qu’elle n’est pas et en réalité, elle se sent mal. Le comportement d’Helen use Julia petit à petit et finit par lui donner envie de quitter Helen.

En quoi la relation d’Helen avec Kay est-elle différente ?

CLAIRE FOY : C’est tout le contraire : Kay lui donne tellement d’amour et parce qu’elle lui donne tout cet amour, Helen prend ça pour un dû, en oubliant combien Kay est une personne formidable.
Helen se sent juste étouffée et mal à l’aise. Helen aime Kay, mais ne la trouve plus attirante, et elle n’est pas assez courageuse pour rompre avec elle, ou lui dire ce qu’elle ressent.
Lorsque Kay a rencontré Helen au début, elle était si vulnérable, elle avait besoin de conseils, d’aide et d’amour. Kay lui a donné tout le soutien et la stabilité dont elle avait besoin et recherche maintenant autre chose.
Quand Helen se met avec Julia, je pense qu’elle réalise qu’en fait elle était mieux avec Kay – qui aurait pris soin d’elle éternellement. Helen n’aurait peut-être jamais été heureuse, mais elle s’en serait contentée. Avec Julia, c’est l’enfer sur Terre au quotidien. Elle l’aime trop.

Avez-vous pensé que le public pourrait être choqué par The Night Watch ?

CLAIRE FOY : Je ne pense pas qu’il le sera, parce que toutes les relations vous transportent vraiment. En le lisant et en le regardant, je n’ai jamais été choquée. Il y a eu tellement d’histoires de femmes ayant des relations pendant la guerre, et je pense que ça surprendra les gens car tout le monde croit qu’elles devaient mentir à ce sujet, ce qui est beaucoup moins le cas de nos jours. J’espère seulement que le public trouvera crédibles les histoires d’amour que nous interprétons.

Anna Maxwell Martin

Traduction Magali Pumpkin

Interview Originale sur le Site de la BBC

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